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Le travail manuel en France (1945-1991)
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Auteur :  Jerôme [ 01 Oct 2016 21:08 ]
Sujet du message :  Le travail manuel en France (1945-1991)

À l'occasion d'un débat en salle des profs s'est posée la question de la place du travail manuel et de l'apprentissage dans notre pays.

Il semble exister un consensus, ou du moins une opinion dominante, faisant eTat d'une image négative du travail manuel et de l'apprentissage dans notre société contrastant par exemple avec la situation allemande.

Cela me surprend beaucoup car les milieux intellectuels et les enseignants me semblent au contraire avoir toujours véhiculé une image très négative de la bourgeoisie, et secondairement de la noblesse, exaltant les combats de la classe ouvrière, et secondairement de la paysannerie , s'inscrivant dans une lignée remontant sans doute à Zola voire à Hugo. Comment la gauche aurait elle alors ou décrier le travail manuel ?

Plus surprenant encore un homme comme Giscard d'Estaing, le père du collège unique, avait fait de la reconnaissance du travail manuel un axe fort de son discours public. Par exemple
http://discours.vie-publique.fr/notices/767015600.html

D'où viendrait dès lors le discrédit du travail manuel et de l'apprentissage dans la France de l'après 1945 ?

Un article pour ouvrir le débat ici
http://agone.org/revueagone/agone46/enligne/2/

Auteur :  Sir Peter [ 02 Oct 2016 8:52 ]
Sujet du message :  Re: Le travail manuel en France (1945-1991)

Le travail manuel était synonyme de dur, épuisant, salissant et surtout très peu rémunérateur. le pire travail par exemple dans la construction navale, c'était l'apprenti riveteur : le chauffeur de rivets qui devait apporter à toute vitesse de jambes les rivets chauffés à blanc, depuis le brasero, au bout d'une pince et les placer dans les trous des tôles avant que les masses ou les machines pneumatiques ne commencent le martèlement; travail épuisant et dangereux où le gamin se voyait insulté, frappé par les hommes de l'équipe s'il se montrait maladroit ou trop peu rapide...... Un vrai labeur au sens Latin, c'est à dire une torture.........

Auteur :  Pouzet [ 02 Oct 2016 9:18 ]
Sujet du message :  Re: Le travail manuel en France (1945-1991)

Citer :
http://discours.vie-publique.fr/notices/767015600.html


Le discours est composé de lettres toutes en majuscules, qui le rend difficilement lisible...

Sinon il y a un siècle, à la belle époque, avant la guerre de 14, le travail manuel était également fui par beaucoup de personnes.
Ce n'est pas un problème qui est apparu après 1945.

Auteur :  Quintero [ 02 Oct 2016 14:06 ]
Sujet du message :  Re: Le travail manuel en France (1945-1991)

Il faut prendre en compte que le travail manuel n'est pas inclus uniquement dans le secteur secondaire ou primaire . Beaucoup de métiers du secteur tertiaire sont manuels.
La dévalorisation de ce type d'activités très diversifiées n'est donc pas avérée.

Auteur :  Sir Peter [ 02 Oct 2016 15:52 ]
Sujet du message :  Re: Le travail manuel en France (1945-1991)

Dans les années 70, prof principal d'une 3ème ainsi qu'organisateurs d'échanges avec la Grande Bretagne, je profitais des relations des établissements français et britanniques avec des entreprises de leurs lieux d'implantation pour faire visiter différents sites de production..... A cette époque mes élèves ont pu visiter cimenteries, usines de porcelaines, de carrelages et céramiques, de produits chimiques, d'usinage de métaux, verreries, fonderies, de transformation des céréales ainsi qu'une école nationale des Arts et Métiers et une maison des compagnons du devoir... Dans toute activité de production, il y avait quelque part besoin de maîtriser des métiers manuels ou même artistiques. Peu d'autres profs "littéraires" se joignaient à mes activités pour montrer ce qu'était la "vraie vie", c'est à dire là où se créaient des richesses nées de la main des travailleurs, mes accompagnateurs étaient le plus souvent des profs de gym......

