Quelques éléments, issus de l'ouvrage Ivoires du Moyen âge de Danielle Gaborit-Chopin.
Le premier ivoire carolingien que l'on peut dater avec certitude est la reliure du Psautier de Dagulf (entre 783 et 795). Avec cette oeuvre remarquable, la renaissance carolingienne prend l'aspect d'un phénomène subit et inexplicable. Il faut sans doute y voir un effet des réformes entreprises par Pépin, dès le milieu du VIIIe siècle, qui favorisa l'expansion des abbayes bénédictines (au détriment de celles appliquant la règle de saint Colomban) et aussi un résultat de l'ouverture de Pépin (et de Charlemagne après lui) aux influences lombardes, et donc à l'esthétique méditerranéenne, encore marquée par la culture antique. Les modèles de premiers ivoiriers carolingiens sont plutôt éclectiques, mais on y compte des oeuvres italiennes de la fin du IVe et du début du Ve siècles, des oeuvres de Constantinople et de Ravenne, ainsi que des monuments hellénistiques ou de l'Antiquité classique encore accessibles dans l'Italie du Nord ou l'Italie centrale. A ce niveau, si l'impulsion décisive fut donnée par Charlemagne, c'est grâce à ses fils et ses petits-fils que les artistes acquirent la plus parfaite connaissance de cet art antique.
Le classement des ivoires carolingiens repose en grande partie sur les travaux de Adolf Goldschmidt, qui relia plus de cent quatre-vingt ivoires carolingiens aux principaux scriptoria alors en activité (Corbie, Reims, Sens, Tours ou Fleury-sur-Loire pour la Francia occidentalis, Cologne, Trèves, Milan dans le royaume de Lothaire, Fulda, Lorsch, Ratisbonne, Mayence ou Saint-Gall dans celui de Louis le Germanique).
Parmi les écoles, celle du Palais de Charlemagne, dont nous avons déjà discuté dans un autre fil. Viennent ensuite les ivoires contemporains de Louis le Pieux et Lothaire Ier (plaque de Liverpool représentant la Crucifixion et les saintes Femmes au Tombeau, Crucifixion du British Museum), la première école de Metz (Plats de reliure représentant la Passion du ms. lat. 9388 à la BN de Paris, reliure de Francfort-sur-le-Main, Sacramentaire de Drogon). Sous Charles le Chauve, ce sont surtout les scriptoria de Tours (avec par exemple le flabellum de Tournus et la plaque de reliure du Louvre dite "du Paradis terrestre") et de Reims qui se distinguent (groupe Liuthard, situé entre 860 et 870, contenant notamment deux petites plaques de Zurich, le Codex aureus de Saint-Emmeran de Ratisbonne et enfin la grande Crucifixion de Munich). On peut ensuite étudier la seconde école de Metz, ou école lotharingienne, dans la production se place dans le troisième quart du IXe siècle (avec par exemple des plats de reliure d'un manuscrit de Verdun représentant la Crucifixion, un panneau de coffret représentant les pélerins d'Emmaüs au Musée Métropolitain de New York).
_________________ Il n'est pas sur notre sol une chose qui soit plus utile que ces sublimes monuments qui ne servent à rien (Emile Mâle).
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