Bonjour à tous
Il y a un peu plus de quarante ans, Bob Denard tenta un coup d'Etat au Bénin. Pour cet anniversaire, j'aimerais partager avec vous le récit de cet épisode.
La toute fraîche République populaire du Bénin (ex Dahomey, rebaptisée le 30.11 1975) est dirigée depuis le 26 octobre 1972 par Mathieu Kérékou, arrivé au pouvoir grâce à un coup d’état. A partir du 30.11 1974, il met en place un régime marxiste-léniniste, et pour être original, musèle l’opposition et nationalise à tour de bras. Le Bénin s’aligne sur Moscou. Sa devise : Fraternité, Justice, Travail.
Tout le monde n’apprécie pas le basculement du Bénin dans le camp communiste. En premier lieu, les très très démocratiques et partisans de l’alternance politiques :
- Togo d’Eyadema (distance Cotonou-Lomé : 150km, devise : travail, liberté, patrie) ;
- Côte-d’Ivoire d’Houphouët-Boigny (devise : union, discipline, travail),
- et Gabon d’Omar Bongo (devise : union, travail, justice).
Le Maroc d’Hassan II (ne nous attardons pas sur sa devise) a également des comptes à régler avec Cotonou. En effet, Kerekou a reconnu le Front Polisario, ce qui, avouons-le, a tendance à énerver les alaouites. Ce sont ces derniers qui apportent le soutien financier à l’opération « crevette », nom que va prendre le coup-d ’Etat manqué mené par Denard alias « colonel Maurin ».
A l’instigation de Rabat, Denard, qui s’ennuie après son aventure comorienne (septembre 75), prend contact avec Emile Zinsou, ancien de William Ponty, médecin de formation et président déchu du Dahomey entre juillet 68 et décembre 69, opposant historique de Kérekou et à la tête du Front de libération et de rénovation du Dahomey (FLERD).
Un contrat est signé le 11 novembre 1975 entre les deux parties. Selon Denard, il aurait perçu un premier versement de 145 mille dollars de la part du Maroc, selon Jeune Afrique, les honoraires de l’affreux se chiffraient à 475 mille dollars pour les frais pré-opérationnels (+ 530 mille dollars pour les frais post-opérationnels).
Denard et Zinsou veulent que des africains participent à l’opération. Ils en auront, 26 en tout (12 guinéens, 3 ivoiriens et 11 béninois). A cela s’ajoutent 60 français (ils perçoivent une avance de 1000 francs, soit un mois de solde).
La troupe se réunit sur la base aérienne de Benguerir, à 60km au nord de Marrakech. C’est parti pour une quinzaine de jours d’entrainement sous l’œil bienveillant de la gendarmerie marocaine. Enfin, le 15 janvier, l’opération est lancée. Denard et ses soldats décollent à 14h30 à bord d’un DC-8, non pas pour Cotonou, mais pour Libreville. Là, sous la protection de la garde présidentielle gabonaise, la troupe change d’avion pour un DC-7 (piloté par un américain selon Denard, par un suédois selon JA). Quelques soucis techniques (fuite d’huile) retardent le départ. Finalement l’avion décolle à 5h du matin et traverse les 1000km qui séparent de Cotonou. Notons deux passagers de marque : Gratien Pognon (délégué du FLERD et censé prendre contact avec des complices une fois arrivée) et Michaël de Charrette de la Contrie (descendant du célèbre vendéen).
Le DC-7 atterrit à 7h (7h30 selon Denard) et le débarquement commence , à peine interrompu par deux blindés (AML-60) qui interviennent, Denard prétend en dégommer un à la grenade anti-char, pour JA, c’est une mitrailleuse qui détruit le blindé.
Trois colonnes se mettent à progresser en parallèle à la côte pour prendre des points stratégiques : le palais des congrès en face de la présidence, la résidence des « 40 logements » pour prendre à revers le palais présidentiel et le camp militaire de Guezo. Le but étant de s'emparer du "timonier béninois".
Mais Denard a été mal renseigné : Kérékou n’est pas à la résidence. Ce dernier lance un appel à la radio* pour mobiliser son peuple. Les cotonois ne bougent pas.
Pendant ce temps, les appels désespérés de Pognon pour rameuter les conjurés sur place ne trouvent aucun écho non plus.
Après avoir progressé sans trop de casse, les mercenaires sont désormais soumis à un feu nourri, la riposte vient du camp de Guezo. Denard comprend que c'est plié, il ordonne le repli. Il est 9h30.
30 minutes plus tard, la troupe réembarque mais laisse sur le tarmac le matériel ainsi qu’un béninois.
Bilan de l’opération du côté des mercenaires : 2 morts (1 blanc et 1 noir sans plus de précision), 3 blessés, 1 prisonnier ; du côté kérékiste : 6 morts, 51 blessés.
La troupe rembarque pour le Maroc via le Gabon, puis rentre petit à petit en France.
Deux précisions : la première colonne échange des tirs contre des nord-coréens, présent au nom de l’amitié entre les peuples, et surtout, dans les caisses abandonnées, toute la documentation nécessaire pour identifier les assaillants et leur commanditaire.
Kérékou sort grandi de ce coup manqué, le « laxisme-béninisme » vivra encore 12 ans (il s'effondrera sous les coups conjugués de la crise économique et de la pression populaire, en même temps que la RDA). Mais la fin de la république populaire ne signe pas la fin de Kérékou, désormais converti à une secte évangélique. Notons cependant qu’il met en place la transition démocratique dans son pays qui devient République tout court en 1990, il se réconcilie avec Zinsou, quitte le pouvoir pour le reprendre, par les urnes cette fois , de 1996 à 2006, il meurt en 2015. Certains observateurs prétendent que le Bénin est désormais solidement ancré dans la démocratie.
Denard retourne aux Comores pour de nouvelles aventures. Il meurt en 2005 dans la misère, atteint d'Alzheimer.
sources:
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http://www.jeuneafrique.com/360952/politique/jour-16-janvier-1977-bob-denard-lance-l-operation-crevette-contre-kerekou-benin/- Bob Denard et Georges Fleury, Corsaire de la République, Robert Laffont, 1998 (consulté ici:
https://www.24haubenin.info/?Les-confidences-de-Bob-Denard-sur- jt de TF1 du 16.01.77
https://youtu.be/pN0BVgpTQZk-documentaire de la télévision béninoise (pas de date)
https://youtu.be/-O4ykpkhVCA- fiche wiki de Bob Denard et Mathieu Kérékou