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Message Publié : 31 Déc 2018 23:16 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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Bonsoir !

En 1982 le gouvernement français lançait les lois de décentralisation.
Si les côtés négatifs en sont bien connus (augmentation des impôts, gel des terrains constructibles et aggravation de la crise du logement, développement de la corruption), quels en ont été les côtés positifs les plus marquants ?
Quels ont été les exemples de villes, de départements ou de régions ou les lois de décentralisation ont eu les effets positifs les plus spectaculaires ?
(en respectant la limite chronologique du forum qui est 1991)

Merci de vos connaissances
:mrgreen:

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Le souvenir ne disparait pas, il s'endort seulement.
Epitaphe trouvée dans un cimetière des Alpes

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Anne Comnène, princesse byzantine (1083-1148)

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Message Publié : 01 Jan 2019 7:08 
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Pouzet a écrit :
(en respectant la limite chronologique du forum qui est 1991)

Je prends sur moi (sans avoir consulté mes collègues modérateurs, qui pourront revenir sur ce point s'ils jugent que je m'avance trop) de laisser une certaine élasticité à cette limite chronologique, compte-tenu du sujet, et surtout de la question que vous posez : des effets positifs ?

(Qui sait, par extraordinaire, non seulement on pourra trouver des effets positifs, mais ceux-ci éventuellement dans des exemples plus récents.)

Etant entendu que tout dérapage politique orienté sera sévèrement modéré.

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Message Publié : 01 Jan 2019 14:27 
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Pouzet a écrit :
quels en ont été les côtés positifs les plus marquants ?


Il y en a eut 2 principaux, voire 3. Le premier était que c'était une demande assez forte de l'opinion publique, et çà continue avec les demandes de référendum ou d'augmenter les droits des collectivités locales. A quel endroit placer le curseur entre le local ou le "national" ? Je pense que le débat peut avoir lieu sur la Salon, ici il serait HS. La conséquence de la demande, c'est que c'était une promesse de campagne, et les politiques ont à cœur d'essayer d'en tenir quelques unes ... second avantage.

L'avantage suivant est que cela permettait de transformer les assemblées intermédiaires (et donc leurs élections) en lieux de pouvoir. Donc, c'était une manière de "casser le jacobinisme" et d'offrir de la diversité. Même si au début elle s'est faite au dépend du parti au pouvoir. Ce qui a offert un exutoire au déçus de l'action gouvernementale.

Dans les faits, cela voulait donner plus de souplesses, mais cela est aussi revenu à complexifier le mille-feuille administratif français et a rendre difficile la lecture des politiques mises en places. Les français ont parfois du mal à comprendre les interactions entre les diverses entités qui interviennent sur leur quotidien. Il y a environ 5 ans, un chauffard a couché un lampadaire sur une route à quelques centaines de mètres de chez moi. Il s'agit d'une voie départementale, mais elle est sur le territoire de la ville de Colmar sur un pont qui enjambe une voie de chemin de fer... Et cela à mis 4 ans à être résolu. Pour les uns, ce lampadaire relevait de la commune, puisqu'il avait été mis en place par la ville de Colmar qui paye l'électricité qui l'alimente. Mais, il est dans le domaine concédé à au département, sauf qu'étant une voie importante, c'est la direction régionale qui a repris l'entretient des routes.... Tout cela a fait qu'il a fallu 4 ans pour remplacer ce lampadaires et refaire quelques m2 de goudrons... Bon, soyons sérieux, les travaux auraient pu se réaliser au bout de 3 ans, puisqu'on était arrivé à un accord, sauf qu'entretemps on avait lancé un plan de rénovation du pont et de la voirie. Du coup, ils ont décidé, sagement de tout faire en même temps.

