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 Sujet du message : Re: Attitude de Tito
Message Publié : 16 Jan 2012 11:51 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant

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Il est probable que Tito ait pris soin (dès 1945 voire avant) d'asseoir son pouvoir sur des fidèles liés à sa propre personne et non à Staline.


Tito en 1945 peut légitimement apparaître en libérateur de son pays, ce qui lui permet non seulement de fidéliser un cercle autour de lui, mais surtout la population à son charisme. Ainsi, d'une part, il restait maître du jeu - même en supposant les Yougoslaves acquis à la cause communiste en grand nombre, on les imagine mal mobilisant contre Tito, communiste local et héros de la libération, au profit de Staline qui apparaissait comme celui dont l'armée est arrivée comme les carabiniers - et d'autre part il pouvait laisser planer la menace d'une reprise de la guérilla, cette fois-ci contre l'Armée rouge, si celle-ci ne mettait pas les chaussons avant d'entrer.

Si je ne me trompe pas, dans le cadre des accords entre Alliés (Yalta, Potsdam et à-côtés divers) le compromis qui s'était dessiné entérinait le fait que l'URSS ne chercherait pas à se positionner en Méditerranée. Par conséquent, pas d'intérêt supérieur géostratégique pour Staline à mettre la main sur la Yougoslavie.
Dès lors il aurait été absurde pour Staline de risquer un enlisement ridicule et sanglant pour un pays qui n'aurait rien été de plus qu'un tas de cailloux sans intérêt stratégique. Tito avait beau jeu.


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 Sujet du message : Re: Attitude de Tito
Message Publié : 16 Jan 2012 14:31 
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Jean Mabillon
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Ce que vous dites est exact.

Il n'en reste pas moins vrai que Staline est assez indifférent au point de vue des populations et très attentif à la capacité du PC à prendre le pouvoir dans un esprit d'obéissance à Moscou. Par exemple en Pologne un PC absolument dénué de toute popularité et de toute représentativité va prendre le pouvoir à la place de la résistance intérieure et extérieure avec le concours actif de l'armée rouge. En Tchécosolovaquie le PC va s'imposer face aux résistants (Benes notamment).

En Yougoslavie le cas de figure est original : pas d'armée rouge et un PC (et une police politique) indépendant de Moscou.

Ensuite se déroule votre raisonnement : une invasion soviétique aurait débouché sur une guerre civile. A noter aussi qu'en 1948 Truman n'aurait peut-être aps laisser faire. Les Etats Unis ont la bombe - et l'URSS pas encore. Risquer une guerre civile pour belgrade n'aurait eu aucun sens.

Dans les deux cas on peut souligner la prudence de Staline qui évite le conflit frontal.


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 Sujet du message : Re: Attitude de Tito
Message Publié : 16 Jan 2012 15:50 
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Jean-Pierre Vernant
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Il n'en reste pas moins vrai que Staline est assez indifférent au point de vue des populations et très attentif à la capacité du PC à prendre le pouvoir dans un esprit d'obéissance à Moscou.


Certes. Seulement, en Yougoslavie, le PC obéit à Tito, plutôt qu'à Moscou. Quant au point de vue des populations yougoslaves, précisément, tout le monde en 1945 a bien en tête qu'on ne le dédaigne pas impunément.


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 Sujet du message : Re: Attitude de Tito
Message Publié : 16 Jan 2012 21:10 
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Aigle a écrit :
j'approuve le point de vue de Cuchlainn et j'ajoute un détail : Staline à ma connaissance n'a jamais envahi un Etat souverain non occupé par la Wehrmacht.


Les pays Baltes et l'est de la Pologne en 1939 et 1940. Mais le contexte s'y prêtait.

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 Sujet du message : Re: Attitude de Tito
Message Publié : 22 Jan 2012 21:53 
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Jean Mabillon
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Narduccio a écrit :
Aigle a écrit :
j'approuve le point de vue de Cuchlainn et j'ajoute un détail : Staline à ma connaissance n'a jamais envahi un Etat souverain non occupé par la Wehrmacht.


