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Message Publié : 30 Déc 2013 4:47 
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Les opinions économiques que l'on pourrait qualifier de "libérales" ont, semble-t-il, une image plutôt négative en France dans la seconde moitié du XXe siècle. Comment expliquer cette différence notable avec beaucoup d'autres démocraties occidentales ?

Leur image semble s'être améliorée dans les années 1980, époque de la concomitance entre une forte croissance américaine et l'effrondrement des régimes d'extrême-gauche en Europe : quelle est la mesure de ce phénomène en France ? Peut-on réellement constater des différences (en matière de vocabulaire par exemple) avec les années 1970 ?


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Message Publié : 30 Déc 2013 5:27 
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Sur ce sujet la limite chronologique reste fixée à 1991.

Voila un sujet où une limite à fin 2000 reviendrait à parler politique du jour. On pourrait même s'y écharper sur les 35 heures... :rool:

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Message Publié : 30 Déc 2013 8:10 
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Il y a un biais dans votre introduction du sujet : vous l'avez nommé "l'image du "capitalisme" en France" et vous posez la question des "opinions politiques libérales", (en comparaison avec d'autres pays en Europe) ce qui n'est pas tout à fait la même problématique.

Il faudrait voir ce que vous mettez sous l'étiquette "opinions politiques libérales". S'il s'agit de la vision américaine du capitalisme, ce n'est pas seulement en France mais dans toute l'Europe occidentale qu'elle ne prend pas. Chaque pays a sa culture, mais dans les années 60 à 80 aucun pays européen développé ne fonctionne à l'américaine. L'exemple type est "l'économie sociale de marché" pratiquée par l'Allemagne de l'ouest, ce qu'on a appelé aussi le capitalisme rhénan. C'est, en gros, un capitalisme libéral associé à une règle tacite de partage des résultats arbitrée davantage en faveur des salariés que des actionnaires, appuyée sur une position réaliste de syndicats très puissants : réaliste, parce que ces syndicats "jouent le jeu". En particulier jamais l'investissement n'est sacrifié, et les grèves sont relativement rares : la menace suffit, et elle n'est pas brandie à tout propos. C'est un capitalisme basé sur le compromis. Il fait de l'Allemagne de l'ouest la deuxième économie mondiale, avec une politique sociale qui ne semble pas un handicap.

Dans les années 60, on peut même se demander si l'influence ne fonctionne pas plutôt de l'Europe sociale-démocrate vers les USA : si les Etats-Unis sont et restent la référence pour les méthodes de management et de gestion (ils sont par exemple en avance sur l'informatisation) en revanche ils se mettent aussi au "welfare state", et commencent à distribuer des prestations sociales importantes, ce qui sera un des volets de la politique de Johnson.

Comme toujours, le cas de la France est particulier : si les entreprises privées y sont prospères dans les années 60, elle pratique aussi une sorte de "capitalisme d'état" dans la tradition colbertiste, hérité des nationalisations de la Libération, en particulier pour le système bancaire, et appuyé sur la planification. Il en sort des projets tels que Concorde, Airbus, le TGV... (Je ne mentionne pas les projets d'armement, qui dans tous les pays occidentaux sont plus ou moins pilotés par l'état, sous une forme ou une autre.) Par contre on n'y pratique guère l'art du compromis social-démocrate, et c'est un euphémisme : le principal syndicat, la CGT, se proclame volontiers anticapitaliste.

Ce paysage ne change guère au cours des années 70. En France, le capitalisme d'état est même renforcé au début des années 80 par les nationalisations opérées par la gauche première mouture - jusqu'au tournant de 83 - ce qui d'ailleurs permet de recapitaliser des grands groupes dont l'investissement commençait à faiblir. C'est paradoxalement la gauche qui va initier la fin des entreprises d'état subventionnées, en restructurant la sidérurgie et en fermant les mines de charbon. L'image de l'entreprise innovante y est valorisée, personnalisée par les leçons d'économie libérale données par Bernard Tapie à la télévision. L'opinion française se réconcilie avec ses entreprises, dans un contexte de début du chômage de masse - un phénomène apparu en 74 après le premier choc pétrolier.

A mon avis, l'Angleterre fait figure d'exception en Europe pendant toute la période 60-90. Elle passe d'une situation où l'omniprésence des syndicats paralyse l'économie (l'industrie automobile britannique est mourante à la fin des années 80) à une purge libérale effectuée par Thatcher à la même période que Reagan, qui finira d'achever l'industrie britannique : la version anglaise, contrairement à la politique de Reagan, s'adresse à des entreprises en mauvaise santé et ne comporte pas le même investissement massif dans l'industrie militaire que son modèle américain.