Ceux qui lisent les pages locales de leurs journaux régionaux sont habitués à lire de telles histoire, où pour régler quelques détails il faut réaliser un alignement des planètes entre 3 ou 4 entités qui défendent leurs près carrés, tout en essayant de tirer les couvertures médiatiques à elles


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Message Publié : 01 Jan 2019 15:33 
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Marc Bloch
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Pour sourire en ce début d'année, je me souviens d'une conversation avec un camarade préfet dans les années qui ont suivi la mise en place de l'organisation des régions et qui était particulièrement remonté : " Mais c'est de la foutaise, c'est une invention des politicards pour se distribuer des places et placer les copains !" :P
En fait , je crois qu'il était excessif, car la France avait besoin d'un système plus décentralisé. On était très tenté par le système des Länder allemands. En fait, dans la réalisation on a fait une cote mal taillée et surtout on a instauré des couteuses usines à gaz avec une fonction publique territoriale qui est un gouffre.

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Message Publié : 01 Jan 2019 15:57 
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Faget a écrit :
Pour sourire en ce début d'année, je me souviens d'une conversation avec un camarade préfet dans les années qui ont suivi la mise en place de l'organisation des régions et qui était particulièrement remonté : " Mais c'est de la foutaise, c'est une invention des politicards pour se distribuer des places et placer les copains !" :P
En fait , je crois qu'il était excessif, car la France avait besoin d'un système plus décentralisé. On était très tenté par le système des Länder allemands. En fait, dans la réalisation on a fait une cote mal taillée et surtout on a instauré des couteuses usines à gaz avec une fonction publique territoriale qui est un gouffre.


Tout à fait, en fait c'est un système qui a été imposé par les politiques aux fonctionnaires qui ont tout fait pour en limiter les effets. Du coup ... la cote mal taillée. Avec de nombreux empiètements de responsabilités qui imposent aux diverses administrations de travailler ensemble. Certains ont prétendus qu'il n'y avait de problèmes que dans les régions où il y avait une opposi'ion frontale entre des politiques de divers bords : la région à un parti, les départements à un ou deux autres, et les communes en ordre dispersés. Dans la réalité, c'est plus complexe... Et j'en sais quelque chose vivant en Alsace, une région où toutes les assemblées sont souvent à la min de partis de droite. Et là on voit que le président du Conseil Général du Haut-Rhin brigue la place du président du Conseil Régional (pourtant, ils sont du même parti), mais il y a une longue inimitié qui date car ils ont toujours été en concurrence, donc chacun fait un maximum de vacherie à l'autre et ils ne se retrouvent que lorsqu'il s'agit de taper en commun sur le président de telle ou telle intercommunalité qui risque de leur faire de l'ombre ... (Je ne parle d'ailleurs pas de la situation actuelle, où ils sont tous d'accord pour une collectivité territoriale alsacienne ... à partir du moment où le siège se situerait dans leur commune et dont ils auraient des chances de présider ... Bref, de la politique politicienne dans toute sa splendeur où l'ennemi politique devient un allié avec les militants de bases qui ne comprennent plus rien... Chacun cherchant à se tailler son fief, les seuls qui désirent jouer l'union, ce sont ceux qui espèrent un statut national, donc ils tentent de réunir leurs troupes désunies autour de leurs personnes.


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Message Publié : 01 Jan 2019 16:23 
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Plutarque
Plutarque
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Bonjour,

Rapide historique récent:
échec du référendum de 1969 sur la régionalisation.
Lois Defferre (de Gaston) de 1982-83, dites de décentralisation.
Loi d'orientation en 1992 qui corrige certains effets pervers des lois Defferre.
Le reste est hors-chronologie (notamment la loi de 2003).
Il faut bien comprendre que la décentralisation ne commence pas en 1982, mais bien avant. Seulement, Gaston Defferre (on pourrait inclure Pierre Maurroy) ont incarné sans doute un espoir pour de nombreuses personnes.

Sur le site Géoconfluences, nous avons une belle synthèse: http://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/territ/FranceMut/FranceMutDoc3.htm
Effets positifs selon Sylviane Tabarly:
Citer :
Ces lois ont allégé la tutelle de l'État sur les collectivités locales, donnant au département et à la région une autorité exécutive élue et une autonomie budgétaire : ce n'est plus le préfet, représentant de l'État, qui assure l'exécution des décisions, mais le président du conseil général ou de la région. Elles ont redistribué les pouvoirs entre l'État et les collectivités locales afin de rendre plus efficace l'action publique et de développer une démocratie de proximité. Le principe de subsidiarité est pris en compte lorsque les collectivités territoriales ont vocation "à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à l'échelle de leur ressort".


