Plus récent, il y a le livre d'Yvan Cadeau chez Perrin, réédité en poche.

Conclusion
« Qui a gagné ? » se demande Robert Guillain au lendemain de l’armistice. « On en discutera longtemps. Une chose est sûre : ce fut une guerre pour rien. Les deux côtés se retrouvent là où ils ont commencé. Des flots de sang ont coulé, mais à long terme, rien n’est réglé. » De fait, à l’issue de trois années de guerre, les Sud-Coréens, comme leurs homologues du Nord, se retrouvent sensiblement sur les mêmes positions qu’ils occupaient, à hauteur du 38e parallèle, le 25 juin 1950. Théâtre d’un des conflits parmi les plus violents du XXe siècle, la péninsule coréenne est, au mois de juillet 1953, totalement dévastée. Les infrastructures de la Corée du Nord et une partie de celles de la Corée du Sud sont détruites et des milliers de kilomètres carrés de terres rizicoles sont devenues impropres à la culture, entraînant, dans certains endroits, de véritables famines. Les villes ont particulièrement souffert, dévastées par les bombardements aériens ou par les combats de rue : certaines ont été rasées et près de 600 000 habitations ont été détruites, au nord comme au sud. Mais le bilan le plus lourd de la guerre de Corée reste évidemment son bilan humain. Les pertes sont difficiles à mesurer tant les chiffres diffèrent selon les sources et les modes de comptabilité retenus (prise en compte des disparus, des blessés morts quelques jours après leurs blessures, des blessés morts plusieurs semaines ou plusieurs mois après leurs blessures, des morts de maladie, des morts par accident lié au service, etc.). Elles se révèlent toutefois plus aisées à déterminer du côté des forces des Nations unies. L’armée américaine enregistre plus de 33 500 tués (dont la moitié au cours de la première année de guerre) et plus de 100 000 blessés ; le Commonwealth, qui a engagé deux brigades dans le conflit, déplore plus de 1 260 tués (dont 670 Britanniques), la Turquie, avec plus de 700 tués, constituant le troisième contingent étranger ayant le plus souffert. Le bataillon français, de son côté, compte 290 tués (parmi lesquels une vingtaine de soldats sud-coréens qui lui étaient rattachés) et un millier de blessés. Les pertes des Sud-Coréens peuvent être estimées à un demi-million d’hommes, militaires et civils confondus, la part de ces derniers s’avérant cependant plus importante.

Établir, enfin, les pertes sino-coréennes se révèle beaucoup plus compliqué ; seuls des ordres de grandeur peuvent être avancés raisonnablement. La Corée du Nord aurait perdu, selon une estimation basse, environ 520 000 des siens et les volontaires chinois auraient payé le tribut le plus lourd au conflit avec 1,5 million de morts. Ainsi, en se fondant toujours sur une estimation basse, les pertes totales de la guerre de Corée s’élèvent à un peu plus de 2 millions de morts, certaines sources évoquant même le chiffre de 3,5 millions de tués, civils dans leur grande majorité. Faute de données fiables fournies par la Corée du Nord et de l’ouverture intégrale des archives chinoises sur la question des volontaires du peuple tués, il reste difficile d’affiner les statistiques en la matière.

Extrêmement meurtrière, la guerre de Corée a également été une « sale » guerre : la barbarie s’est exprimée de manière industrielle, notamment par le biais de la puissance de feu américaine. Les opérations ont vu l’emploi massif de bombes au napalm, d’obus au phosphore et se sont accompagnées d’actes de torture et de massacres pratiqués par les deux camps comme en témoignent les nombreux charniers qui ont été découverts après la cessation des hostilités. Les prisonniers, pourtant protégés par les conventions de Genève, n’ont pas été épargnés par la violence du conflit : ce qu’ont vécu les prisonniers occidentaux tombant aux mains des communistes, et notamment des Nord-Coréens unanimement jugés plus cruels, dépasse parfois l’entendement. Tous les survivants des camps communistes reviennent psychologiquement profondément marqués par leur expérience de la captivité. Très affaiblis physiquement, édentés pour certains, souffrant de troubles gastro-intestinaux en raison des privations ou de cécité partielle du fait de la carence en vitamines, la plupart garderont toute leur vie d’importantes séquelles. La veuve d’un combattant français ayant été fait prisonnier en Corée raconte ainsi : « Quand j’ai rencontré mon mari, il était en France depuis huit mois, il ne voulait pas parler de sa captivité, j’ai respecté son silence [...], mais après notre mariage je me suis rendu compte qu’il n’oubliait pas et pendant des années il a été soigné pour des douleurs d’estomac, des gastro-entérites et une colopathie chronique, des maux de tête […] sans parler des cauchemars. Après quelques années de trêve, ces cauchemars sont réapparus ainsi que des pertes de mémoire de plus en plus importantes. [...] Le plus pénible c’était de voir mon mari se lever la nuit et se coucher dans un coin de la chambre et se cacher la tête de ses bras, il avait des réactions qui me laissaient penser qu’à cet instant, il était dans le camp. Il fallait passer de longues nuits à lui parler et à calmer ses douleurs morales. »