Les pays Baltes et l'est de la Pologne en 1939 et 1940. Mais le contexte s'y prêtait.



Merci Narduccio de citer ces deux contre-exemples qui enrichissent le débat : ils illustrent que Staline ne passe à l'acte qu'avec la certitude de réussir donc tout à fait exceptionnellement. En Pologne, il attaque 15 jours après Hitler. Dans les pays baltes il me semble qu'il a procèdé en deux temps : il impose d'abord par pression diplomatique (appuyée par le Reich) un traité d'alliance à l'automne 1939 et l'annexion n'a lieu qu'à l'été 1940 après la défaite de notre pays lorsque les Baltes ne peuvent plus espérer aucun secours ...

En 1948, l'occident n'aurait jamais accepté une intervention armée contre Tito (qui se serait d'ailleurs bien défendu dans les montagnes balkaniques) et a rendu inefficace le blocus des pays de l'Est contre l'économie yougoslave. La seule solution possible était un coup d'état stalinien au sein des instances yougoslaves mais c'était exclu car tito avait bien verrouillé le systeme.

autre question : Staline était il sensible à l'image pacifiste et démocratique de l'URSS aux yeux des opinions occidentales (et des communistes) ? peut-être aussi ...


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 Sujet du message : Re: Attitude de Tito
Message Publié : 22 Jan 2012 22:04 
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Narduccio a écrit :
Aigle a écrit :
j'approuve le point de vue de Cuchlainn et j'ajoute un détail : Staline à ma connaissance n'a jamais envahi un État souverain non occupé par la Wehrmacht.


Les pays Baltes et l'est de la Pologne en 1939 et 1940. Mais le contexte s'y prêtait.


Je pensais, mon cher Aigle que vous seriez attentif à cette dernière phrase. Effectivement, Staline n'a envahi que des pays dans des situations très favorables pour lui. Je ne pense pas qu'il était attentif à l'image pacifiste de son pays. Je pense plutôt qu'il se méfiait de toutes manœuvres qui aurait pu lui porter tort d'une manière ou d'une autre ou donner trop d'éclat à quelqu'un d'autre.

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 Sujet du message : Re: Attitude de Tito
Message Publié : 24 Jan 2012 13:32 
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Jean Mabillon
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Narduccio a écrit :
Je pensais, mon cher Aigle que vous seriez attentif à cette dernière phrase. .



mais mon cher Narduccio j'étais particulièrement attentif puisque je vous ai explicitement remercié pour cette précision qui enrichissait le débat !



Pour le reste je pense que Staline en 1948 était néanmoins sensible à l'opinion publique occidentale : du fait du poids des PC (en France et en Italie notamment) elle pouvait faire un peu rééquilibrer la puissance atomique des Etats Unis et permettre à terme la neutralisation voire la communisation de l'Europe de l'Ouest.


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 Sujet du message : Re: Attitude de Tito
Message Publié : 24 Jan 2012 13:55 
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Aigle a écrit :
Narduccio a écrit :
Je pensais, mon cher Aigle que vous seriez attentif à cette dernière phrase. .



mais mon cher Narduccio j'étais particulièrement attentif puisque je vous ai explicitement remercié pour cette précision qui enrichissait le débat !



Pour le reste je pense que Staline en 1948 était néanmoins sensible à l'opinion publique occidentale : du fait du poids des PC (en France et en Italie notamment) elle pouvait faire un peu rééquilibrer la puissance atomique des États Unis et permettre à terme la neutralisation voire la communisation de l'Europe de l'Ouest.


On devrait discuter de cela, mais sur un autre fil. Je pense que c'est un peu HS. Je pense que Staline était très sensible à tout ce qui aurait pu lui valoir une remise en cause de son pouvoir en URSS. Le reste lui importait relativement peu. Ou plutôt, il ne le regardait qu'à l'aune de cet impératif. Je vais voir comment faire pour ouvrir le débat en exportant peut-être une partie des interventions de celui-ci. Mais, je ne promet rien pour l'instant puisque j'ai d'autres tâches qui m'attendent par ailleurs. Si quelqu’un désire lancer ce débat sur un autre post, ça me va aussi.