Ici une contribution de Gérard Marcou : https://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/libris/3303330403181/3303330403181_EX.pdf
Citer :
On le sait, les lois Deferre ont donné aux collectivités territoriales une liberté d’action nouvelle par la suppression de la plupart des tutelles et le transfert des exécutifs aux présidents des conseils généraux et des conseils régionaux ; elles ont fait de la région une collectivité territoriale à part entière et elles ont opéré des transferts de compétences considérables.


Enfin, dernier point de vue positif, celui de Gérard-François Dumont ici : https://www.diploweb.com/Geopolitique-des-territoires-francais-decentralisation-versus-recentralisation.html
Citer :
Mais, du côté des collectivités territoriales, il faut considérer l’aménagement local des territoires et des services à la population ; et, dans ce domaine, la décentralisation s’est révélée largement positive, parce qu’elle a bénéficié de la dynamique des acteurs les premiers concernés, maires et conseillers généraux, qui s’y sont engagés pleinement car se trouvant moins étouffés par la tutelle de l’État.
Prenons un premier exemple, celui des collèges et des lycées, dont la responsabilité matérielle a été transférée de l’État respectivement aux départements et aux régions. En 1982, la France manquait non seulement de collèges et de lycées, mais nombre d’entre eux étaient dans un état déplorable, avec des équipements insuffisants pour les besoins pédagogiques (centres de documentation, laboratoires de physique, gymnases…). Or, connaissant la réalité de leurs territoires, les départements et les régions ont donné à la France des infrastructures scolaires de grande qualité, multipliant les collèges et les lycées et les entretenant de façon correcte. Selon cet exemple, de façon générale, les collectivités ont dû procéder à un « rattrapage qualitatif » des équipements, parfois obsolètes, transmis par l’État.
Dans le domaine des transports, les régions ont investi massivement dans de nouveaux matériels ferroviaires remplaçant des wagons obsolètes [16]. Dans le domaine de la politique familiale, les communes ont multiplié les initiatives pour développer des crèches, relais assistantes maternelles, haltes garderies et des écoles maternelles afin de permettre l’accueil des jeunes enfants et de faciliter aux parents la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale [17].
Dans le domaine social, les départements ont géré de façon satisfaisante les transports scolaires ou des diverses aides sociales qu’ils sont chargés d’apporter aux personnes en difficulté.

[...]

Pour illustrer les effets positifs de la décentralisation, citons quelques réalisations emblématiques qui, sans la décentralisation, n’auraient probablement jamais vu le jour. Elles s’expliquent parce que des élus locaux, attachés à leur territoire, se sont révélés en moyenne beaucoup plus efficaces qu’un État centralisé et méconnaissant les réalités territoriales ou ne le regardant qu’à travers des prismes idéologiques [18]. Dans le département de la Vienne, René Monory, président du conseil général, imagine au début des années 1980 une cité du futur pour « créer les conditions les plus favorables au développement d’un département rural en perte de vitesse ». Personne n’y croit ; mais ce sera le pays du Futuroscope, comme les publicités d’aujourd’hui l’attestent, dont le parc a déjà accueilli plus de 50 millions de visiteurs. En 1989, le département de la Vendée crée le Vendée globe challenge, grande course à la voile autour du monde, en solitaire, sans escale et sans assistance, sur des voiliers monocoques. En Bretagne, à Carhaix-Plouguer, en 1992, le festival des vieilles charrues débute, grâce à des bénévoles, sous la forme d’une fête de fin d’année scolaire ; il est devenu le premier festival de musique de France en termes de fréquentation. Toujours en 1992, en Bretagne, le département de l’Ille-et-Vilaine crée un campus universitaire sans équivalent, à Ker Lann, qui réunit 17 écoles et organismes de formation. Depuis 2012, le département du Puy-de-Dôme magnifie le tourisme dans le parc naturel des volcans d’Auvergne avec un chemin de fer à crémaillère pour monter sur le volcan endormi du Puy-de-Dôme, ce qui supprime la précédente et polluante circulation automobile. Inspiré par l’élan du film Microcosmos, en 2000, le département de l’Aveyron crée Micropolis, la cité des insectes, qui permet aux visiteurs d’explorer tous les aspects de la vie des insectes dans des mises en scènes fidèlement reconstituées et captivantes à regarder.
Le cadre institutionnel dû aux lois de décentralisation de 1982-1983 a aussi permis à des élus locaux de réhabiliter et de revitaliser de nombreux centres-villes qui, parfois, avaient perdu tout dynamisme (Bordeaux, Le Havre, Nantes, Nice, Toulon…) et d’y développer des transports urbains de qualité, notamment des tramways, en site propre. Les effets de la décentralisation se sont fait sentir dans de nombreuses autres communes plus petites, chaque fois que des habitants se sont mobilisés pour rendre plus attractif leur territoire. Des exemples existent à toutes les échelles : Vitré [19], en Bretagne qui compte moins de 20 000 habitants, Espelette [20], dans le pays basque français, qui comptait moins de 2 000 habitants, Saint-Bonnet-le-Froid, dans le Massif central, qui comptait moins de 200 habitants [21].