Au final, et pour rester dans l'automobile, l'Angleterre ne dispose plus (aujourd'hui) d'aucun constructeur national : le regroupement d'une dizaine de constructeurs sous l'étiquette Leyland tenté à l'époque Thatcher est un échec, à un moment où les constructeurs occidentaux doivent s'adapter à marche forcée aux méthodes industrielles japonaises. Peut-être était-il trop tard, mais cette initiative aurait également nécessité un financement public important (faute d'investissement privé disponible) ce qui n'entrait pas dans le cadre défini par Thatcher. Thatcher va d'ailleurs condamner cette initiative en attirant en Angleterre les investissements étrangers, ce qui vaudra à l'Angleterre le surnom de "porte-avion japonais en Europe" : les Japonais implantent en Angleterre des "usines tournevis" (qui n'effectuent que l'assemblage final) pour contourner les barrières douanières européennes.

Si on s'arrête à la limite chronologique de 91, l'expérience Thatcher fait plutôt figure de repoussoir pour les autres pays européens, à cause de son impact social et de l'appauvrissement des finances et des services publics dont ce pays mettra 20 ans à se remettre. Au total, jusqu'en 91, la social-démocratie se porte tant bien que mal en Europe, elle s'adapte à la nouvelle donne industrielle au prix d'un "traitement social du chômage" qui limite les dégâts sociaux. Il faudra la déréglementation dans le cadre de l'OMC et les débuts de la mondialisation pour que cet équilibre soit remis en cause, mais là on est hors limite chronologique.

Paradoxalement, les constructeurs automobiles français sont les premiers à relever le gant des méthodes japonaises, dès le début des années 80. Renault et surtout Peugeot vont devenir aussi performants sur le Juste-à-Temps et la Qualité totale que leurs homologues japonais, avec une longueur d'avance sur leurs concurrents européens. (au point qu'on verra même Renault prendre le contrôle de Nissan pour le redresser, un événement impensable 20 ans plus tôt) Le reste de l'industrie française suivra assez bien, avec des fortunes diverses selon les secteurs, mais très loin de l'image de sclérose qu'on accole volontiers à l'industrie française, dans un pays qui a fait de l'auto-dénigrement un sport national.

Paradoxalement aussi, les dénationalisations vont mettre dans la compétition internationale des grands groupes français recapitalisés et réorganisés dont les performances ultérieures seront plutôt satisfaisantes. (A comparer avec l'expérience de British Leyland, on peut se demander si une cure bien conduite de financement public ne vaut pas mieux qu'un regroupement capitalistique mal financé, mais c'est à moduler par le poids des syndicats : l'automobile britannique était peut-être incurable - c'est un what if d'imaginer une reprise en main dans un cadre nationalisé.)

En tous cas il y a là un paradoxe bien français : le monde français de l'entreprise est très loin de la caricature des entreprises dépourvues d'innovation et paralysées par les grèves qu'on s'en fait à l'étranger, et d'ailleurs les investisseurs étrangers, qui y regardent de plus près, n'ont jamais manqué. Il a traversé sans rougir les trois décennies de 60 à 90, et s'il a pris comme tout le monde le choc de la mondialisation, il est un peu trop tôt pour l'enterrer.

La constante, des années 60 jusqu'à... 91 :mrgreen: est la frilosité de l'investissement privé : la notion de "capital risque" passe difficilement dans les moeurs du capitalisme français.

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Message Publié : 30 Déc 2013 9:06 
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Pierma a écrit :
Il y a un biais dans votre introduction du sujet : vous l'avez nommé "l'image du "capitalisme" en France" et vous posez la question des "opinions politiques libérales", (en comparaison avec d'autres pays en Europe) ce qui n'est pas tout à fait la même problématique.


J'ai volontairement utilisé des guillemets car un amalgame est souvent fait entre ces deux notions. Il est vrai que le titre de ce sujet n'est pas sans ambiguïté et peut-être pourrais-je en trouver un qui serait plus adapté au cours de cette discussion.

Pour reprendre celle-ci, il semble que les années 1980 voient émerger des écrivains qui trouvent un public relativement large sur un segment de marché qui est celui du libéralisme économique et en posant parfois comme modèles les Etats-Unis et la Grande Bretagne. Quelle fut la mesure de cette "percée" des partisans du recul de l'Etat dans la vie économique et comment fut-elle vécue par les Français ?

Pierma a écrit :
L'image de l'entreprise innovante y est valorisée, personnalisée par les leçons d'économie libérale données par Bernard Tapie à la télévision. L'opinion française se réconcilie avec ses entreprises, dans un contexte de début du chômage de masse - un phénomène apparu en 74 après le premier choc pétrolier.


Cette nouvelle image de l'entreprise commencerait, selon vous, à se mettre en place avant le tournant de la rigueur - qu'elle aurait pu encourager ? - ou une fois celui-ci effectué pour l'accompagner ?

