Jerôme a écrit :
On peut aussi poser le débat en termes radicalement différents et s'interroger sur le concept d’État dans le monde arabo-musulman - monde dans lequel la langue et la religion créé des liens transnationaux extrêmement forts.
Surtout que sous la domination ottomane, les principales divisions administratives ont eu parfois une très grande indépendance, d'avec le pouvoir central et entre elles.
Il y a un livre qui parle de la création de l'Irak moderne. Je ne l'ai pas lu, juste survolé quelques passages disponibles sur le net. Il s'agit de : La formation de l'Irak contemporain de Pierre-Jean Luizard des éditions du CNRS. Voici ce qu' on trouve en 4ème de couverture :
Citer :
L'État irakien moderne a été créé sous l'influence du colonisateur anglais sur les ruines de la Mésopotamie ottomane et contre la volonté des dirigeants de la plus importante communauté du pays, les ulémas chiites. Les circonstances de la fondation de cet État-Nation, inspiré par la pratique européenne et imposé par la force face au projet islamique transnational des religieux, expliquent l'origine de nombreux conflits en Irak et au Moyen-Orient. Retracer les événements majeurs qui ont affecté l'Irak au début du siècle, resituer le rôle des religieux chiites, jusqu'ici occulté par les historiens occidentaux aussi bien qu'irakiens, permet de comprendre la question chiite telle qu'elle se pose aujourd'hui sur les rives du Tigre et de l'Euphrate et, en particulier, le processus qui a donné naissance au chiisme politique. Les origines de la « question irakienne » remontent bien au-delà du régime actuel de Saddam Hussein. Un retour sur l'histoire et la société est d'un grand intérêt pour comprendre le présent. Ce livre retrace la genèse de la formation d'un système politique dont l'effondrement sanglant et interminable se déroule aujourd'hui devant nos yeux.
Et voici un autre extrait trouvé sur internet :
Citer :
Toutefois, l’Irak actuel est une entité fondée à l’époque du mandat britannique. Ce sont les grandes puissances européennes qui en ont tracé les frontières à l’issue de la Première Guerre mondiale. Le nom même d’Irak n’a été appliqué à l’ensemble du pays qu’à partir de ce moment. Avant la conquête ottomane, les historiens s’accordaient pour diviser le pays en deux parties distinctes : le nord, auquel on donnait le nom de Grand Ashûr, correspondant à l’antique Assyrie, Afûr, et Djézireh ; et le sud, d’abord appelé « Bâbel », c’est-à-dire la Babylonie, puis « al-'Irâq », « as-Sawâd », Mésopotamie ou sa traduction arabe « Bilâd ma bayn an-nahrayn ». Le mot « al-’Irâq », selon Philip Hitti, serait emprunté au pehlevi et signifierait « les terres basses ». D’autres écrivains arabes préfèrent y voir un ancien mot arabe avec la même signification que le mot d’origine grec « Mésopotamie » et qui aurait désigné un territoire réunissant les trois villes de Baghdâd, Basra et Mosul avec leur arrière-pays à l’exclusion des montagnes et régions kurdes. L’expression d’« al-’Irâq al-’arabî », utilisée à l’époque abbasside, se rapportait exclusivement à la région de moyenne et de basse Mésopotamie comprise entre Baghdâd et Basra, s’étendant néanmoins au nord de Baghdâd jusqu’à Sâmarrâ’ sur le Tigre et, à l’ouest, jusqu’à Hît sur l’Euphrate. Les montagnes kurdes, la Djézireh et les déserts du sud-ouest n’en faisaient pas partie. On parlait également d’« al-’Irâq al-’arabî » par opposition à « al-’Irâq al-’ajamî », prolongation de la plaine mésopotamienne à l’est du Shatt al-’Arab. A la fin de l’Empire ottoman, on qualifiait les trois vilayets de façons diverses : Mésopotamie, Arabie turque, ou, encore l’Irak arabe étaient le plus couramment usités, mais ces termes étaient vagues, imprécis, et n’illustraient aucune unité particulière du territoire ni un domaine bien délimité.
En ce qui concerne le Koweït, on y lit :
Citer :
A la fin du xixe siècle, la Porte avait accordé à l’émir de Koweït le titre de « qâ’imaqâm » du « qazâ’ » de Koweit, sous l’autorité du vali de Basra. Auparavant, elle avait nommé à la tête du Hasâ, devenu « mütesarrifiyyc », le chef de la tribu bédouine des Banî Khâlid qui, chassé par une incursion des wahhabites, fut remplacé par des fonctionnaires turcs. Le Hasâ devint un « qazâ’ » rattaché au liva du Nejd. Le vilayet de Basra étendait ainsi, au moins nominalement, ses limites jusqu’au cœur de la péninsule arabique. Mais c’est le vali de Baghdâd qui eut toujours la prééminence sur ceux de Basra et Mosul.