Samouraï a écrit :
Je viens de dire que la torture ne s'est jamais banalisée !
Non, vous avez écrit « Officier dans cette armée, j'atteste que je n'ai jamais ni pratiqué, ni laissé pratiqué ce genre d'interrogatoire "musclé" dans mon secteur ». Il s'agit d'
un témoignage, que vous ne pouvez pas généraliser à l'ensemble de la guerre.
Samouraï a écrit :
Il y a eu, pendant la bataille d'Alger (années 56-57) lorsque les parachutistes ont été chargés de la répression à Alger de nombreux cas avérés, parceque le gouvernement socialiste de l'époque avait demandé de "l'efficacité par n'importe quels moyens" pour éradiquer le terrorisme dans cette ville. Mais ce fut vraiment ponctuel. Aussaresses en a parlé, Massu également. On ne peut pas parler de banalisation, absolument pas !
Dans son livre
Services spéciaux Algérie 1955-1957 (Plon, 2001), le général Aussaresses écrit dans le chapitre intitulé « Philippeville, 1955 » (à cette date, le Parti
socialiste SFIO est encore dans l'opposition) : Les policiers « me firent vite comprendre que la meilleure façon de faire parler un terroriste qui refusait de dire ce qu'il savait était de le torturer. Ils s'exprimaient à mi-voix, mais sans honte, sur ces pratiques dont tout le monde, à Paris, savait qu'elles étaient utilisées et dont certains journaux commençaient à parler ». Il poursuit, quelques pages plus loin (toujours dans le même chapitre) : « Les policiers de Philippeville utilisaient donc la torture, comme tous les policiers d'Algérie, et leur hiérarchie le savait ». Il ajoute, enfin : « La quasi-totalité des soldats français eurent plus ou moins connaissance de l'existence de la torture mais ne se posèrent pas trop de questions car ils ne furent pas directement confrontés au dilemme. Une petite minorité (note n°4) d'entre eux l'a pratiquée, avec dégoût, certes, mais sans regrets ».
(Note n°4) « Beaucoup d'officiers d'active n'ont jamais torturé, tout simplement parce qu'on ne les a jamais mis en situation de le faire. Quant aux appelés, il n'était pas question de leur confier ce genre de besogne. »
Sur ce sujet, il faut lire (ce que je n'ai pas encore fait
) la thèse de Raphaëlle Branche,
L'armée et la torture pendant la guerre d'Algérie. Les soldats, leurs chefs et les violences illégales dirigée par Jean-François Sirinelli et soutenue en décembre 2000 l'Institut d'études politiques de Paris, qui a été publiée chez Gallimard en 2001 sous le titre
La torture et l’armée pendant la guerre d’Algérie 1954-1962. Voilà ce qu'en écrivait Charles-Robert Ageron dans le n°74 du second trimestre 2002 de
Vingtième Siècle. Revue d'histoire :
Charles-Robert-Aheron a écrit :
« Sous le titre La torture et l’armée (1954-1962), cette thèse de doctorat présente une étude détaillée des diverses violences illégales commises par l’armée française au nom de la théorie de la guerre révolutionnaire. L’ampleur de l’information, le talent d’écriture et la qualité de la réflexion de l’auteur en font un livre qui s’imposera à un vaste public.
Raphaëlle Branche a su obtenir une liberté presque totale de consultation des archives militaires du SHAT soumises jusqu’ici à de sévères restrictions. On ne peut que se réjouir pour ses travaux et ceux de tous les chercheurs. Raphaëlle Branche a rassemblé également une masse de témoignages individuels de soldats et d’officiers. La richesse de cette documentation lui permet d’affirmer l’institutionnalisation de la « torture » dans l’armée spécialement grâce à la création en 1957 des DOP (Détachements opérationnels de protection) rebaptisés en mai 1960 UOR (Unités opérationnelles de recherches). Environ 4 000 appelés auraient servi pendant la guerre comme hommes de troupe (p. 365). L’auteur n’en précise pas moins « qu’aucune étude quantitative ne pourra jamais être faite sur les diverses violences de l’armée ». cela vaut sans doute pour les viols officiellement interdits, mais ce serait peut-être oublier que la gendarmerie enregistrait fidèlement, par exemple, le nombre de victimes des « corvées de bois » ou « fuyards abattus » lors de tentatives d’évasion. Malgré la résistance de certains juges d’instruction civils et militaires, et celle de certains officiers, malgré les rappels à l’ordre répétés du général de Gaulle, les violations du droit, tout en diminuant à partir de 1960, se poursuivirent jusqu’au bout.
Mieux informés qu’ils ne l’étaient jusqu’ici, les lecteurs pourront librement juger de la place et du rôle de la « torture » dans la guerre d’Algérie. Qu’on veuille bien me permettre de leur citer la conclusion réaliste d’un officier : « La torture n’a pas plus servi à la France que les égorgements et les mutilations à la cause du FLN. »