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Message Publié : 12 Oct 2017 16:56 
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Pierre de L'Estoile
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Bonjour !

Pour tous ceux qui ont un peu étudié le thème de la résilience, il serait intéressant de savoir comment les anciens déportés des camps de la mort nazis se sont remis psychologiquement après guerre de leurs terribles souffrances.
D'abord y a t-il eut une forte proportion de gens qui ne se sont pas remis psychologiquement et physiquement de leur séjour dans les camps ?
(si tant est qu'on puisse répondre même vaguement à cette question)

Ensuite, est ce que certains déportés ont utilisé des techniques, des stratégies particulières pour se remettre du traumatisme qu'ils ont connu ?
Par exemple certains ont ont quitté l'Europe (en particulier les juifs), certains ont tout fait pour oublier, d'autres, d'autres ont au contraire choisit de témoigner.

C'est un sujet qui peut concerner beaucoup de personnes, qui peuvent avoir besoin d'un processus de résilience à un moment donné de leur vie.

Merci de vos amicales contributions.

_________________
Le souvenir ne disparait pas, il s'endort seulement.
Epitaphe trouvée dans un cimetière des Alpes

La science de l'histoire est une digue qui s'oppose au torrent du temps.
Anne Comnène, princesse byzantine (1083-1148)

Le passé fait plus de mal que le présent
Proverbe Albanais


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Message Publié : 12 Oct 2017 17:22 
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Polybe
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"Vous voudriez savoir
Poser des questions
Et vous ne savez quelles questions
Et vous ne savez comment poser les questions
Alors vous demandez
Des choses simples
La faim
La peur
La mort
Et nous ne savons comment répondre
Nous ne savons pas répondre avec vos mots à vous
Et nos mots à nous
Vous ne les comprenez pas
Alors vous demandez des choses plus simples
Dites-nous par exemple
Comment se passait une journée
C’est si long une journée
Que vous n’auriez pas la patience
Et quand nous répondons
Vous ne savez pas comment passait une journée
Et vous croyez que nous ne savons pas répondre"

"Vous voudriez savoir", Charlotte Delbo

Je ne crois pas qu'il y ait eu une méthode : ces gens ont avancé. Parce que s'il y a une chose que l'homme sait bien faire, à part tuer, c'est survivre et avancer. Témoigner est important, mais ca n'a jamais soulagé la souffrance vécue sous le joug de l'Allemagne nazie autrefois ou en Syrie aujourd'hui.


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Message Publié : 12 Oct 2017 17:59 
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Ou ils sont morts de leur propre main, comme Primo Levi et bien d'autres.
C'est toute la question du "syndrome du survivant".


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Message Publié : 12 Oct 2017 19:44 
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Polybe
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calame a écrit :
Ou ils sont morts de leur propre main, comme Primo Levi et bien d'autres.
C'est toute la question du "syndrome du survivant".


En historien, il faut rappeler que le suicide de Primo Levi n'est démontré par aucune source. Aucune lettre d'adieu, il n'a fait part à personne de ses intentions morbides. Il s'est peut-être suicidé, mais il a peut-être seulement fait une chute malheureuse dans un escalier.


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Message Publié : 12 Oct 2017 19:55 
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Je ne connaissais pas la thèse d'une mort accidentelle, merci pour l'info.
Ceci dit, la plupart des gens qui se suicident ne laissent aucune explication. Et il me semble acté qu'il y a eu un certain nombre de suicides parmi les déportés revenus des camps.

Trouvé ça sur google books, ça pourrait vous intéresser : https://books.google.fr/books?id=5iQFqc ... 9s&f=false


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Message Publié : 12 Oct 2017 19:57 
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Polybe
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calame a écrit :
Je ne connaissais pas la thèse d'une mort accidentelle, merci pour l'info.
Ceci dit, la plupart des gens qui se suicident ne laissent aucune explication. Et il me semble acté qu'il y a eu un certain nombre de suicides parmi les déportés revenus des camps.


Tout à fait. C'était une remarque sur ce point précis.


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Message Publié : 12 Oct 2017 19:59 
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Intéressante, car si j'ai bien compris ce que je viens de parcourir, la thèse de la mort accidentelle est assez récente, tandis que son suicide supposé a servi à alimenter notamment les thèses d'E. Wiesel - et a plus communément nourri la légende. Un mystère insoluble, semble-t-il donc.

Maus est aussi une oeuvre très intéressante sur la question de la mémoire de la déportation et le passage du traumatisme à la génération suivante également. La mère de l'auteur s'est suicidée, son père a refait sa vie - tout en restant dans un milieu de rescapés juifs ; les deux parents avaient depuis le début eu des personnalités très opposées.


