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L'Eglise de France en 1971
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Auteur :  calade [ 23 Fév 2018 11:41 ]
Sujet du message :  Re: L'Eglise de France en 1971

yves-Marie Hilaire désignait les années 1930-1960 les Trente Glorieuses du catholicisme français :
- Action spécialisée très conquérante (JOC, JAC, JEC), qui fut un vivier politique, social, culturel,
- accès des catholiques à des postes de 1er plan dans la République (De Gaulle, Bidault, le MRP)
- renouveau de la pratique masculine (réduction du dimorphisme sexuel) grâce à l'action spécialisée, qui permet un retour des vocations : l'année 1947 est un record pour les ordinations de prêtres.
- hautes eaux artistiques et intellectuelles (Mauriac, Maritain, Bernanos, Esprit, le Père Couturier et le Corbusier, église du plateau d'Assy, Bresson, Messiaen, etc).
Une conjonction exceptionnelle qui a butté sur la politique (division des catho sur la guerre d'Algérie, crise de l'ACJF, dérive très à gauche de la JEC, échec du MRP qui suspend son existence en 1966), la société (déclin des masses paysannes, viviers des vocations) et la théologie (recul du rôle du prêtre qui désacralise la messe). L'ouvrage de Pelletier sur la Crise catholique est très intéressant.
En même temps, le catholicisme n'est pas réduit à rien : tout ce qui se trouve ci-dessus existe encore, mais à un degré moindre voire bien moindre (ordinations).
Les chiffres des ordinations donnent la mesure de la chute et son rythme :
Avant 1905 : autour de 1600
1913 : 800 avec un creux à 200 durant la Grande Guerre, reprise puis rechute à la fin des années 1920
1933 : 800 puis remontée avec creux durant la 2 GM (400)
1947 : 1600
1951 : 1000
1958 : 800 (donc divisées par 2 en moins de 10 ans... mais l'effet ne se fait pas sentir grâce aux jeunes prêtres de la fournée des années 1940)
1965 : 600
1973 : 200
Aujourd'hui entre 120 et 140.

Auteur :  Pierma [ 23 Fév 2018 12:58 ]
Sujet du message :  Re: L'Eglise de France en 1971

calade a écrit :
1947 : 1600
1951 : 1000
1958 : 800 (donc divisées par 2 en moins de 10 ans... mais l'effet ne se fait pas sentir grâce aux jeunes prêtres de la fournée des années 1940)

Autant pour les éternelles diatribes contre Vatican II, Mai 68, et je ne sais quoi encore... (Mais on peut se demander si le constat de la baisse de la pratique religieuse n'a pas été différé lui aussi....)

Auteur :  calade [ 23 Fév 2018 14:21 ]
Sujet du message :  Re: L'Eglise de France en 1971

C'est le syndrome du paquebot. Les moteurs sont coupés mais il continue à avancer pendant longtemps avant qu'on s'en aperçoive.

Auteur :  Faget [ 23 Fév 2018 15:39 ]
Sujet du message :  Re: L'Eglise de France en 1971

@ Calade
Je reprend quelques points de votre intéressant exposé.
Pour ce qui est de l'embellie de l'église de France, il faudrait peut-être avancer aux années 1920. Je me base sur les souvenirs de mon père qui me parlait des patronages qui avait une vitalité que l'on a peine à imaginer de nos jours, surtout pour la jeunesse masculine (c'étaient les futurs électeurs :wink: ),ils recrutaient avec les fanfares, les sociétés de gymnastique, les équipes sportives. L'encadrement en plus des prêtres était constitué par des adultes catholiques convaincus et altruistes.
En ce qui concerne les ordinations de 1947. Cela signifie une entrée au séminaire en 1943, en gros. Or des catholiques ont eu l'honnêteté de faire remarquer que ce boom des vocations correspondait à la création du S.T.O. : les séminaristes en étaient exemptés. Ce qui n'a pas empêché peut-être de faire de bons prêtres.
Ce qui m'interpelle aujourd'hui ( mais je déborde de la limite temporelle du Forum), c'est de voir la vitalité de mouvement de catholiques convaincus dans les classes moyennes et bourgeoises qui sont des sortes de bunkers presque en "soviets" puisqu'il n'y a pour ainsi dire plus de prêtres. A l'instar des piétistes protestants dans la région où je réside qui forment des communautés très solides et convaincues bien qu'ils n'aient pas de clergé.

