Pourtant, ce sont là des faits sur lesquels la communauté historique est globalement d'accord.
Liber censualis a écrit :
J'ai souvenir d'un article paru dans l'Histoire sur l'identité du peuple franc dans lequel Dumézil remettait en cause l'idée selon laquelle les francs auraient constitué un peuple distinct des gallo-romains :tout ce monde se serait mêlé par phénomène d'acculturation réciproque, les uns cédant au prestige de la culture latine, les autres se soumettant à la loi des nouveaux maîtres, désireux d'appartenir à l'élite franque pour obtenir des exemptions fiscales. Pour autant la loi salique distinguait bien les francs des romains, et Rémi en baptisant Clovis l'a appelé "Sicambre" pour bien rappeler que celui-ci, même jouant le rôle d'un gouverneur romain en Gaule du nord, n'en était pas moins un chef germanique, dont la romanité n'allait pas de soi.
Il ne fait qu'aller dans le sens des recherches éxistant depuis quelques décennies sur la question des processus de formation des identités ethniques, l'ethnogénèse. Rien de nouveau là-dedans et on ne peut qu'être d'accord avec cette idée. Le problème est qu'en France ces recherches, menées essentiellement par des anglo-saxons, autrichiens, allemands spécialistes du haut Moyen Âge, sont très mal connues, et ce n'est que la génération actuelle d'historiens qui en prend vraiment la mesure. Voyez l'article de Walter Pohl dans les Annales HSS, numero 60-1 pour un article de fond sur la question.
Liber censualis a écrit :
Dans l'article paru dans le numéro objet du présent sujet, Dumézil entreprend la réhabilitation des mérovingiens. Les générations d'historiens se succédant, il est toujours de bon ton de remettre en question (parfois avec raison !) la vision de ses prédecesseurs. Donc à l'ordre du jour, révision de la vulgate actuelle sur les mérovingiens... Tout d'abord, celà fait un certain nombre d'année qu'il n'est plus vraiment question de rois fainéants dans l'historiographie contemporaine : personnellement je n'ai rien lu de tel dans quelqu'ouvrage que ce soit depuis 30 ans...
Peu importe, notre jeune historien a à coeur de restaurer la réputation sois disant mauvaise de cette dynastie :
1) leur réputation est due à Eginhard, thuriféraire des carolingiens ayant évincé une lignée "faible et incapable", alors qu'à lire des auteurs contemporains, ils étaient raffinés, pratiquant qui la poésie, qui le jardinage, qui les réformes de l'alphabet... J'ai envie de penser que l'un n'exclut pas l'autre !
Que l'histoire des rois fainéants est un mythe construit de toute pièce en vue de légitimer les Carolingiens est un fait bien connu, et aucun historien sérieux ne remettrait en cause cette idée. Mais vous voulez peut-être dire que justement, il n'apporte rien de nouveau. Question de publique. Pour un historien bon connaisseur de cette période, ces faits sont assez clairs. Pour quelqu'un qui découvre la période, cela ne va pas forcément de soi.
Liber censualis a écrit :
2) les partages successoraux auraient été une vue de l'esprit, alors que celui de 843 fut lui bien réel. En fait, loin de se partager le royaume comme "un service de petite cuillers", les héritiers, comme au temps de la tétrarchie, se partageaient la défense du regnum francorum, en différents royaumes, pour plus d'efficacité...Sauf qu'ils n'avaient de cesse de se faire la guerre entre eux !!
C'est assez cohérent, du moins en adéquation avec ce que l'on observe. De fait, les partages mérovingiens n'aboutissent à aucune partition politique durable, et à chaque génération ces partages sont susceptibles de se faire selon de nouvelles configuration. En soi, ils ressemblent assez à ce qui se pratiquait d'ailleurs déjà dans l'empire romain depuis Dioclétien. Alors que le partage de 843 a d'importantes conséquences sur le très long terme.
Bref, globalement, tout ça me semble assez cohérent. Sachant qu'il s'agit ici d'articles de vulgarisation, et donc, dans lesquels il présente des faits qui sont en soi déjà assez bien connus de la communauté historienne.