J’ai lu récemment deux livres sur les mérovingiens : le « Clovis » de Michel Rouche (Fayard 1996), et « Les premiers rois de France » d’Ivan Gobry (Tallandier 1998).
Rouche consacre 150 pages à Clovis sur les 390 du livre. Gobry est plus court (50 pages) vu qu’il traite toute la dynastie en 380 pages.
J’ai été surpris par de très nombreuses incohérences entre les deux ouvrages, dont voici quelques-unes.
Syagrius :
Pour Rouche, Clovis se le fait livrer par les Wisigoths longtemps après la bataille de Soissons, dans le plus grand secret puis le fait tuer encore une fois dans le plus grand secret, pour éviter de rallumer la guerre civile
Pour Gobry, c’est aussitôt après la bataille, et Clovis le fait tuer immédiatement au vu de tous.
Tolbiac :
Pour Gobry, Clovis n’était pas à la bataille de Tolbiac, mais à une bataille ultérieure à Strasbourg, contre les mêmes Alamans, qu’il situe en 495.
Rouche affirme qu’il y a bien deux batailles consécutives à Tolbiac et que Clovis est à Tolbiac, pour la seconde, entre 495 et 496
Le baptême - date :
Pour Gobry, après la victoire contre les Alamans, Clovis entre en catéchuménat immédiatement, et est baptisé à Noël 495. Gobry indique qu’il n’a pas eu le temps d’aller à St Martin de Tours, et que la conversion définitive a eu lieu à St Martin de Reims.
Pour Rouche, c’est un long processus qui s’engage, Clovis étant d’abord tenté par l’arianisme, et ayant également peur de la réaction de ses troupes, avant de se convertir définitivement à St Martin à Tours et d’entrer en catéchuménat en 499 pour un baptême à Noël 499.
Le baptême – circonstances :
Pour Gobry, le peuple franc était déjà catholique, il ne restait plus que Clovis et la classe dirigeante à convertir, laquelle classe dirigeante s’est montrée immédiatement enthousiaste.
Pour Rouche, le gros du peuple franc était resté païen, et Clovis a entrepris une vaste entreprise d’évangélisation après son baptème
Après le baptême :
Pour Gobry, après le baptême, ce ne sont plus que victoires et prépondérance en Gaule. Pas de mention des temps difficiles et des nombreuses défaites du début des années 500 (Armorique, etc…)
Pas de mention non plus de l’alliance avec Anastase qui a bloqué Théodoric le grand en Italie pendant que Clovis attaquait Alaric II à Vouillé. Gobry remplace cela par une attaque surprise de Clovis (sans attendre le retour des émissaires de Théodoric à Ravenne, il lance ses troupes contre Alaric – comme si le déclenchement d’une guerre pouvait aller plus vite que le retour d’émissaires)
En fait, pour Gobry, Clovis devenu roi chrétien devient roi de la Gaule par ses propres moyens et le support de populations chrétiennes enthousiastes.
Rouche est beaucoup plus nuancé que cela.
Clovis lui-même :
Gobry nous présente Clovis comme un saint après son baptême, n’agissant que selon l’enseignement des évangiles pour le bien des peuples.
Rouche encore est bien plus nuancé, et nous montre en particulier que Clovis est demeuré un politique pour qui la fin justifie les moyens (par exemple, massacre de sa parentèle pour assurer sa succession, chose que Gobry passe sous silence)
J’arrête là pour ne pas en remplir 10 pages, mais ces contradictions, entre deux auteurs contemporains, me semblent très surprenantes.
Globalement, le livre de Gobry me donne le sentiment de ne pas être très sérieux. J’aimerais l’avis des membres du forum sur ce point, d’autant que je vais approfondir cette période en lisant sur Clotaire, Dagobert, Charles Martel, Pépin, et que Gobry a beaucoup écrit sur tout ça (en particulier, le seul « Clotaire » disponible sur amazon.fr est de lui)
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