Barbetorte a écrit :
CNE_EMB a écrit :
Je ne comprends pas votre phrase Barbetorte : "les juristes défendant la légalité de la procédure de l’article 11 plutôt que celle de l’article 89 sont très minoritaires". Cette procédure est inscrite dans la constitution de 1958, je ne vois pas en quoi elle pourrait être illégale. Au contraire, elle a la légalité de la plus haute source du droit français (la constitution) associée à la légitimité du peuple souverain s'exprimant par référendum. Non ?
L’article 11 donne au président de la République le pouvoir de soumettre un projet de loi directement au peuple sans passer par le parlement. Ce pouvoir est toutefois limité par les termes mêmes de cet article 11 tout d’abord et par l’article 89 ensuite.
Les limites posées à l’article 11 sont que ne peuvent être soumis à référendum que les projets
portant sur l'organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d'un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions.Celles de l’article 89 sont que les projets de révisions constitutionnelles font l’objet d’une procédure particulière qui impose au préalable l’adoption du projet en termes identiques par les deux assemblées.
La loi Deferre de décentralisation du 2 mars 1982 aurait pu constitutionnellement être approuvée par référendum, mais la loi du 9 octobre 1981 abolissant la peine de mort n’aurait pu l’être parce qu’elle ne portait pas sur l’organisation des pouvoirs publics. La réduction à cinq ans du mandat présidentiel a été approuvée par référendum le 24 septembre 2000, le projet ayant été préalablement adopté en termes identiques par les deux assemblées.
Des référendums comme ceux de 1962 et de 1969 ne seraient vraisemblablement plus possibles actuellement comme on peut le lire dans l’étude que j’ai déjà citée :
Si le référendum intervient au titre de l'article 11 de la Constitution, il ne doit pas avoir normalement pour objet la modification de dispositions de valeur constitutionnelle. En droit strict, il y a donc place pour une intervention du Conseil Constitutionnel qui veillerait à ce que le texte soumis au référendum ne déborde pas du cadre défini à l'article 11 et vérifierait pour le surplus sa conformité à la Constitution puisqu'il n'a pas pour objet de la modifier. Un tel contrôle est difficile à exercer une fois que le corps électoral s'est déjà exprimé, du moins dans la tradition juridique française. Mais le Conseil Constitutionnel pourrait fort bien intervenir en amont de la consultation populaire. Serait ainsi prescrit que le projet de loi ne puisse être soumis au suffrage populaire qu'après constatation de sa conformité à la Constitution par le Conseil. Le contrôle a priori est prévu à l’article 60 dans sa rédaction actuelle :
Le Conseil constitutionnel veille à la régularité des opérations de référendum prévues aux articles 11 et 89 et au titre XV. Il en proclame les résultats. Le Conseil Constitutionnel déclarerait très probablement inconstitutionnel un décret soumettant un projet de révision de la constitution au référendum selon la procédure prévue à l’article 11.
Qu'aujourd'hui, ce ne soit plus possible, je suis d'accord à 99%. La révision du 24 juillet 2008 (avec les changements apportés à l'article 61 - plus que le 60 d'ailleurs) coupe court à l'usage de l'article 11 pour une révision de la Constitution (au passage, ce qu'une réforme constitutionnelle a fait, une autre peut le défaire, d'autant que cette modification, sur un plan démocratique, pose question). Mais, cela ne change rien au débat juridique concernant la période antérieure sur la constitutionnalité, ou non, de l'usage fait de l'article 11 dans les années 1960.
Sur un plan technique, le CC ne déclarerait pas un décret inconstitutionnel (il n'est pas compétent pour les décrets) ; il déclarerait simplement que le projet de loi référendaire est contraire au texte constitutionnel et ne peut donc pas être présenté au référendum (et, encore, en jouant sur les termes - ce qui est quand même la spécialité des professionnels du droit - il y a une brèche dans la rédaction des articles 61 et 62 par laquelle il serait possible de s'engouffrer pour présenter à référendum un texte qui aurait été déclaré non conforme à la Constitution par le CC).