Un article de L'
Express publié en 2007, disponible en ligne (
http://www.lexpress.fr/actualite/societe/justice/un-premier-ministre-non-imposable_476088.html) revient sur cette affaire.
Ce n'est pas
L'Express mais
Le Canard Enchaîné qui a révélé que Jacques Chaban-Delmas n'avait pas payé d'impôts.
Cette affaire a été exploitée politiquement, par la gauche, évidemment, mais aussi par des personnalités du centre ou de la droite non gaullistes comme Françoise Giroud qui dénonce, non les agissements de Jacques Chaban-Delmas, juridiquement et même moralement irréprochable dans cette affaire, que "l'iniquité fondamentale d'un système fiscal qui privilégie la fortune".
En fait, si Jacques Chaban-Delmas n'a pas payé beaucoup d'impôts, c'est qu'il était vraisemblablement beaucoup moins fortuné qu'on a voulu le laisser croire. Certes, il était parlementaire, maire de Bordeaux, premier ministre de 1969 à 1972 et, à ce titre, percevait des rémunérations relativement confortables en grande partie exonérées d'impôts. Cela procurait une certaine aisance mais sans aucun rapport avec celles que pouvait procurer de hautes fonctions dans le secteur privé. Françoise Giroud et son ami Jean-Jacques Servan-Schreiber ont, comme journalistes, auteurs à succès et patrons de presse, bénéficié de revenus qui devaient être au moins aussi confortables que ceux de Jacques Chaban-Delmas et, également, d'exonérations fiscales, les activités de presse étant choyées par le droit fiscal.
On ne peut même pas parler d'optimisation fiscale de la part de Jacques Chaban-Delmas, ce terme désignant la pratique d'opérations plus ou moins complexes, qui ne sont pas à la portée du premier venu, visant à contourner la loi sans la violer franchement. Il s'est contenté de déclarer ses revenus de parlementaire et ceux de son portefeuille d'actions comme tout français ordinaire qui perçoit un salaire et place une partie de son patrimoine, qui peut être très modeste, en actions cotées en bourse.
Il n'y avait pas de quoi fouetter un chat et, malgré cette affaire, on n'a pas touché au régime fiscal des parlementaires. On a supprimé l'avoir fiscal, mais beaucoup plus tard.
L'avoir fiscal reposait sur l'idée que, les sociétés commerciales versant un impôt sur les bénéfices, de 50% à l'époque, les dividendes étaient des revenus ayant déjà été taxés et qu'il fallait éviter qu'ils ne le soient une deuxième fois. Intellectuellement, cela se défend très bien. Qu'on me corrige si je fais erreur, je crois bien me souvenir que les particuliers ayant perçu des dividendes de sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés réintégraient en partie dans leurs déclarations la part d'impôt sur les sociétés correspondant à ces dividendes perçus. Par exemple, pour 100 F de dividendes versés par la société, on déclarait :
- Dividendes : 150 F dont :
- Déjà perçu par le Trésor : 50 F (soit la moitié de l'impôt de 100 F sur les bénéfices déjà payés par la société puisque la taxation des bénéfices de la société était de 50%)
c'est à dire que pour 100 F de dividendes perçus on était réputé avoir eu un revenu de 150 F et déjà payé 50 F d'impôts.
Il pouvait arriver, ce fut le cas de Jacques Chaban-Delmas, que le montant déjà perçu au titre de dividendes excède le montant de l'impôt à payer sur l'ensemble des revenus. Mais ce pouvait être aussi le cas de gens aux revenus très modestes et, de ce fait non imposables, qui avaient, sur les conseils de leur banquier, placés trois sous sous forme de SICAV et recevaient du fisc deux clopinettes d'avoir fiscal correspondant aux dividendes versés par la SICAV.
Des voix dénonçant un "matraquage fiscal" demandaient d'ailleurs à ce que l'avoir fiscal soit porté de 50% à de 100%. Elles n'ont pas été entendues puisque l'avoir fiscal a été supprimé. Mais, parallèlement, le taux de l'impôt sur les revenus des sociétés a été abaissé.