Pierma a écrit :
A mon avis, l'Angleterre fait figure d'exception en Europe pendant toute la période 60-90. Elle passe d'une situation où l'omniprésence des syndicats paralyse l'économie (l'industrie automobile britannique est mourante à la fin des années 80) à une purge libérale effectuée par Thatcher à la même période que Reagan, qui finira d'achever l'industrie britannique : la version anglaise, contrairement à la politique de Reagan, s'adresse à des entreprises en mauvaise santé et ne comporte pas le même investissement massif dans l'industrie militaire que son modèle américain.


Nous tombons encore sur ce tournant des années 1980 mais chronologiquement, l'Angleterre a précédé les Etats-Unis (en tout cas en ce qui concerne l'élection de ces deux personnalités emblématiques). D'où vient finalement ce "phénomène de mode" libéral ? Il semble y avoir concomitance mais j'ai du mal à croire à une simple coincidence.

Pierma a écrit :
Paradoxalement, les constructeurs automobiles français sont les premiers à relever le gant des méthodes japonaises, dès le début des années 80. Renault et surtout Peugeot vont devenir aussi performants sur le Juste-à-Temps et la Qualité totale que leurs homologues japonais, avec une longueur d'avance sur leurs concurrents européens. (au point qu'on verra même Renault prendre le contrôle de Nissan pour le redresser, un événement impensable 20 ans plus tôt) Le reste de l'industrie française suivra assez bien, avec des fortunes diverses selon les secteurs, mais très loin de l'image de sclérose qu'on accole volontiers à l'industrie française, dans un pays qui a fait de l'auto-dénigrement un sport national.


Comment expliquer ce dynamisme de Renault ou Peugeot par rapport à ses concurrents, notamment Européens ? La manière dont vous enchainez ces deux exemples laisse penser que vous l'expliquez par une présence d'investissements publics contrairement au cas de l'industrie automobile britannique. Est-ce bien votre propos ?


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Message Publié : 30 Déc 2013 9:45 
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Pierre de L'Estoile
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Quelle fut la mesure de cette "percée" des partisans du recul de l'Etat dans la vie économique et comment fut-elle vécue par les Français ?


Il faut tenir compte pour les années 80 d'un économiste comme Guy Sorman qui a publié des livres comme "La solution libérale" ou "la nouvelle richesse des nations" ou il prône l'utilisation des recettes libérales ce qui sera fait par Jacques Chirac durant sa période d'arrivée au pouvoir de 1986/87. Plus tard Jacques Chirac condamnera fermement le libéralisme économique. (mais là on dépasse la borne chronologique du forum)
Pour la période Guy Sorman est un auteur incontournable.
Voir sa notice wikipedia; https://fr.wikipedia.org/wiki/Guy_Sorman

Concernant l'industrie anglaise, elle a beaucoup souffert mais actuellement pèse plus lourd dans le PIB britannique que l'industrie française dans le PIB de la France, notamment du fait d'un coût du travail nettement + faible.

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Le souvenir ne disparait pas, il s'endort seulement.
Epitaphe trouvée dans un cimetière des Alpes

La science de l'histoire est une digue qui s'oppose au torrent du temps.
Anne Comnène, princesse byzantine (1083-1148)

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Message Publié : 30 Déc 2013 10:29 
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Sallucanian a écrit :
Pierma a écrit :
Il y a un biais dans votre introduction du sujet : vous l'avez nommé "l'image du "capitalisme" en France" et vous posez la question des "opinions politiques libérales", (en comparaison avec d'autres pays en Europe) ce qui n'est pas tout à fait la même problématique.


J'ai volontairement utilisé des guillemets car un amalgame est souvent fait entre ces deux notions. Il est vrai que le titre de ce sujet n'est pas sans ambiguïté et peut-être pourrais-je en trouver un qui serait plus adapté au cours de cette discussion.

Précisément. Quel est l'aspect que vous voulez traiter en priorité ?

il y aurait matière à deux discussions. Pour l'instant je laisse courir cette ambiguïté, mais si ça part dans tous les sens, il faudra peut-être séparer les deux aspects.

On verra à l'usage.

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Pierma a écrit :
L'image de l'entreprise innovante y est valorisée, personnalisée par les leçons d'économie libérale données par Bernard Tapie à la télévision. L'opinion française se réconcilie avec ses entreprises, dans un contexte de début du chômage de masse - un phénomène apparu en 74 après le premier choc pétrolier.

Cette nouvelle image de l'entreprise commencerait, selon vous, à se mettre en place avant le tournant de la rigueur - qu'elle aurait pu encourager ? - ou une fois celui-ci effectué pour l'accompagner ?

Non, c'est clairement après le tournant de la rigueur. La gauche élue en 81 présente une certaine méfiance envers le capitalisme "sauvage". (d'où les nationalisations.)

Le tournant de la rigueur n'est d'ailleurs pas initié par des idées libérales, mais par le constat que les caisses sont vides et que l'inflation - avec l'augmentation du SMIC - est repartie de plus belle. (En 83 on en est à la troisième dévaluation du franc, il me semble.)