_________________
« Je veux croire qu'il n'y a pas de libération plus vaine que celle qui prétend nous arracher aux rigueurs du travail intellectuel ou aux fidélités que l'on doit à ses prédécesseurs, qu'il n’y a pas de générations plus tristes que celles qui ne se reconnaissent plus de maîtres [...] ».
Patrick Boucheron.


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Message Publié : 01 Jan 2019 16:31 
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Pouzet a écrit :
développement de la corruption


Au fait, vous avez une quantification du phénomène ? Car j'ai l'impression que cela a surtout permit une mise au jour de pratiques plus anciennes. Les affaires me semblent devenir de plus en plus rares suite aux diverses lois de transparence de la vie publique


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Message Publié : 01 Jan 2019 16:33 
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Je me souviens avoir été scan-da-li-sé par l'annonce de cette réforme. (alors que j'étais plutôt favorable à Mitterrand, mais alors celle-là je ne l'avais pas vue venir.)

Le point qui m'a choqué était le fait que toutes les entités territoriales élues devenaient décisionnaires de plein droit : communes, conseils généraux, conseils régionaux, avec un vague "contrôle de légalité" à postériori par les préfets.

36000 communes devenues autant de fiefs... Je me suis dit : "ça va être un vrai b...l ", et à vrai dire je n'ai pas été déçu !

(j'adore l'histoire "du lampadaire de Colmar" racontée par Léonard, et j'en aurais quelques unes du même tonneau.)

Sur le moment, j'ai pensé à cette sortie de De Gaulle :"En France, la gauche trahit l'Etat... et la droite trahit la Nation !"

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Message Publié : 01 Jan 2019 16:39 
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Marc Bloch
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Je m'excuse de rappeler un fait qui est un peu éloigné du libellé de la question posé. C'est la surprise pour un Français de la découverte du fédéralisme allemand. Ma génération et certainement les suivantes ont été tellement formatées par le centralisme jacobin et napoléonien , conforté par les régimes successifs que c'est une véritable acrobatie mentale lorsqu'on arrive en Allemagne de réaliser dans la vie de tous les jours : " Ah ! Oui, c'est vrai c'est un état fédéral !" :rool: . Et même après plusieurs années de séjour, on est encore parfois surpris à l'occasion d'un fait divers. Quand on reçoit des amis en visite qui ne connaissent pas la RFA , j'ai renoncé à essayer de leur expliquer, tant le dialogue est émaillé de : "Mais non, ici ça ne fonctionne pas comme cela". Il est évident que les Suisses ou les Américains ne doivent pas avoir ces difficultés à comprendre le fédéralisme.

