GustavedeBeaumont a écrit :
L'article mentionne aussi que ce ne sont que des témoignages, et qu'il n'y a aucune preuve.
Pierma a écrit :
[ toutes les unités pratiquaient le "body count". Il faut expliquer que Mac Namara a débuté la guerre avec l'idée que le nord-Vietnam jetterait l'éponge à partir d'un certain nombre de pertes, ce qui nécessitait un taux de perte ("death rate") très favorable à l'armée américaine. Le "body-count" évaluait donc le nombre de tués qui séparait les Etats-Unis de la victoire. (L'ambassade américaine à Saïgon employait une foule d'administratifs à des évaluations de ce genre.)
Vous avez absolument raison sur cette doctrine. Dans ce même article, on lit que le "body count" était l'indicateur de mesure de la progression, pour les Américains, introduit après la bataille de la vallée de Ia Drang en novembre 1965. A partir de ce moment, les succès militaires, ne sont plus mesurés en territoire conquis mais en nombre d'ennemis tués.
J'ignore si le "body-count" a vraiment été introduit après la victoire de La Drang. (qui fait l'objet du film "We were soldiers".)
Il faut comprendre qu'au départ de la guerre, une donnée stratégique majeure est l'interdiction que se posent les dirigeants américains d'envahir le territoire du Nord, de peur d'une intervention chinoise qui augmenterait dramatiquement l'ampleur du conflit. (Mais on ne s'interdira pas de bombarder le Vietnam du Nord, qui va recevoir plus de bombes au final que l'Allemagne nazie.)
Dès lors, ils ont besoin de repères pour savoir si ils parviennent à vaincre la pénétration communiste au sud (les Viet-Congs) et à imposer la paix au nord. Mc Namara, ministre de la défense, qui faisait partie des "sorciers" de Kennedy - les "wizards" ou "wiz kids" - est bien dans la mentalité de l'époque où on met tout sous forme d'indicateurs chiffrés. (Il vient de quitter la direction de la General Motors, et on est en pleine généralisation de l'informatique) Après discussion entre les ministres de Johnson et l'état-major, on se met d'accord sur l'idée que tel nombre de morts au combat (x millions) serait une limite insupportable pour le Vietnam du Nord, qui serait amené à négocier. D'où la décision de compter les pertes ennemies.
Evidemment ce genre de raisonnement n'a un sens que si les pertes américaines au combat sont nettement inférieures aux pertes des unités du Nord. Pour cela on compte sur la débauche de moyens que les USA sont capables de fournir, en particulier dans l'appui au sol de leurs troupes. (aviation, artillerie, voire blindés.) Les hélicoptères doivent permettre également de donner aux troupes US une mobilité dont ne disposent pas les Nord-Vietnamiens ni les Viet-Congs, sur les pistes impossibles de la jungle vietnamienne. Et c'est effectivement la bataille de La Drang qui confirme que dans le premier engagement majeur de la guerre le rapport comparatif des pertes ("death rate") est bien au delà de 1 à 10.
Il y aura d'autres indicateurs chiffrés dans ce genre. (A vouloir tout évaluer, tout savoir et tout suivre, on en arrivera à un rapport quotidien de 400 pages de l'ambassade US de Saïgon vers Washington.) Par exemple pour évaluer la réduction de l'influence des Viet-Congs dans les campagnes du sud-Vietnam, on va mesurer en "nombre de villages pacifiés", une vision comptable absurde face à une résistance populaire très active et résiliente . Bien sûr, on imagine les risques de dérapage. (un village fouillé et incendié, on le compte comme pacifié ?)
Mc Namara, qui démissionne avant la fin du mandat de Johnson, confessera l'ineptie de ces raisonnements et de cette façon de mener la guerre. Pas idiot, il est le premier à comprendre que les indicateurs remontés du terrain sont vérolés - tout Vietnamien mort, civils compris, passe dans le "body count", entre autres biais - et surtout ne décrivent en rien la réalité de la situation militaire. ("Nous avions préparé une guerre dans un pays dont nous ne savions rien".)