C'est plutôt la progression du chômage qui amène à repenser le rôle des entreprises, essentielles dans la création d'emplois. Il y a une prise de conscience collective, spécialement à gauche.

Citer :
Pierma a écrit :
A mon avis, l'Angleterre fait figure d'exception en Europe pendant toute la période 60-90. Elle passe d'une situation où l'omniprésence des syndicats paralyse l'économie (l'industrie automobile britannique est mourante à la fin des années 80) à une purge libérale effectuée par Thatcher à la même période que Reagan, qui finira d'achever l'industrie britannique : la version anglaise, contrairement à la politique de Reagan, s'adresse à des entreprises en mauvaise santé et ne comporte pas le même investissement massif dans l'industrie militaire que son modèle américain.


Nous tombons encore sur ce tournant des années 1980 mais chronologiquement, l'Angleterre a précédé les Etats-Unis (en tout cas en ce qui concerne l'élection de ces deux personnalités emblématiques). D'où vient finalement ce "phénomène de mode" libéral ? Il semble y avoir concomitance mais j'ai du mal à croire à une simple coincidence.

D'autres mieux informés que moi vous répondront sur ce point, mais cela est lié à l'apparition de nouvelles théories économiques, aux Etats-Unis d'abord, notamment celles de Milton Friedman.
Le point essentiel est le constat que les relances keynésiennes tentées un peu partout en réponse au choc pétrolier ne fonctionnent pas, et ont tendance à nourrir l'inflation.

Citer :
Pierma a écrit :
Paradoxalement, les constructeurs automobiles français sont les premiers à relever le gant des méthodes japonaises, dès le début des années 80. Renault et surtout Peugeot vont devenir aussi performants sur le Juste-à-Temps et la Qualité totale que leurs homologues japonais, avec une longueur d'avance sur leurs concurrents européens. (au point qu'on verra même Renault prendre le contrôle de Nissan pour le redresser, un événement impensable 20 ans plus tôt) Le reste de l'industrie française suivra assez bien, avec des fortunes diverses selon les secteurs, mais très loin de l'image de sclérose qu'on accole volontiers à l'industrie française, dans un pays qui a fait de l'auto-dénigrement un sport national.


Comment expliquer ce dynamisme de Renault ou Peugeot par rapport à ses concurrents, notamment Européens ? La manière dont vous enchainez ces deux exemples laisse penser que vous l'expliquez par une présence d'investissements publics contrairement au cas de l'industrie automobile britannique. Est-ce bien votre propos ?

Non, le financement public n'est pour rien dans les performances de Renault et Peugeot dans les années 80. Il se trouve que les constructeurs français ont été les premiers à comprendre le sens de ces nouvelles méthodes industrielles, sont allés voir de près leur mise en oeuvre au Japon, et contrairement aux Américains ils ne sont pas tombés dans le panneau de croire que ces performances reposaient sur une automatisation massive. (Légende volontairement entretenue par les Japonais.)

Pendant une longue période ils ont réussi à être plus performants que Volkswagen, par exemple. Après quoi VAG s'est rattrapé en rachetant Skoda, après la chute du Mur - l'offre d'achat de Renault était insuffisante sur le développement prévu, alors que Volkswagen s'est engagé sur la pérennité de la marque et le développement des installations tchèques - puis Seat en Espagne, et à joué sur les volumes en standardisant une banque commune de moteurs et de composants. Et bien sûr les Allemands, bien que plus lents à régir, ne sont pas restés idiots sur le flux tendu et la Qualité Totale.

C'est triste à dire, les Français restent meilleurs sur les méthodes industrielles, ce qui les aide en ce moment, mais ne résout pas le problème d'usines qui tournent à 60% de leurs capacités, problème qui tient à d'autres facteurs. (Les Allemands ont gardé leurs sites constructeurs en Allemagne, mais tous leurs fournisseurs sont en Europe de l'est, par exemple. Volkswagen a initié cette politique à l'époque de la RDA, ce qui est assez étonnant pour être mentionné.)

Notez toutefois que l'opération Nissan n'aurait pas été possible si l'Etat actionnaire n'avait pas pris le pari et mis la main à la poche, mais là on se trouve en 97, c'est une autre période, et hors limite chronologique.

(je me permets ces deux incursions hors limite chronologique dans la mesure où il s'agit de la suite de l'histoire industrielle automobile entamée en 80. J'essaierai de faire preuve de la même souplesse sur les autres interventions, tant que ça ne dérive pas dans de l'affrontement idéologique d'actualité.)

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Message Publié : 30 Déc 2013 10:30 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

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Oui POUZET, j'allais citer SORMAN. Maisl il y a eu d'autres livres dont je vais rechercher les auteurs.

En résumé , les années post 45 sont marquées par un grand discrédit de l'économie de marché que ce soit face à la planfication de type soviétique soit à la planification souple imaginée par la France (quelques grands objectifs majeurs abondamment soutenus par des crédits publics).

