"La première grande négociation liant réduction et flexibilisation de la durée du travail a lieu de 1978 à 1980 et aboutit à un échec. [...]
Raymond Barre au poste de Premier ministre consacre une analyse de la crise comme un phénomène durable qui exige une restructuration [...] La durée du travail est retenue comme l'un des domaines de mise en oeuvre de cette stratégie. Elle est l'un des quatre thèmes sur lesquels Raymond Barre, dans une lettre du 27 avril [peut-être 1978], suggère aux organisations syndicales et patronales d'ouvrir des négociations. Il développe un message en trois temps : toute mesure unilatérale et uniforme est exclue parce que génératrice de rigidités ; le cadre de la branche doit être privilégié pour la négociation ; enfin, le gouvernement, selon le résultat des négociations, adaptera le cas échéant la législation.
Le renvoi à la négociation n'implique pas la passivité du gouvernement. Robert Boulin, ministre du Travail, annonce en septembre 1978 une intervention législative dans l'hypothèse d'une absence de résultat des négociation avant la fin de l'année. Ce sera la raison de la loi du 2 janvier 1979 (soumise à l'Assemblée en décembre 1978) et du décret du 12 décembre 1978. Présentés comme d'ampleur volontairement limitée pour ne pas compromettre les négociations alors suspendues, ces textes donnent un double signal. D'une part, à l'intention des syndicats, ils réduisent les durées de travail trop longues. D'autre part, à l'intention du patronat, ils introduisent deux sources de flexibilité : la possibilité de répartir sur 4 jours ou 4 jours et demi les 40 heures de travail hebdomadaire, l'autorisation du travail de nuit pour les femmes dans certains cas limités.
Lorsque, en janvier 1980, les négociations sont à nouveau bloquées, le gouvernement [présidé par Giscard d'Estaing] confie à Pierre Giraudet, PDG d'Air-France, "une mission d'investigation et d'exploration" pour favoriser leur reprise. En revanche, l'échec final des négociations n'est suivi d'aucune mesure législative portant sur le même domaine. Le gouvernement préfère laisser porter aux "partenaires sociaux" la responsabilité de la situation. Il limite sa réaction à un projet de loi, présenté en septembre 1980 qui aboutit à une loi du 28 janvier 1981 élargissant les possibilités de recours au temps partiel."
(Source : Jacques Freyssinet,
Le temps de travail en miettes : vingt ans de politique de l'emploi et de négociation collective, Les Editions de l'Atelier, Paris, 1997, page 124, partiellement consultable sur Google Books.)
En décembre 1981, devant le sénat, Michel Rocard, ministre du Plan et de l'Aménagement du territoire, défend le
"Plan intermédiaire pour les années 1982-83". Pierre Louvot, sénateur du parti des Républicains Indépendants intervient :
"[...] Mais il me faut évoquer des mesures structurelles plus ambitieuses.
Il s'agit, d'abord, de la réduction de la durée hebdomadaire du travail. Voilà un processus souhaitable engagé depuis longtemps.
L'échec de la négociation, les conclusions du rapport Giraudet ont conduit le Gouvernement actuel à une pression plus forte. Il s'agit, sous couvert d'ordonnances, de toucher
l'ensemble des secteurs et d'obtenir une réduction significative de la durée du travail afin d'aboutir aux trente-cinq heures en 1985.
Une telle mesure n'a de chance d'être efficace que par le maintien des capacités de production, la recherche d'une meilleure utilisation des équipements et la création dans certaines branches d'une cinquième équipe.
Quoi qu'on fasse — et il faut tenter de le faire — il ne peut y avoir partage du travail sans partage des revenus, et le risque est grand d'une compensation initiale par les gains de
productivité et, à terme, par la stabilisation progressive du capital travail. Dans ces conditions, quel sera l'effet sur l'emploi ? [...]"
(Source ; Le
Journal Officiel du mercredi 23 décembre 1981, page 4512
http://www.senat.fr/comptes-rendus-sean ... 5_4550.pdf )
Pierre Giraudet,
Rapport sur la durée du travail, Documentation française, 1980, 54 pages (
https://books.google.fr/books/about/Rap ... edir_esc=y ne montre que la première page)