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Message Publié : 01 Jan 2019 18:59 
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Pour mention, j'ajoute quelques inconvénients non encore mentionnés : (même si l'objet de ce fil porte au contraire sur les aspects positifs.) :mrgreen:

- le train de vie des nouvelles entités "décisionnaires de plein droit", auquel il faut ajouter dans les années 80, la construction, un peu partout, d'hôtels de région ou du département... de prestige, ou simplement inutiles.

- le recrutement massif de fonctionnaires territoriaux, avec des doublons évidents, qui ont été partiellement corrigés depuis.

- l'allongement de la durée de réalisation des projets : toute construction ou projet routier important est désormais cofinancé par la commune, le département, la communauté d'agglomérations, la région et l'état. J'ai déjà constaté ça sur un projet dans ma ville, c'est ahurissant : commune 3,8%, région 5,2%, etc... On imagine les chicayas pour déterminer la participation de chacun, et le délai administratif associé. (Dans les années 60 et 70 la mise en place d'une déviation ne demandait pas 5 ans, du train où allaient les choses, on avait déjà du mal à suivre le développement des villes, des routes et des équipements collectifs...)

- Dans tous les villages, le sport national qu'est devenu la transformation de terrain agricole en terrain à bâtir, soit pour que le fiston puisse construire sa propre maison, soit, sonnant et trébuchant, pour le vendre, idéalement pour un lotissement.

Au total, il n'est même pas certain que l'objectif n°1 (à savoir, éviter que tout se décide à Paris) ait été atteint, l'état restant le principal contributeur dans nombre de projets, en particulier les plus importants.

On aura déjà compris tout le bien que je pense de la décentralisation.

Je pense que la loi Deferre aurait été moins meurtrière si elle n'avait pas inclus les communes : parce que les communes "décisionnaires de plein droit" c'était la porte ouverte à toute les complications de clochemerle, dès l'instant où un problème impliquait deux ou plusieurs communes.

Et comme en France on préfère ajouter plutôt que simplifier (pour ne heurter personne) ces communes indépendantes se sont mises à faire de l'intercommunalité - qui portait sur un ou plusieurs domaines, au petit bonheur - puis à s'associer en "regroupements de communes" dont les compétences ne sont pas claires (un peu optionnelles, si j'ai bien suivi) et nous restons avec le record d'Europe du nombre de communes, là où un pouvoir central décideur aurait tout simplement opéré des fusions pour augmenter la taille moyenne des communes rurales.

Pourquoi suis-je aussi critique ? Mais pour une raison prosaïque toute simple : parce que tout cela coûte cher !

(C'est une règle d'organisation : si on ne sait pas toujours à qui profite une organisation améliorée, en revanche on peut être certain que le gaspillage et la complexité ne profitent à personne.)

En lisant Faget, je me demandais si on n'avait pas les mêmes coûts induits que les Länders, sans en avoir le fonctionnement démocratique. (comme c'est hors limite chronologique, je ne commenterai pas le récent regroupement en "grandes régions"...)

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Message Publié : 01 Jan 2019 19:28 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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Merci à Unagi d'avoir relevé le niveau du débat, qui trouverait d'ailleurs mieux sa place dans un forum consacré aux questions politiques ou au droit public, et à Faget de regarder un peu se qui se passe au-delà des frontières. Avant les réformes de décentralisation opérées durant les années 1980, la gestion des questions d'intérêt local se faisait dans un cadre obsolète hérité de l'Empire, qui a très bien convenu au régime de Vichy, mais qui n'était plus du tout adapté à la société actuelle.

Unagi a écrit :
échec du référendum de 1969 sur la régionalisation.
Référendum sur la régionalisation et sur la réforme du Sénat. Il y avait deux questions. Les Français n'étaient pas forcément opposés à la régionalisation mais ils n'ont pas donné leur accord au projet de suppression de fait du Sénat : le césarisme gaullien ne passait plus.

Pierma a écrit :
Je me souviens avoir été scan-da-li-sé par l'annonce de cette réforme. (alors que j'étais plutôt favorable à Mitterrand, mais alors celle-là je ne l'avais pas vue venir.)

Le point qui m'a choqué était le fait que toutes les entités territoriales élues devenaient décisionnaires de plein droit : communes, conseils généraux, conseils régionaux, avec un vague "contrôle de légalité" à postériori par les préfets.