Après 1968, le système libéral est encore plus critiqué et la gauche se rallie avec le programme commun à l'idée de "rupture". Au sein du PS influence forte de Chevenement (CERES).

A partir de 76 VGE et Barre essaient de réinjecter un peu de libéralisme (suppression du contrôle des prix) mais avec un succès tres limité qui ne renforce pas l'image de l'économie de marché - surtout à gauche. Mitterrand se fait élire sur un programme brutal : nationalisations massives (banques et industries), 35 heures, relance par la consommation, hausse des impôts, promesse de suppression radicale du chômage.

Dès 1982, l'échec est total et évident : hausse rapide du chômage (qui dépasse 2 millions), déficvits massifs, dévaluation. Mitterrand abandonne de lui-même (peut-être sous pression allemande ?) l'objectif des 35 heures (on restera à 39 heures jusqu'en 1998), fixe une limite de 3% au déficit budgétaire, ancre le franc dans le SME. ET SURTOUT face à cet échec, il se lance dans un éloge immodéré de l'esprit d'entreprendre, du dynamisme du secteur privé, etc ... Tout cela conduit au grand marché unqiue européen. L'Europe devenant le prétexte du ralliement de la gauche (en fait de la majorité du PS) au capitalisme libéral.

Cela provoque la rupture avec le PCF (en 1984) puis avec le CERES.

Ensuite Bérégovoy (avec des hommes comme Naouri) va théoriser la "désinflation compétitive" et en fait la prise du contrôle de l'économie réelle par les milieux financiers. Mais à mon avis c'était alors tout à fait inconscient.


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Message Publié : 30 Déc 2013 12:49 
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Pierma a écrit :
Sur ce sujet la limite chronologique reste fixée à 1991.


Pouzet a écrit :
Concernant l'industrie anglaise, elle a beaucoup souffert mais actuellement pèse plus lourd dans le PIB britannique que l'industrie française dans le PIB de la France, notamment du fait d'un coût du travail nettement + faible.


Dès le 4ème message, on est obligé de se répéter...

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Message Publié : 30 Déc 2013 13:16 
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Sallucanian a écrit :
Comment expliquer ce dynamisme de Renault ou Peugeot par rapport à ses concurrents, notamment Européens ? La manière dont vous enchainez ces deux exemples laisse penser que vous l'expliquez par une présence d'investissements publics contrairement au cas de l'industrie automobile britannique. Est-ce bien votre propos ?


Chez Peugeot, dont le capital n'était pas nationalisé, même s'il était fortement soutenu par des acteurs financiers plus ou moins sous le contrôle de l'état, il y a eu 2 ruptures "managériales". La première fut dans les années 80, la conscience que le marché avait changé. Ils ont du ré-apprendre aux vendeurs à vendre des voitures ! Les cadres de chez Peugeot disaient à l'époque que c'était le client qui venait acheter des Peugeot dans les années 60-70, les vendeurs n'étaient là que pour les aider à remplir le bon de commande. Puis, à la fin des années 70 et au début des années 80, il a fallu changer. Je me rappelle être allé chez un concessionnaire Peugeot vers 79-80. J'ai pu tout à loisir regarder tous les véhicules sans qu'un vendeur ne vienne s'enquérir de ce que je désirais. Il y en avait pourtant 3 qui discutaient tranquillement dans un coin. J'ai du aller en chercher 1 pour qu'il daigne venir répondre à mes quelques questions. Comme je faisais le tour des concessionnaires pour acheter ma première voiture, j'ai vu la différence chez certains autres concessionnaires où un vendeur m'a mis la main dessus dès que j'ai passé la porte ...

Il y a eu une autre révolution dans la méthode de management, mais elle fut plus tardive. Ils sont passés d'un management assez paternaliste, mais avec des séparations très marquées entre les divers échelons de métier, à des types de management plus modernes. Et il y eût l'entrée des robots et des ergonomes. J'ai visité 3 fois l'usine de Mulhouse, en 78 avec ma classe de terminale, en 89 et en 97 avec mon équipe dans le cadre de visites d'entreprises. Et j'ai travaillé à la peinture pendant mes congés d'été en 79. La plus grande rupture que j'ai notée c'est en 97. Avant, l'ouvrier qui travaillait à la chaine travaillait de manière "désordonnée". Je m'explique, prenons le gars qui devait visser un rétroviseur et que ce geste prenait 30 secondes. Si la voiture mettait une minute à passer devant lui, il se dépêchait de fixer en moins de 30 secondes son retro, puis il allait s'assoir sur un reposoir pendant 15-20 secondes et il reprenait son travail fébrile pour la voiture suivante. Avec le recul, c'était marrant de le voir se dépêcher pour fixer son rétro, puis se "reposer", puis se dépêcher à nouveau ... Bien entendu, il y avait un certain taux de rebut, il suffisait parfois qu'il fixe mal la première vis et il terminait vite et mal au bout de sa minute parce qu'une autre voiture l'attendait.