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Message Publié : 13 Oct 2017 17:03 
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Elzevir a écrit :
calame a écrit :
Ou ils sont morts de leur propre main, comme Primo Levi et bien d'autres.
C'est toute la question du "syndrome du survivant".


En historien, il faut rappeler que le suicide de Primo Levi n'est démontré par aucune source. Aucune lettre d'adieu, il n'a fait part à personne de ses intentions morbides. Il s'est peut-être suicidé, mais il a peut-être seulement fait une chute malheureuse dans un escalier.


Sauf erreur de ma part, mais plus de 50% des suicidés avérés ne laissent aucun mot d'explication. Quand on arrive au bout du rouleau, on n'a pas toujours envie de dire aux gens pourquoi on en est là.

En fait, la lettre d'adieu du suicidé semble être plus une invention ormanesque que de nombreux auteurs utilisent pour relancer l'action ...

_________________
Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable.
Appelez-moi Charlie


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Message Publié : 13 Oct 2017 18:12 
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Polybe
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Narduccio a écrit :
Elzevir a écrit :
calame a écrit :
Ou ils sont morts de leur propre main, comme Primo Levi et bien d'autres.
C'est toute la question du "syndrome du survivant".


En historien, il faut rappeler que le suicide de Primo Levi n'est démontré par aucune source. Aucune lettre d'adieu, il n'a fait part à personne de ses intentions morbides. Il s'est peut-être suicidé, mais il a peut-être seulement fait une chute malheureuse dans un escalier.


Sauf erreur de ma part, mais plus de 50% des suicidés avérés ne laissent aucun mot d'explication. Quand on arrive au bout du rouleau, on n'a pas toujours envie de dire aux gens pourquoi on en est là.

En fait, la lettre d'adieu du suicidé semble être plus une invention ormanesque que de nombreux auteurs utilisent pour relancer l'action ...


Vous avez sans doute raison. Pour autant, il n'en reste pas moins que le suicide de Primo Levi n'est étayé que par des intuitions. Et surtout, s'il s'est donné volontairement la mort, rien ne dit que c'était à cause de son expérience concentrationnaire. Il était malade, je crois, avec une vie privée compliquée. Et se jeter dans les escaliers, c'est tout de même un drôle de suicide. Il avait été opéré récemment, prenait des antidépresseurs, la thèse de l'accident, la chute bête, est tout de même plausible, même si elle ne participe pas aussi bien à la légende de l'immense bonhomme.

Ca n'a aucune importance, finalement.


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Message Publié : 14 Oct 2017 7:08 
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Eginhard
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Un suicide qui ne fait pas de toute : celui de Paul Buchenschutz. C'est particulièrement saisissant car il s'agit là d'un pasteur du pays de Montbéliard, père de 3 enfants, combattant dans les chars du colonel de Gaulle en 1939, résistant, arrêté en 1943 puis déporté de Compiègne vers Buchenwald et Mauthausen. Il ne se remettra jamais de ce qu'il a vu et vécu malgré sa foi et se donne la mort en avril 1946 à l'âge de 41 ans juste après une cérémonie de confirmation avec des jeunes. C'est bien la déportation qui l'a conduit à ce geste désespéré : «J'ai vu l'enfer, je suis mort aux trois quarts, est-ce que le dernier quart tiendra? » 
Rare exemple me semble-t-il du suicide d'un pasteur. Peut-être faut-il y ajouter le choc de voir ce qu'est devenue la patrie de Luther ?

_________________
"Denken heisst überschreiten" : Penser signifie faire un pas au-delà. Ernst Bloch (1885-1977)


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Message Publié : 14 Oct 2017 7:35 
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Polybe
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Le poète Paul Celan s'est également donné la mort en se jetant dans la Seine. Pour autant, la plupart des déportés ne se sont pas fichus en l'air. Leur vie toute entière a été marquée par l'expérience concentrationnaire, mais on ne doit pas non plus oublier le traumastisme vécu par ceux qui n'ont pas été eux-mêmes déportés, mais ont vu leur famille arrachée à eux par la barbarie nazie. On pensera aux enfants cachés.

La question d'origine porte moins sur l'histoire que sur la psychiatrie, il me semble. J'ai trouvé cela, Pouzet, vous trouverez sans doute cette lecture intéressante. C'est le texte d'un thérapeute, non d'un historien, qui a suivi des déportés souffrants après les années 70. Il souligne l'incommunicabilité de l'expérience concentrationnaire, et donc la difficulté à aider les survivants (déportés ou enfants cachés) à surmonter leur traumatisme. Par exemple :

"Ici, en France, l'expérience hors norme des camps ne permettait guère à l'honnête psychiatre d'apporter le moindre bienfait. Il suffit pour s'en convaincre de rapporter une anecdote attristante survenue en 1945: "Une jeune fille, à la Salpêtrière, racontait à ses voisines de lit et aux infirmières de la salle des expériences vécues si étranges qu'on lui a demandé de cesser de se répandre en récits mythomaniaques". L'incrédulité du personnel soignant était générale.