36000 communes devenues autant de fiefs... Je me suis dit : "ça va être un vrai b...l ", et à vrai dire je n'ai pas été déçu !
C'est tout simplement l'application du principe de la liberté d'administration des collectivités locales énoncé à l'article 72 de la Constitution dont le texte d'origine était : Les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les territoires d'Outre-Mer. Toute autre collectivité territoriale est créée par la loi.
Ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus et dans les conditions prévues par la loi.
Dans les départements et les territoires, le délégué du Gouvernement a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois.


On pouvait estimer que ce principe était fort mal appliqué, l'administration de l'Etat prenant largement en charge les intérêts locaux et non les seuls intérêts nationaux.

La principale difficulté à une liberté effective d'administration des collectivités locales réside dans la multitude des toutes petites communes, ce qui est une particularité française. Il est difficile de la surmonter parce que les Français sont très attachés au cadre communal. Cela se fait par le biais des fusions de communes et du développement de l'intercommunalité. Plus la commune est petite, plus ses élus risquent de se trouver en situation de conflit d'intérêt.

Les présupposées assénées péremptoirement dans la question initiale mériteraient d'être vérifiées et argumentées.

La décentralisation a-t-elle entraîné une hausse des impôts ? Cela n'a rien d'évident. Si oui, lesquels, pourquoi, et était-ce inéluctable ?

Le gel des terrains constructibles ne résulte en rien de la décentralisation des autorisations d'urbanisme mais de la volonté de l'Etat de préserver autant que possible les surfaces agricoles et les parties les plus fragiles du territoire qui s'est traduite par la loi anti-mitage, la loi Montagne et la loi Littoral. Ces lois, codifiées dans le code de l'urbanisme, fixent des règles générales auxquelles il est permis aux autorités locales de déroger dans une certaines mesure. C'est donc l'inverse : la décentralisation a pour effet de permettre de construire en dérogeant à la règle générale de gel des terrains.

En outre, ce n'est pas le gel des constructions dans les zones rurales, en montagne ou sur le littoral qui entretient la crise du logement.. Ce n'est pas en construisant des logements dans la Creuse qu'on résoudra la crise du logement en Ile de France mais en construisant en Ile de France, là où s'est autorisé – la place ne manque pas – et en améliorant la qualité des logements existants.

Pierma a écrit :
Au total, il n'est même pas certain que l'objectif n°1 (à savoir, éviter que tout se décide à Paris) ait été atteint...
En fait, les décisions d'intérêt local se prenaient plus souvent localement qu'à Paris. Ce qui a changé, c'est que nombre de décisions prises auparavant par le préfet au nom de l'Etat sont prises maintenant pas le conseil départemental au nom du département.

Pierma a écrit :
Et comme en France on préfère ajouter plutôt que simplifier (pour ne heurter personne)
Ce n'est pas une spécificité française. Au Japon, c'est encore pire. En Angleterre, je ne sais pas, mais il me semble qu'on y est très conservateur et qu'on n'aime pas non plus supprimer ce qui n'a plus de raison d'être.


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Message Publié : 01 Jan 2019 19:56 
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Marc Bloch
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Pierma a écrit :
Et comme en France on préfère ajouter plutôt que simplifier (pour ne heurter personne)


Le meilleur exemple est les communautés d'agglomération ou de communes ( vous voyez de quoi je parle) où les anciennes administrations sont restées en place avec leurs maires et leurs conseils municipaux et, en plus on crée un organisme pour chapeauter qui élit un président et qui a sa harka de gratte-papiers.
J'en reviens à cette Allemagne où je vis. Le regroupement des communes a été initialisé par Guillaume II et depuis tous les régimes ont continué la démarche. Mais on a pas fait de mille feuille comme en France. Dans l'ancienne commune amalgamée reste seulement un "chef de localité" Ortsvorsteher et tout le reste conseillers et exécutif est au sein de la grosse commune régente.