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 Sujet du message : Re: Attitude de Tito
Message Publié : 16 Avr 2012 6:41 
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Ayant passé deux années à compiler des sources (Quai d'Orsay, Ministère des Finances, ...) pour un mémoire de maîtrise sur la politique extérieure de la Yougoslavie, je peux avancer ce qui suit:
Ni Tito ni les membres de son gouvernement (à l'exception de Hebrang, mais celui-ci n'avait aucun pouvoir réel d'infléchir la situation) n'ont jamais été inféodés à Moscou, même pendant les trois années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale. En revanche, Tito entretenait depuis fort longtemps des liens étroits avec Beria, et de l'avis même des diplomates ce n'est pas une boutade si Churchill a déclaré au roi Pierre de Yougoslavie: "Vous croyez que Tito est l'homme de Moscou, en réalité c'est mon homme". Qu'il s'agisse de commerce extérieur, de la guerre civile en Grèce, du partage du Territoire Libre de Trieste, du mode d'application de la Charte de l'ONU (en particulier à propos des deux principales institutions financières internationales, Banque Mondiale et FMI), des livraisons d'armement, politique en direction de ce qui sera connu quelques années plus tard comme le Tiers Monde, etc., Tito a toujours été l'allié de la Grande-Bretagne, ce qui l'a amené à être assez souvent en opposition avec la politique extérieure de l'URSS sous Staline. La condamnation par le Kominform le 28 juin 1948 n'a pas été une rupture comme c'est dit trop souvent, mais une révélation publique quoique vague de différends, afin non pas de renverser Tito mais de contrer ceux qui, dans les autres républiques populaires, étaient tentés de suivre sa politique.
Staline était réaliste et savait que, Tito ou pas Tito, la situation économique yougoslave était loin d'être assez développée pour appliquer les principes économiques défendus par le Kominform en matière de lutte contre l'inflation : le Kominform n'a eu de cesse dès lors de dénoncer l'inféodation du gouvernement yougoslave au capitalisme américain, sans manifester publiquement l'idée qu'au bout de plusieurs années, le développement économique, puissamment aidé par les Etats-Unis, donnerait aux thèses kominformistes une bien plus large audience en Yougoslavie même.
L'aide militaire occidentale (Etats-Unis, Royaume-Uni, France) à la Yougoslavie doit être distinguée selon sa finalité : armement offensif en provenance de Grande-Bretagne, armement purement défensif en provenance de France et surtout des Etats-Unis. Contrairement à ce qu'a écrit Jean-Baptiste Duroselle, les incidents aux frontières et, par suite, la tension militaire, ont été imputés, à chaque fois qu'ils ont pu l'être, à l'armée yougoslave. En particulier, la Bulgarie et l'Albanie n'auraient pu compter sur le soutien des forces soviétiques présentes sur leur territoire pour se défendre contre une invasion de l'AVNOJ, en position de force d'autant plus que la Grèce et la Turquie envisageaient avec la Yougoslavie une action concertée. Celle-ci n'a pas eu lieu faute au refus intransigeant de Washington et à l'évolution de la situation politique dans les pays de l'Est dès surtout le XIXe Congrès du PCUS.
La normalisation, selon le mot consacré, des relations avec les pays de l'Est, à partir de juin 1953, si elle met fin aux tensions militaires, évite au gouvernement yougoslave une dépendance économique et militaire trop étroite à l'égard de Washington, mais se paiera au prix fort lors des négociations économiques soviéto-yougoslaves.


