Poulet a écrit :
Et Pierre Laval ? A la fin du deuxième conflit mondial, Laval s'exile en Espagne mais est arrêté puis renvoyé en France. Est-il arrêté et renvoyé de l'autre côté des Pyrénées sur ordre de Franco ? Vouloir accueillir Pétain mais renvoyer Laval, cela peut paraître étonnant et ambigu . Aussi ambigu que l'attitude du caudillo durant le conflit, soit dit en passant... De ce fait, rendre Laval à la France aurait été un moyen de "se racheter"...
Autre question : Y-a-t-il des collaborateurs français qui ont fui en Espagne ? Si oui, était-ce pour y rester ou pour gagner d'autres pays ?
Merci d'avance pour vos réponses !
Laval a eu la chance de trouver un avion, alors qu'il tournait en rond dans la nasse qui se rétrécissait : la Suisse, puis le Liechtenstein, lui avaient refusé l'asile. (Bien renseigné, le Liechtenstein ! Il a eu le culot à la même époque d'offrir l'asile à des prisonniers de l'Armée Rouge qui ne souhaitaient pas revoir le pays, à la grande colère de Staline.) Pour Laval, c'est un officier nazi qui lui a trouvé un Junker 88, avec le plein et ses pilotes, à Bolzano je crois - en tous cas au Tyrol italien - un vrai coup de chance au milieu des troupes allemandes en retraite qui remontaient d'Italie.
C'est cet avion qui l'a amené en Espagne. Arrêté par les Espagnols, ils lui ont donné l'injonction, après quelques temps, de quitter le pays. En réalité il n'a pas été livré à la France par l'Espagne. (Je ne me souviens plus si la France a appris sa présence en Espagne : il a été escamoté - et confiné - dès l'atterrissage. Il me semble que l'Espagne est devenu nerveuse quand l'ambassadeur de France a finalement appris sa présence et émis une vive réclamation, mais je n'en jurerais pas. Il faudrait que je relise ma source : "Morts pour Vichy" de Alain Decaux.)
La solution évidente était de gagner l'Irlande - avec le même avion, resté à sa disposition - l'Eire qui avait marqué une neutralité pointilleuse tout au long du conflit, au point par exemple d'interner pour la durée de la guerre des pilotes britanniques à l'entraînement égarés par le mauvais temps, ou qui avaient dû sauter à cause d'une panne. Même chose pour des marins alliés ayant atterri sur ses côtes ou dans ses eaux. Et cerise sur le gâteau, l'Irlande avait été le seul pays occidental à transmettre ses condoléances au gouvernement du Reich... pour le décès d'Adolf Hitler.
Il y avait donc de bonnes chances que l'Irlande refuse son extradition ou accepte de lui servir de relais.
Au lieu de cela Laval a préféré revenir en France "pour y défendre son honneur" (le malheureux...) et s'est donc envolé vers l'Autriche où il s'est posé sur un terrain américain, qui l'ont remis aux Français.
Il avait avec lui le ministre de l'éducation de Vichy, Abel Bonnard - un collabo ultra à qui son homosexualité avait valu le doux surnom de Gestapette - qui faisait partie du voyage avec son frère et que l'Espagne a autorisé à rester sur son territoire.
L'Espagne a accueilli, à part Laval - trop voyant - tous les collabos français qui ont réussi à s'y réfugier. Je n'ai pas la liste en tête, mais typiquement un Darquier de Pellepoix y a coulé des jours confortables. Le général Bridoux, également.
Degrelle aussi, parmi les noms qui me viennent, mais lui était belge.
(Gilles Perrault évoque Darquier dans sa jolie villa avec vue sur la mer, dans l'Orchestre Rouge, et commente "décidément cette guerre a tout bouleversé sans rien changer." La DST était d'ailleurs déjà passée l'interroger sur le même sujet, preuve que sa présence en Espagne n'avait rien de clandestine. Compte-tenu des activités de Darquier - Commissariat aux Questions Juives - la France demanda son extradition en 1978, après qu'il ait eu la stupidité d'accorder une interview à l'Express, affirmant "qu'à Auschwitz on n'avait gazé que des poux." Malgré la démocratie récente, il faut croire que de noires bonnes fées fascistes veillaient encore sur lui : l'extradition fut refusée, au motif qu'il n'avait pas fait l'objet en France de poursuites pour crimes de guerre. La demande avait-elle mentionné le terme de crimes contre l'humanité, imprescriptibles ? En tous cas Darquier resta en Espagne jusqu'à sa mort, "rendant son âme - comme disait Robert Merle à propos du Duc de Guise - à qui que ce soit qui l'ait voulu prendre." )
En bref, l'Espagne accueillait les collabos et n'en faisait pas mystère. En revanche elle n'est pas citée comme un havre pour les nazis en fuite. (?)