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Message Publié : 01 Jan 2019 20:18 
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Faget a écrit :
Mais on a pas fait de mille feuille comme en France. Dans l'ancienne commune amalgamée reste seulement un "chef de localité" Ortsvorsteher et tout le reste conseillers et exécutif est au sein de la grosse commune régente.

C'est une bonne solution pour qu'aucun village ne perde de représentant, au moment de la création d'une "grande commune".

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Message Publié : 01 Jan 2019 20:36 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

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Deux réponses que j'ai entendues à la fac de droit il y a deux ans

1- aspect positif : dans les collectivitésdecentralisees, l'argent coulait à flot (et ce sera le cas jusqu en 2012) ce qui a permis de compenser l'extreme austérité budgétaire qui a marqué l'Etat à partir de 1983 sous la responsabilité des ministres des finances : Fabius, Beregovoy

2- aspect négatif : avec l'argent, la corruption. Les affaires Noir à Lyon ou Carignon à Grenoble sont directement liées à l'idée qu'un exécutif local échappait à tout contrôle. Idée fausse qui a conduit plusieurs élus au delà des limites


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Message Publié : 01 Jan 2019 20:39 
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Eginhard
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Il me semble que les grands gagnants de la décentralisation ont été les Conseils Généraux. On a pu observer une individualisation (départementalisation, devrais-je dire) des politiques, avec des expérimentations dans tel ou tel secteur d'action. Pour l'un l'agriculture, pour l'autre l'industrie, pour un celui-ci la culture et le patrimoine, pour cet autre la ville et le logement, etc.

Jugement de valeur politique supprimé.

L'ambition annoncée était celle du rapprochement des centres de décision (commune, département) des lieux de vie des citoyens, afin de libérer l'initiative locale. Ce fut pour une bonne partie le cas, d'autant plus que dans le cas particulier de la France, avec 95 départements métropolitains et près de 37 000 communes (autant que tous les pays de la Communauté Européenne ensemble). Et cela fut le cas avant que le transfert de l'action sociale ne vienne grever les comptes des départements (je ne parle pas de la baisse des dotations). Il me semble que le principal marqueur de cette initiative laissée aux collectivités locales a justement été la création des deux grandes dotations non affectées venant abonder les budgets des collectivités : la DGE (dotation générale d'équipement) pour l'investissement, et la DGF (dotation générale de fonctionnement) pour le budget de fonctionnement. Rappelons qu'auparavant, pas un Franc ne passait de l'Etat à la collectivité s'il n'était exactement affecté (fléché) à une ligne budgétaire précise sans possibilité de transfert interne d'une ligne à une autre.

Un point fort apprécié des élus locaux fut par exemple la liberté de recourir à l'emprunt sur un marché bancaire libre, et pas seulement celui de la CDC (Caisse des Dépôts et Consignation). Dans un premier temps, à vrai dire, c'est quand même la CAECL (devenue depuis Dexia), filiale de la CDC qui garde une large part du marché. Ensuite, il faut bien dire que le recours à l'emprunt bancaire s'est largement répandu ... pour le meilleur et pour le pire.

Un autre point, plus anecdotique peut-être, fut la libération de la parole au sein des assemblées locales. N'étant plus désormais présidées par le Préfet, mais par un président élu en son sein, elles n'apparaissaient comme les chambres d'enregistrement des décisions de l'Etat (ce qu'elles n'étaient quand même pas tout à fait). Le débat y a gagné en intensité, avec notamment une belle embellie des joutes oratoires au sein des Conseils Généraux ou Municipaux. La contrepartie fut sans doute l'accélération du cumul des mandats, le cumul député-maire-président du CG donnant un poids considérable à l'heureux élu :wink: (ex. François Mitterand) ; de plus, à la différence d'aujourd'hui, la nomination comme ministre (si elle vous faisait perdre votre statut de député) ne vous empêchait pas de rester maire, président de CG, et plus tard, quand viendra l'âge d'or des régions et des EPCI, président d'agglo et président de région (ex. hors cadre temporel : Alain Juppé).

A suivre
Jean-Mic

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Heureux ceux qui savent rire d'eux-mêmes, ils n'ont pas fini de rigoler !


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