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 Sujet du message : Re: Attitude de Tito
Message Publié : 29 Avr 2012 20:53 
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CaiusModulus a écrit :
En revanche, Tito entretenait depuis fort longtemps des liens étroits avec Beria, et de l'avis même des diplomates ce n'est pas une boutade si Churchill a déclaré au roi Pierre de Yougoslavie: "Vous croyez que Tito est l'homme de Moscou, en réalité c'est mon homme". Qu'il s'agisse de commerce extérieur, de la guerre civile en Grèce, du partage du Territoire Libre de Trieste, du mode d'application de la Charte de l'ONU (en particulier à propos des deux principales institutions financières internationales, Banque Mondiale et FMI), des livraisons d'armement, politique en direction de ce qui sera connu quelques années plus tard comme le Tiers Monde, etc., Tito a toujours été l'allié de la Grande-Bretagne, ce qui l'a amené à être assez souvent en opposition avec la politique extérieure de l'URSS sous Staline.

Comment expliquer alors que Tito soutint les communistes grecs hostiles à la Grèce protégée par la Grande-Bretagne ?
Citer :
Et Staline parapha l’« accord des pourcentages » d’octobre 1944 avec Churchill, et dans une certaine mesure il s’y tint : il fut par la ensuite toujours hostile à l’insurrection communiste grecque et au soutien yougoslave à celle-ci, estimant qu’il n’y avait aucune chance pour que la Grande-Bretagne renonçât à soutenir le gouvernement royal grec, et qu’elle avait les moyens, grâce à sa puissance maritime, de le faire.

Georges-Henri Soutou, La guerre de Cinquante Ans, 48

Résumé de la rupture et de ses conséquences :
Citer :
En effet, fin 1947 encore, Tito était bien vu à Moscou : sa ligne dure depuis 1945 était celle que suivait désormais l’ensemble du mouvement communiste international, depuis Szklarska Poreba. En juillet 1947 Tito avait conclu avec le Bulgare Dimitrov l’accord de Bled, prévoyant l’établissement d’une « confédération balkanique » appelée à réunir la Yougoslavie, la Bulgarie, l’Albanie et éventuellement un jour la Grèce. […] Fin 1947, Tito conclut des traités d’alliance avec la Hongrie et la Roumanie. […]

Les vrais problèmes entre l’URSS et la Yougoslavie commencèrent avec l’évolution de l’affaire grecque fin 1947-début 1948. Le 24 décembre 1947, le parti communiste grec avait annoncé qu’il formait un gouvernement provisoire. L’objectif était de s’emparer de Salonique et d’y installer ce gouvernement, le tout avec l’accord, à ce moment-là, de l’URSS. Les États-Unis réagirent vigoureusement, et envisagèrent même d’envoyer des troupes sur place. Du coup l’URSS renonça à reconnaître le « gouvernement » communiste grec, ce qui rendit Tito furieux. Mais ses rapports avec Staline se détériorèrent de façon décisive à l’occasion de l’affaire albanaise. En décembre 1947 Belgrade annonça son intention de stationner des troupes en Albanie, prélude à l’annexion de ce pays, et étape vers la confédération balkanique que visait Tito. À ce moment-là encore, Staline n’y mettait pas d’obstacle, comme il le déclara à Djilas début janvier 1948. Mais le 26 janvier Staline changea d’avis. En outre le 29 janvier la Pravda condamna le projet de confédération balkanique. Ce changement était dû, semble-t-il, au discours de Bevin du 22, qui avait fait allusion à la situation dans les Balkans. Staline y vit une menace d’ingérence occidentale ; il en conclut qu’il fallait éviter une crise dans les Balkans et donc qu’il fallait abandonner le projet de fusion entre l’Albanie et la Yougoslavie. Cette tendance prudente fut encore renforcée les semaines suivantes avec l’aggravation des tensions concernant l’Allemagne. […]