En 97, ce qu'on a vu était radicalement différent. Les ouvriers marchaient tout le temps, mais c'était plus serein. A ce qu'on nous a dit, les voitures avançaient plus vite. Mais, grâce au travail avec les ergonomes, il n'y avait plus cette espèce de frénésie. Pour reprendre notre ouvrier, il allait prendre son rétro prêt à poser dans une caisse, il n'avait pas à s’inquiéter s'il était du bon modèle, l'informatique était passée par là et l'ordre des pièces dans les caisses correspondaient exactement à l'ordre des voitures sur les chaines. J'ai oublié de dire qu'avant ce n'était pas le cas, il y avait une plaque accrochée à la carrosserie qui disait de quel modèle il s'agissait, en fonction de cela, il devait choisir un rétro dans les diverses caisses à sa disposition. Un chef faisant régulièrement le tour pour demander des réapprovisionnement en fonction de ce qui était utilisé. Une fois qu'il avait pris le rétro, il allait vers la voiture, marchait à ces cotés en fixant son rétro, puis il revenait à sa caisse. Le temps qu'il fasse ce périple correspondait exactement au temps de passage des véhicules devant son poste de travail. De plus, les poste de travail avaient été adaptés. Avant, la voiture restait toujours au même niveau et c'était l'ouvrier qui se courbait plus ou moins pour arriver au bon niveau. En 97, il y avait des passerelles, et les voitures montaient et descendaient au besoin de manière à ce que les voitures soient toujours au bon niveau de manière à ce que l'ouvrier n'ai pas besoin de passer son temps à se baisser ou se lever. L'ensemble de toutes ces modifications avait parfois été ardu à mettre en œuvre. Par exemple, quant on leur avait présenté le plan, les syndicats avaient crié au scandale à cause de l'augmentation de la cadence de montage. Ils se souvenaient d'expériences anciennes où le management avaient augmenté la cadence de manière cachée. Bien entendu, comme on n'avait changé rien d'autre, le nombre de malfaçons avait augmenté et on en avait fait le reproche aux ouvriers qui avaient fini par découvrir que c'était le faute à l'augmentation des cadences ... Mais là, quelques années après le travail avec les ergonomes, la cadence était bien plus élevée et le taux de défauts était très faible. Parce qu'on avait optimisé la chaine pour les individus et qu'on n'avait pas tenté de faire l'inverse.

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Message Publié : 30 Déc 2013 16:40 
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Pour moi, il n'y a pas eu que deux étapes, mais celles que signale Narduccio correspondent effectivement à deux avancées précises :
Narduccio a écrit :
Chez Peugeot, dont le capital n'était pas nationalisé, même s'il était fortement soutenu par des acteurs financiers plus ou moins sous le contrôle de l'état, il y a eu 2 ruptures "managériales". La première fut dans les années 80, la conscience que le marché avait changé. Ils ont du ré-apprendre aux vendeurs à vendre des voitures ! Les cadres de chez Peugeot disaient à l'époque que c'était le client qui venait acheter des Peugeot dans les années 60-70, les vendeurs n'étaient là que pour les aider à remplir le bon de commande. Puis, à la fin des années 70 et au début des années 80, il a fallu changer.

les années 80 sont dans le monde de la consommation l'époque de la différenciation des produits. Là où il y avait deux fabricants dans les années 60, on en trouve une dizaine, sur un marché ouvert aux produits étrangers, dans les années 80.
Corollaire : chaque fabricant étoffe sa gamme et multiplie les variantes et donc le choix pour le client.
La contrainte industrielle passe donc de la production en série de quelques modèles à une production différenciée selon la demande du client, ce qui nécessite une flexibilité industrielle adaptée : fabrication en petite série, voire à la commande, changement rapide de fabrication, flux tendu pour éviter des stocks qui risquent de ne pas se vendre, etc...

C'est cette évolution générale des marchés qui impose à tous les méthodes japonaises, qui répondent précisément à cet objectif : ne pas produire pour rien, fabriquer "bon du premier coup", reconfigurer rapidement entre deux séries, etc...

On parlait parfois de "zéro stock, zéro défaut, zéro réglage, zéro attente, etc..." mais il s'agit plus d'un slogan, ou d'un idéal, rarement atteignable en pratique. (Et pas forcément nécessaire à ce degré : tout dépend de ce qu'on met dans le stock : si on est sûr que ça se vend...)

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Il y a eu une autre révolution dans la méthode de management, mais elle fut plus tardive. Ils sont passés d'un management assez paternaliste, mais avec des séparations très marquées entre les divers échelons de métier, à des types de management plus modernes. Et il y eût l'entrée des robots et des ergonomes. J'ai visité 3 fois l'usine de Mulhouse, en 78 avec ma classe de terminale, en 89 et en 97 avec mon équipe dans le cadre de visites d'entreprises. Et j'ai travaillé à la peinture pendant mes congés d'été en 79. La plus grande rupture que j'ai notée c'est en 97.