Le mutisme des survivants a été renforcé par la candide incrédulité du personnel soignant. L'atrocité des récits a rencontré l'incrédulité du public. Nous avons été confrontés après la libération à une totale impossibilité du récitatif aussi bien du côté des victimes que des thérapeutes".

http://www.bulletindepsychiatrie.com/shoah.htm


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Message Publié : 14 Oct 2017 11:35 
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Pierre de L'Estoile
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n'oublions pas Brigitte Friang qui a écrit là-dessus

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il pleuvait, en cette Nuit de Noël 1914, où les Rois Mages apportaient des Minenwerfer


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Message Publié : 14 Oct 2017 17:05 
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Salluste
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Un autre rescapé qui a mis fin à ses jours est Hans Meyer, alias Jean Amery, dont Primo Levi justement nous parle dans son les naufragés et les rescapés, quarante ans après Auschwitz


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Message Publié : 14 Oct 2017 17:34 
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Polybe
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Le name dropping des suicidés pourrait finir par faire oublier que la plupart des survivants n'ont pas mis fin à leurs jours. La plupart on avancé avec leurs souvenirs douloureux. La question de Pouzet portait justement sur ceux, l'écrasante majorité, qui ont sinon surmonté le traumatisme, tout au moins appris à vivre avec. Un élément à prendre en compte, tout au moins chez ceux qui ont vécu l'expérience concentrationnaire, c'est que leurs stratégies de survie dans le camp a sans doute conditionné les années qui ont suivi leur libération.

Rudolf Vrba, que la plupart des intervenants connaissent sans doute bien, a vécu deux ans l'enfer d'Auschwitz. Il s'évada en 44, se joignit ensuite au combat aux côtés des partisans tchécoslovaques. Après la guerre, il fit une brillante carrière universitaire, enseigna, publia, à la fois comme chercheur dans sa branche et comme témoin de la Shoah. Il s'est marié, a eu des enfants. Pour autant que je sache, il n'a pas passé sa vie sous antidépresseurs. La lecture de ses mémoires, il y a un petit moment tout de même, m'a laissée l'impression d'un homme stable et lucide. C'est un exemple de survivant qui a surmonté son épreuve par l'action. Rudolf Vrba n'était sans doute pas un naufragé ; ou alors un Robinson qui a prit sa situation à bras le corps et a surmonté le souvenir débilitant de la tragédie qu'il avait vécue.


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Message Publié : 15 Oct 2017 17:46 
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Elzevir a écrit :
Le name dropping des suicidés pourrait finir par faire oublier que la plupart des survivants n'ont pas mis fin à leurs jours. La plupart on avancé avec leurs souvenirs douloureux. La question de Pouzet portait justement sur ceux, l'écrasante majorité, qui ont sinon surmonté le traumatisme, tout au moins appris à vivre avec. Un élément à prendre en compte, tout au moins chez ceux qui ont vécu l'expérience concentrationnaire, c'est que leurs stratégies de survie dans le camp a sans doute conditionné les années qui ont suivi leur libération.

Rudolf Vrba, que la plupart des intervenants connaissent sans doute bien, a vécu deux ans l'enfer d'Auschwitz. Il s'évada en 44, se joignit ensuite au combat aux côtés des partisans tchécoslovaques. Après la guerre, il fit une brillante carrière universitaire, enseigna, publia, à la fois comme chercheur dans sa branche et comme témoin de la Shoah. Il s'est marié, a eu des enfants. Pour autant que je sache, il n'a pas passé sa vie sous antidépresseurs. La lecture de ses mémoires, il y a un petit moment tout de même, m'a laissée l'impression d'un homme stable et lucide. C'est un exemple de survivant qui a surmonté son épreuve par l'action. Rudolf Vrba n'était sans doute pas un naufragé ; ou alors un Robinson qui a prit sa situation à bras le corps et a surmonté le souvenir débilitant de la tragédie qu'il avait vécue.


Dans les situations difficiles, et c'est peu dire qu'être confronté à l'univers concentrationnaire nazi est une situation difficile, plus on est "moteur", plus le taux de survie semble élevé. Quand on se laisse aller, on survit plus difficilement. Quand on écoute les nombreux témoignages des survivants, il sont été de 2 types, soit des gens qui ont tout fait pour survivre, soit des jeunes qui ont été aidés par des plus anciens qui estimaient injuste que ces jeunes ne survivent pas.

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Appelez-moi Charlie


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