Dès le mois de février 1948 les relations entre Staline et Tito se détériorèrent ; la crise s’aggrava au mois de mars, avec un échange de lettres entre les deux partis en mars-avril, et le 28 juin ce fut la rupture, le Kominform excluant la Yougoslavie pour déviationnisme idéologique. Le Kremlin pensait probablement que cette condamnation conduirait au renversement de Tito par des communistes yougoslaves favorables à Staline ; effectivement une équipe alternative existait, vigoureusement soutenue par Moscou. Mais Tito écrasa son opposition interne avec la plus grande brutalité ; d’ailleurs les accusations de nationalisme que Moscou portait contre lui renforçait plutôt son prestige dans la population yougoslave. Restant maître du parti, Tito put se maintenir, contrairement aux prévisions de Staline, qui se montra dans cette affaire très maladroit : Tito était prêt à discuter, pas à céder à la menace. […] En outre il s’était opposé vigoureusement à l’implantation des services secrets soviétiques : en d’autres termes il échappait au contrôle de Moscou ; cela a été à mon avis le motif essentiel de la rupture. […]

Quoiqu’il en soit, la crise a été très grave. Limitée au début au niveau des partis respectifs, elle a très vite concernée les deux États, la Yougoslavie a été soumise à un blocus économique en 1949 (en février 1949 le Conseil d’aide économique mutuelle ou Comecon a été créé à l’Est aussi contre elle). Le sommet fut atteint en mars 1949 avec des pressions militaires, on put même craindre une invasion. L’URSS tenta, on l’a vu, d’utiliser l’opposition interne à Tito, en vain, et souleva le problème combien explosif de la Macédoine par l’intermédiaire de la Bulgarie. […] Certes, Washington essayait d’utiliser le phénomène titiste pour affaiblir l’emprise soviétique en Europe orientale, ce qui ne pouvait qu’encourager Staline dans sa paranoïa, mais la dénonciation par Moscou de l’existence d’un vaste réseau titiste (qui plus est lié aux services de renseignement occidentaux) était bien sûr profondément absurde. […]

Bien entendu l’affaire yougoslave eut de considérables répercussions internationales. Géopolitiques : elle compliqua le contrôle de l’URSS sur les Balkans, et la coupa de l’Adriatique. D’autre part la rupture entraîna l’arrêt de l’aide yougoslave au parti communiste grec, qui s’était aligné sur Moscou, et dès l’été 1949 l’échec de la rébellion en Grèce. Mais la rupture eut également des répercussions politiques. En effet les Occidentaux essayèrent d’exploiter le schisme yougoslave. Dans un premier temps ils tentèrent dès 1949 de profiter du fait que l’Albanie était désormais coupée de l’URSS pour renverser le régime d’Enver Hodja à l’aide de groupes d’émigrés infiltrés et parachutés par les services secrets anglais et américain. L’agent soviétique Philby ayant été chargé de coordonner les opérations entre Londres et Washington, ce fut évidemment un désastre, tous les émigrés étant arrêtés dès l’atterrissage. […] Au printemps 1950 on commença à parler d’une aide économique et sous forme de matériel militaire à la Yougoslavie, qui lui fut alors accordée en 1951. […] Le 28 février 1953, Tito signa le traité d’Ankara avec la Grèce et la Turquie, qui prévoyait un système de consultations entre les trois pays. Le 9 août 1954 il signait le traité de Bled, qui constituait une véritable alliance entre les trois capitales. La Yougoslavie se trouvait ainsi reliée au Pacte atlantique.

Georges-Henri Soutou, La guerre de Cinquante Ans, 213-216


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 Sujet du message : Re: Attitude de Tito
Message Publié : 06 Mai 2012 19:54 
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Geopolis a écrit :
Comment expliquer alors que Tito soutint les communistes grecs hostiles à la Grèce protégée par la Grande-Bretagne ?


Tout à fait d'accord avec CaiusModulus sur les liens étroits entre Tito et les Anglais. Tito a en 1945 de vraies ambitions, elles sont balkaniques. Il sait que Dimitrov, malade depuis longtemps ne sera pas éternel, comme Staline d'ailleurs. Il se voit donc à la tête d'une fédération balkanique et un appui aux partisans grecs peut être intéressant pour l'avenir. cet appui n'a pas comme principal objet de gêner les Anglais, son impact est faible de toute manière, mais bien de forger la carrure régionale de Tito. Qui d'ailleurs ne manquera pas, comme le note Caius de lancer un projet régional avec le gouvernement grec qui venait d'écraser la résistance communiste et la Turquie.