En 97, ce qu'on a vu était radicalement différent. Les ouvriers marchaient tout le temps, mais c'était plus serein. A ce qu'on nous a dit, les voitures avançaient plus vite. Mais, grâce au travail avec les ergonomes, il n'y avait plus cette espèce de frénésie.

Là on est dans l'optimisation fine au niveau poste de travail. Idéalement ce travail "d'amélioration continue" se fait avec la participation des opérateurs. A noter la présence des ergonomes, qui signifie qu'on prend en compte - et qu'on essaie de réduire - la pénibilité du poste et l'accessibilité des pièces et de leur mise en place.

Le travail à la chaîne a d'ailleurs tendance à disparaître au profit du "travail en temps contraint" qui permet de prendre du retard sur une pièce mais de le rattraper par la suite, avec des zones tampon de quelques pièces entre deux postes, voire entre deux "ilots" où une équipe de 4 ou 5 opérateurs s'auto-organise pour tenir la cadence globale, avec un affichage de l'avancement. Evidemment ce n'est pas possible sur une chaîne de montage qui défile, d'où le soin apporté par Peugeot à cette optimisation des tâches de chaque opérateur.

L'idée de base est que le travail à la chaîne bête et méchant est une machine à générer des défauts : les hommes ne sont pas des robots. Ils fatiguent, ont des baisses de cadence temporaires, ratent des pièces, etc.. (et les robots ne savent pas tout faire : la main humaine est un outil merveilleusement adaptable.)

Si l'idée est évidente dans le principe, elle reste difficile à faire passer dans la réalité parce qu'elle demande un travail de réorganisation impliquant les opérateurs, démarche participative pas simple à animer et à faire vivre.

Comme le dit Narduccio, c'est bien une autre philosophie du management.

_________________
Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu. (Chamfort)


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Message Publié : 30 Déc 2013 16:57 
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Jean Mabillon
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Sallucanian a écrit :
Les opinions économiques que l'on pourrait qualifier de "libérales" ont, semble-t-il, une image plutôt négative en France dans la seconde moitié du XXe siècle. Comment expliquer cette différence notable avec beaucoup d'autres démocraties occidentales ?

Leur image semble s'être améliorée dans les années 1980, époque de la concomitance entre une forte croissance américaine et l'effrondrement des régimes d'extrême-gauche en Europe : quelle est la mesure de ce phénomène en France ? Peut-on réellement constater des différences (en matière de vocabulaire par exemple) avec les années 1970 ?



Pour répondre à cette question, je suggère de regarder les médias de l'époque :

"Vive la crise" émission de TV animée par Yves Montand relayée je crois par Libération qui entame à ce moment son ralliement au capitalisme et la substitution de thèmes sociétaux comme l'immigration aux débats sociaux. Toutefois les milieux intellectuels de gauche n'ont jamais vraiment accepté de reconnaître l'efficacité et la supériorité ethique de l'économie de marché, vue comme un système qui donne sa chance à chacun et fait progresser l'économie dans son ensemble. Ils l'ont accepté comme un moindre mal, c'est tout. C'est ce qui explique que l'enthousiasme libéral de certains homme sde gauche (Mitterrand, Bérégovoy, Delors, ou Montant) n'ait pas pénétré les masses.

S'agissant des livres : outre ceux de Guy Sorman déjà cités il y a eu aussi
Michel Cicurel "La France quand même" (Laffont 1983) et "Une économie mondiale "(Hachette 1985) et Michel Albert : 1982 "Le Pari français : le nouveau plein emploi", 1983 "Un pari pour l'Europe", 1988 " Crise, krach, boom" 1991 "Capitalisme contre capitalisme".

On peut aussi mentionner la pédagogie de Jean Boissonnat dans ses chroniques quotidiennes sur RTL.

Et aussi le fait que la droite ait brutalement abandonné les thèmes gaulliens de progres social, de planification "à la française", de participation pour se rallier (en parole) au libéralisme presque pur. Elle ne pouvait faire moins que Mitterrand.


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Message Publié : 30 Déc 2013 17:50 
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Hérodote
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Pierma a écrit :
Précisément. Quel est l'aspect que vous voulez traiter en priorité ?


Le capitalisme n'étant pas lui-même remis en cause, je pense plutôt aux progrès des politiques libérales.

Aigle a écrit :
ET SURTOUT face à cet échec, il se lance dans un éloge immodéré de l'esprit d'entreprendre, du dynamisme du secteur privé, etc ... Tout cela conduit au grand marché unqiue européen. L'Europe devenant le prétexte du ralliement de la gauche (en fait de la majorité du PS) au capitalisme libéral.