Auteur :  Pierma [ 23 Fév 2018 17:30 ]
Sujet du message :  Re: L'Eglise de France en 1971

Faget a écrit :
Ce qui m'interpelle aujourd'hui ( mais je déborde de la limite temporelle du Forum), c'est de voir la vitalité de mouvement de catholiques convaincus dans les classes moyennes et bourgeoises qui sont des sortes de bunkers presque en "soviets" puisqu'il n'y a pour ainsi dire plus de prêtres.

C'est effectivement hors limite chronologique, mais je suis moi aussi étonné par ce phénomène de "paroisses de laïcs". C'est très intéressant et vivant.

Auteur :  Kurnos [ 23 Fév 2018 18:31 ]
Sujet du message :  Re: L'Eglise de France en 1971

Je ne connais pas le sujet mais je l'ai bien vécu.
Il me semble que l’impact du niveau de vie et surtout du niveau intellectuel est sous estimé.
Quand on a les moyens financiers on est moins tributaire des services sociaux qu’ils soient religieux ou laïques.
Les manifestations religieuses englobaient les activités culturelles comme le chant, l’éloquence, le spectacle.
Suivant le niveau intellectuel, on ne pense pas de la même façon, on ne prie pas de la même façon, le niveau d’apprentissage du rationnel a forcément un impact sur la perception des rituels religieux.
Dans la mesure où dans cette période la liberté religieuse de penser et d’agir ne faisait pas l’objet de menaces de mort ou de sanctions on a pu user de cette liberté.
Un illettré affamé sans ressource ne peut pas prier de la même façon qu’un érudit repu et comblé. La foi en Dieu c'est un autre sujet.

Auteur :  calade [ 23 Fév 2018 20:18 ]
Sujet du message :  Re: L'Eglise de France en 1971

Citer :
Pour ce qui est de l'embellie de l'église de France, il faudrait peut-être avancer aux années 1920. Je me base sur les souvenirs de mon père qui me parlait des patronages qui avait une vitalité que l'on a peine à imaginer de nos jours, surtout pour la jeunesse masculine (c'étaient les futurs électeurs :wink: ),ils recrutaient avec les fanfares, les sociétés de gymnastique, les équipes sportives. L'encadrement en plus des prêtres était constitué par des adultes catholiques convaincus et altruistes.
En ce qui concerne les ordinations de 1947. Cela signifie une entrée au séminaire en 1943, en gros. Or des catholiques ont eu l'honnêteté de faire remarquer que ce boom des vocations correspondait à la création du S.T.O. : les séminaristes en étaient exemptés. Ce qui n'a pas empêché peut-être de faire de bons prêtres.
Ce qui m'interpelle aujourd'hui ( mais je déborde de la limite temporelle du Forum), c'est de voir la vitalité de mouvement de catholiques convaincus dans les classes moyennes et bourgeoises qui sont des sortes de bunkers presque en "soviets" puisqu'il n'y a pour ainsi dire plus de prêtres. A l'instar des piétistes protestants dans la région où je réside qui forment des communautés très solides et convaincues bien qu'ils n'aient pas de clergé.

Oui pour les années 20 même si la naissance de la JOC a été une vraie rupture dans l'apostolat. Il faut aussi insister sur le syndicalisme chrétien qui a été très efficace à partir de 1920 en s'adressant à des salariés oubliés : les employés et les femmes.
Pour le STO, je n'y avais pas pensé mais je nuancerai : tout d'abord la hausse des vocations commencent avant la guerre et surtout devenir prêtre pour échapper au STO, c'est cher payé. Rien n'empêchait le séminariste de quitter le séminaire en 1945, donc je ne pense pas que cela a pu tellement compter dans les ordination de 1947-1948.
Sur le catholicisme contemporain, c'est encore plus impressionnant si on compare la réaction catholique à la loi Veil à celle à la loi Taubira. De gros changements sur lequel Portier a apporté une réflexion intéressante (passage de l'enfouissement des années 1960 au catholicisme d'identité dans une France pluraliste). Mais ne sortons pas des limites !

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