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 Sujet du message : Re: Attitude de Tito
Message Publié : 07 Mai 2012 3:20 
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Geopolis a écrit :
Comment expliquer alors que Tito soutint les communistes grecs hostiles à la Grèce protégée par la Grande-Bretagne ?

L'armée populaire de libération de l'Etat (grec), aurement dit l'ELAS sous le commandement de Markos Vafiadis, dans ce qu'on a appelé la "guerre civile grecque" (1946-1949), a été secrètement soutenue (or, armes) par Londres pour mener des opérations ciblées contre les investissements américains en Grèce et ne déposer les armes que si elle obtenait une participation au gouverment d'Athènes. Cet objectif a failli se réaliser en février 1949 : cela aurait permis de limiter l'influence américaine qui concurrençait les intérêts britanniques non seulement en Grèce mais dans toute la Méditerranée orientale.

Les archives des Foreign Relations of the United States (consultables par exemple à la BDIC de Nanterre) et celles du Ministère des Finances contredisent la vision de Georges-Henri Soutou sur la rupture soviéto-yougoslave: pour ne prendre qu'un exemple, celui des relations commerciales, c'est le progressif embargo (sensible dès l'automne 1947 à propos des livraisons de produits pétroliers, et devenu systématique à partir de 1948 par l'exigence d'une licence d'exportation) par le gouvernement américain des exportations US vers l'URSS qui a permis au gouvernement yougoslave de remplacer son précédent commerce avec les pays de l'Est, qui a toujours été très inférieur aux prévisions des traités commerciaux et n'apportait que peu d'articles intéressants (surtout la houille cokéfiable) à la Yougoslavie, par celui autrement plus profitable avec le reste du monde et notamment les Etats-Unis.


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 Sujet du message : Re: Attitude de Tito
Message Publié : 07 Mai 2012 15:22 
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Une précision que j'ai oublié d'ajouter dans mon précédent post: certes l'ELAS a officiellement été dissoute suite aux accords de Varkiza en février 1945, mais c'est pour renaître comme Armée démocratique de Grèce (DSE). Quant à l'aide britannique dont elle a bénéficié, il est naïf de croire que c'est seulement pour lutter contre l'occupant allemand : la préparation de l'après-guerre comptait infiniment plus. Elle a d'ailleurs recouvert divers moyens: ainsi, en 1945 Londres qui alimentait le budget de fonctionnement de la police grecque avait empêché celle-ci de réprimer efficacement la rébellion communiste en train de naître.


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 Sujet du message : Re: Attitude de Tito
Message Publié : 17 Jan 2014 0:43 
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Thucydide
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Bien que les yougoslaves étaient communistes, ils avaient une nationalisme très forte qui faisait face à le communisme soviétique. Stalin jamais pu tuer Tito ou même envahir la Yougoslave puisque ceux avaient beaucoup d'influence et le soutien des autres pays dans les Balkans. Stalin ne souhait pas que des autres pays se soulèveraient aussi contre la Russe. Après que la Yougoslave a été expulsée de l'Union Soviétique, les Etats Unis ont levé celle pour faire la propagande sur d'état qui a défié la Russe en échange du soutien économique de les américains.

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"L'histoire c'est une lumière dans un monde plein d'incertitude."


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 Sujet du message : Re: Attitude de Tito
Message Publié : 17 Jan 2014 1:59 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

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Romeo a écrit :
La Yougoslavie s'est libérée du nazisme toute seule, les soviétiques n'avaient donc rien à faire la dedans.


Assez exagéré, et même faux : elle ne s'est pas libérée du nazisme : il faut plutôt dire : quand le nazisme s'est effondré (en Allemagne), l'Armée soviétique n'était pas en Yougoslavie (les armées occidentales non plus d'ailleurs) : les partisans communistes ont donc pris le pouvoir.


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