Auteur :  Narduccio [ 02 Oct 2016 18:27 ]
Sujet du message :  Re: Le travail manuel en France (1945-1991)

Jerôme a écrit :
Cela me surprend beaucoup car les milieux intellectuels et les enseignants me semblent au contraire avoir toujours véhiculé une image très négative de la bourgeoisie, et secondairement de la noblesse, exaltant les combats de la classe ouvrière, et secondairement de la paysannerie, s'inscrivant dans une lignée remontant sans doute à Zola voire à Hugo. Comment la gauche aurait elle alors ou décrier le travail manuel ?


On glorifie sans cesse le travail manuel, mais dans les faits, on privilégie les travaux intellectuels. Et le nombre de discours glorifiant le travail manuel est un très bon indicateur de sa mauvaise image dans l'opinion. On a pas besoin de glorifier ce qui est favorablement perçu par tout le monde. Mais, on se sent obligé de dire que le travail manuel, c'est bien. Même si c'est plus pénible, mal payé, mal considéré et qu'on ferait tout pour que ses enfants ne se trouvent pas réduits à devoir travailler manuellement.

Le meilleur indicateur du manque de considération du travail manuel, ce sont les écrits et les discours qui le glorifient.

Auteur :  Jerôme [ 02 Oct 2016 19:05 ]
Sujet du message :  Re: Le travail manuel en France (1945-1991)

L'intuition de Narduccio me semble intéressante. Ces discours sous entendent peut être le contraire de ce qu'ils disent. Qu'en est il en Allemagne ?

Auteur :  Faget [ 02 Oct 2016 21:03 ]
Sujet du message :  Re: Le travail manuel en France (1945-1991)

Je peux fournir un témoignage vécu sur l'Allemagne. Il date d'une vingtaine d'années. Des collègues de ma femme qui étaient enseignants, parfois quand leurs enfants n'accrochaient pas dans les études, les avoir mis en apprentissage dans des emplois dont je me souviens : mécanicien auto, ébéniste, horticulteur, charpentier, etc... Vous pouvez imaginer ma surprise en comparant avec la France. Les parents en parlaient sans aucune gêne et on n'avait pas l'impression qu'ils dérogeaient. J'ai cru comprendre qu'ils préféraient que leurs enfants s'épanouissent dans un métier manuel qui leur plait plutôt que de végéter dans un emploi médiocre dans le tertiaire. J'ai eu la chance que mes deux fils marchent bien, mais j'avoue que dans le cas contraire j'aurai choisi cette solution.

Auteur :  Barbetorte [ 02 Oct 2016 21:17 ]
Sujet du message :  Re: Le travail manuel en France (1945-1991)

Narduccio a écrit :
Même si c'est plus pénible, mal payé, mal considéré
Les Japonais ont une expression : "les trois K" pour kiken (dangereux), kitanai (sale), kitsui (dur). Mal payé aussi, cela va sans dire. C'est le lot de travailleurs précaires, parfois journaliers, souvent des immigrés ou des burakumin dont le sort est beaucoup moins enviable que celui des salary men qui bénéficient d'un emploi à vie.

Auteur :  Sir Peter [ 02 Oct 2016 22:04 ]
Sujet du message :  Re: Le travail manuel en France (1945-1991)

Il y a une vingtaine d'années aussi, des fils de collègues toutes deux professeurs de lettres sont partis chez les compagnons du devoir l'un est devenu charpentier, l'autre couvreur, ils n'ont pas de problèmes d'emploi, gagnent très correctement leur vie, mieux que leurs mères et sont maîtres de leur travail...... Un autre de mes anciens élèves devenu ingénieur textile, après 10 ans de plein emploi s'est retrouvé au chômage de longue durée et s'est suicidé, ce qui arrive beaucoup dans ma région

Auteur :  Narduccio [ 02 Oct 2016 22:17 ]
Sujet du message :  Re: Le travail manuel en France (1945-1991)

Jerôme a écrit :
L'intuition de Narduccio me semble intéressante. Ces discours sous entendent peut être le contraire de ce qu'ils disent.


Ce n'est pas une intuition. De nombreux historiens, mais aussi des sociologues et d'autres spécialistes ont déjà indiqué depuis longtemps que l'on parle peu de ce qui "va de soit" et beaucoup de ce qui n'est pas ordinaire. Donc, si on parle beaucoup de la beauté du travail manuel ...

