Jefferson a écrit :
Je ne maitrise pas du tout le sujet, mais comme l'a rappelé un peu plus haut un intervenant, il ne faudrait pas oublier que la parole médiatique était beaucoup plus libre en 1978 qu'elle ne l'est aujourd'hui. Avant de voir une manœuvre ou un "complot", il faudrait aussi se replacer dans un contexte où les débats, y compris ceux qui portaient sur des sujets sensibles, avaient lieu régulièrement à la télévision, à des heures de grande écoute. Il y avait alors moins de tabous et d'auto-censure. Sur les plateaux télé, vous pouviez voir des skinheads, des négationnistes, des pedophiles repentis, que sais-je encore. On donnait la parole à tout le monde.
Alors franchement, Pivot qui invite Alain de Benoist, cela me semble une toute petite affaire.
Sous l'ère gaulienne, il y a eu une censure bien-pensante assez poussée. Aussi bien à la radio, qu'à la télé ou dans la presse. Pour entendre certaines chansons, il fallait écouter des émissions qui passaient au milieu de la nuit. Après mai-68, mais aussi sous Pompidou et Valéry Giscard d’Estaing, l'étau de la censure se desserrera petit à petit. Tout le monde va profiter de cette liberté retrouvée et on va en tester les limites. Puis, il y aura les radios libres. Et on s'offusquera parfois de certaines émissions que l'on pourrait presque qualifier d'éducation sexuelles où des animateurs répondaient en direct à des questions explicites posées par des collégiens à des heures de grande écoute. La montée du politiquement correct sera une conséquence de tout cela et elle aura lieu dans les années 90. Oui, on s'est rendu compte que parfois la parole libre pouvait blesser certaines personnes. Elle peut même blesser les personnes que l'on veut défendre car elles vont se sentir victimisées et elles vont réagir contre leur victimisation et non pas contre la cause de cet état de fait...
Bref, maintenant, des gens à la mémoire courte font comme si dans les années 75-85 on avait la même perception des choses qu'aujourd'hui. C'est faux, bien entendu. A l'époque, on pensait que le public était assez mature pour bien voir la différence entre la pensée des différentes personnalités invitées. On pensait que le public savait faire la part des choses entre les paroles de telle trublions de tel courant de pensée marginal et les tenants d'une pensée plus académique. Et divers indices montrent que c'était bien le cas.
Puis, il y a eu des émissions de débat qui ont commencé à vouloir faire des "coups". A la place d'inviter 2 vieux monsieur distingués qui échangeaient à mots feutrés, même si parfois c'était sur des choses abominables, on a commencé à vouloir inviter des "militants" plus virulents. Effectivement le rythme de l'émission y gagnait, mais pas les débats. Je me rappelle d'une émission de Ciel, mon mardi où était invités des jeunes militants écologistes anti-nucléaires et des ingénieurs d'EDF et de l'ASN ... Ce ne fut pas un débat. Il n'y a pas eu de discussions et je pense qu'une personne indécise dans le public ne pouvait pas espérer se faire une opinion.
Aujourd'hui, aux heures de grandes écoutes, les émissions où l'on discute se font avec des "chroniqueurs" dont le but est d'envoyer une vanne dès que l'émission devient trop sérieuse car on a peur de perdre de l'audimat. Il faut des coups médiatiques, des scoops. On communique sur les clash, jamais sur le fait que tel débat a été de très grande qualité et qu'il a été instructif. Pour voir de bonnes émissions de débats, il faut aller sur les chaines parlementaires ou il faut se lever en pleine nuit ... La boucle est bouclée sauf que c'est le marché et pas le gouvernement qui censure les idées...