Selon J.Julliard dans son Histoire des gauches en France, F.Mitterrand se serait au contraire aurait toujours refusé d'admettre un changement de cap dans sa politique économique alors même que, dans les faits, les changements que vous évoquez se produisaient. Connaissez-vous un discours ou tout autre document relatant des propos tenus par François Mitterrand allant dans ce sens ?

Citer :
Et aussi le fait que la droite ait brutalement abandonné les thèmes gaulliens de progres social, de planification "à la française", de participation pour se rallier (en parole) au libéralisme presque pur.


Auriez-vous des ouvrages à me conseiller sur ce sujet ? Notamment sur les divisions de la droite face à cette question.


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Message Publié : 31 Déc 2013 10:53 
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Jean Mabillon
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Inscription : 07 Sep 2008 15:55
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Sallucanian a écrit :
Aigle a écrit :
ET SURTOUT face à cet échec, il se lance dans un éloge immodéré de l'esprit d'entreprendre, du dynamisme du secteur privé, etc ... Tout cela conduit au grand marché unqiue européen. L'Europe devenant le prétexte du ralliement de la gauche (en fait de la majorité du PS) au capitalisme libéral.


Selon J.Julliard dans son Histoire des gauches en France, F.Mitterrand se serait au contraire aurait toujours refusé d'admettre un changement de cap dans sa politique économique alors même que, dans les faits, les changements que vous évoquez se produisaient. Connaissez-vous un discours ou tout autre document relatant des propos tenus par François Mitterrand allant dans ce sens ?
.



C'est tout à fait juste : vous mettez le doigt sur un point essentiel, Mitterrand n'a jamais expliqué sur le plan théorique les raison de son virage vers la "rigueur" qu'il avait pourtant tant reprochée à Raymond Barre. Il n'y a jamais eu de "Bad Godesberg à la française", c'est à dire jamais de ralliement explicite et expliqué du PS à l'économie de marché. Pourtant à partir du printemps 1983, l'initiative privée et l'esprit d'entreprise (ainsi que la stabilisation du déficit budgétaire et des prélèvements obligatoires) font une soudaine irruption au premier plan du discours gouvernemental...Peut-être Mitterrand a-t-il voulu éviter d'ouvrir un débat théorique sans fin comme la gauche en a le secret ? Peut-être voulait il éviter ou retarder autant que possible une crise avec le PC et Chevènement ?


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Message Publié : 31 Déc 2013 11:58 
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Georges Duby
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Aigle a écrit :
Peut-être Mitterrand a-t-il voulu éviter d'ouvrir un débat théorique sans fin comme la gauche en a le secret ? Peut-être voulait il éviter ou retarder autant que possible une crise avec le PC et Chevènement ?
Je crois aussi qu'il était dans l'esprit de Mitterrand d'assumer tout son passé, on l'a vu avec Vichy, et toutes ses contradictions. Il récuse ainsi avoir commis la moindre erreur et entend que chaque phase a été utile et nécessaire. Mitterrand n'a pas une conception linéaire de l'histoire, celle-ci avance avec ses nécessités et ses vérités du moment. Les changements de bord sont ainsi légitimés, comme le tournant de la rigueur de 1982-83, qui succède à la "rupture avec le capitalisme" de 1981, opéré sous la contrainte.

Raisons du revirement, plutôt "la deuxième phase du changement" dira Mitterrand: trois dévaluations successives, le presque doublement du déficit commercial extérieur, ainsi que le plus que triplement du déficit budgétaire en seulement deux ans: 30 Mds en 1980, 98,9 Mds en 1982. Par ailleurs le chômage, malgré une politique de relance délibérée et proclamée en 1981, augmente de 1,6 M à plus de 2 M, de mars 1981 à mars 1983 et 2,2 M en 1984 (3,2 M en 1992).

Ces chiffres expliquent comment ont été en partie réhabilités après 1982-83, les concepts de marché, de libéralisme et peut-être même de capitalisme, qui ont plusieurs causes, d'autant plus que Chirac, au nom du libéralisme, avait mené une politique économique entre 1986 et 1988 comme PM, qui sera un succès économique très net, puisque le chômage régresse en 1988, en 1989 et au début de 1990, avant de repartir fin 1990; En 1988, le taux de croissance atteint 4 % pour s'abaisser à 2 % en 1991.

_________________
Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.


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Message Publié : 31 Déc 2013 14:25 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 05 Oct 2005 20:39
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Localisation : Lyon-Vénissieux
On peut même considérer que les réformes libérales chiraquienne de 1986/88 sont une réaction contre les excès des politiques socialistes et communistes de F Mitterrand.
De même que le thatchérisme est en partie une réaction contre les politiques du Labour des années 1970 (nationalisations, hyperfiscalisation)

_________________
Le souvenir ne disparait pas, il s'endort seulement.
Epitaphe trouvée dans un cimetière des Alpes

La science de l'histoire est une digue qui s'oppose au torrent du temps.
Anne Comnène, princesse byzantine (1083-1148)

Le passé fait plus de mal que le présent
Proverbe Albanais


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