Auteur :  Hugues de Hador [ 03 Oct 2016 6:52 ]
Sujet du message :  Re: Le travail manuel en France (1945-1991)

Bonjour

Jerôme a écrit :
À l'occasion d'un débat en salle des profs s'est posée la question de la place du travail manuel et de l'apprentissage dans notre pays.

Il semble exister un consensus, ou du moins une opinion dominante, faisant état d'une image négative du travail manuel et de l'apprentissage dans notre société


Ça me parait tellement évident que se poser la question m'étonne d'autant plus.
En tout cas c'est, de mon souvenir, la même chose en Belgique.
Il suffisait de voir comment on faisait 'basculer' tout ceux qui n'arrivaient pas à suivre dans les 'humanités classiques' vers les écoles professionnelles et avec quel déshonneur pour s'en rendre compte.

Résultat : on retrouvait, dans ces écoles professionnelles, un tas d'élèves qui s'y retrouvaient sans qu'on leur demande leur avis et surtout sans un réel attrait pour ce type d'apprentissage.

D’ailleurs, en y réfléchissant, même le fait qu'il y avait deux type d'écoles (les 'normales' et les 'professionnelles')

Autant dire aussi que lorsque l'on avait fait ses humanités en école professionnelle, l'accès à l'université était quasi impossible tant le retard sur les matières de bases était grand.

Remarque : pour rappel, en Belgique nous n'avons pas le système du Bac.


Sir Peter a écrit :
Il y a une vingtaine d'années aussi, des fils de collègues toutes deux professeurs de lettres sont partis chez les compagnons du devoir l'un est devenu charpentier, l'autre couvreur, ils n'ont pas de problèmes d'emploi, gagnent très correctement leur vie,


Remarque intéressante mais à traduire. Pas étonnant que deux prof envoient leurs enfants "faire du manuel" vers les "Compagnons du devoir".
Dans l'univers du travail manuel, les Compagnons du devoir" c'est déjà une certaine élite.
Bien entendu que ceux-ci on du travail, comme bcp d'autres ayant suivi les filières manuelles.

Mais, avouer que ça à moins de prestige que de faire l'ENA !!!! :mrgreen: :mrgreen: lol

Bien à tous.

Auteur :  Rapentat [ 03 Oct 2016 14:54 ]
Sujet du message :  Re: Le travail manuel en France (1945-1991)

Bonjour,

https://www.youtube.com/v/1i5C1nTdOow

Et j'ai entendu une caissière répondre qu'elle avait bac+3.
Bien souvent le travail de ces " petites gens " comme on disait autrefois, n'est pas dévalué, mais méprisé !!
Je pense aussi qu'avec son analyse, Narduccio est dans le vrai.

Cordialement

Auteur :  Hugues de Hador [ 03 Oct 2016 18:32 ]
Sujet du message :  Re: Le travail manuel en France (1945-1991)

Rapentat a écrit :
Bonjour,

https://www.youtube.com/v/1i5C1nTdOow
Bien souvent le travail de ces " petites gens " comme on disait autrefois, n'est pas dévalué, mais méprisé !!



--> Les Tribulations d'une caissière de Anna Sam

Auteur :  marc30 [ 04 Oct 2016 5:10 ]
Sujet du message :  Re: Le travail manuel en France (1945-1991)

Il y a plusieurs contradictions en France entre les actes et le discours

1- la gauche défend les travailleurs (sous entendu manuels) mais en fait pousse ses enfants vers les tâches intellectuelles et surtout vers la fonction publique, fascination ancienne en France
2- la droite défend en théorie le travail manuel qui est nécessaire à l'économie mais pousse quand même ses enfants vers les études supérieures.

En tout cas je n'ai jamais entendu personne en France théoriser une sorte d'infériorité intellectuelle et éthique des travailleurs manuels

Dans certaines régions industrielles survit encore une réelle estime pour le travail manuel et même un réel intérêt pour ces métiers

Un exemple
http://www.lyceedelasalle.com/college-l ... les-3.html

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