L'ouvrage dirigé par Bartolomé Bennassar,
Histoire des Espagnols - I. Du VIe au XVIIe siècle, comporte plusieurs chapitres dont le premier, "Le temps des Wisigoths", écrit par Pierre Bonnassie, consacre quelques sections aux Juifs. en voici quelques extraits :
Citer :
Deux époques peuvent être distinguées dans l’attitude de la monarchie wisigothique vis-à-vis des Juifs : la première, avant la conversion des Wisigoths au catholicisme, est celle d’une assez large tolérance ; la seconde, après cette conversion (587), témoigne d’une persécution de plus en plus cruelle.
Au VIe siècle, les israélites continuent à vivre sous le régime qui était le leur dans l’Empire romain. […] En revanche, le prosélytisme religieux est condamné et les mariages mixtes en principe prohibés (encore que cette interdiction ne semble guère respectée).
La montée de l’antisémitisme au VIIe siècle s’explique par toute une conjonction de facteurs. Des causes matérielles ont assurément joué : à une époque d’économie contractée, les profits réalisés par le grand commerce juif attisent les convoitises et apparaissent facilement scandaleux aux yeux d’une société qui s’enfonce dans la ruralité. Des causes culturelles aussi : les écoles hébraïques dispensent un enseignement de qualité, les rabbins sont souvent bien plus instruits que les prêtres catholiques et leur font une concurrence parfois victorieuse. Il est certain qu’on voit des chrétiens se convertir au judaïsme. C’est à ces « judaïsants » que s’en prend d’abord la loi : dès le règne de Chindaswinthe (642-653), tout baptisé qui adopte la religion hébraïque est puni de mort et de la confiscation des biens, et la même sentence s’applique au Juif qui a suscité la conversion. On traque donc les nouveaux circoncis, puis on s’en prend aux israélites eux-mêmes. On leur interdit d’employer des domestiques chrétiens, on les exclut de toutes les charges publiques, on restreint leur capacité à témoigner en justice, on soumet à des limitations leurs activités commerciales, particulièrement la plus rémunératrice d’entre elles, la traite des esclaves. (1985, Histoire des Espagnols – Du VIe au XVIIe siècle, 27-28)
Sûrement pas : en 694, Egica propose au XVIIe concile la solution finale. Elle est adoptée : tous les Juifs d’Espagne seront réduits en esclavage et distribués à de riches et pieux chrétiens qui s’engageront par serment à leur interdire de pratiquer leur religion. Les enfants juifs, jusqu’à l’âge de sept ans, seront enlevés à leurs parents pour être élevés dans des familles chrétiennes.
Quel fut l’effet de telles mesures ? On ne le sait pas, car il ne subsiste aucun document relatif à leur application. Certes, les populations chrétiennes ont pu être poussées à détruire les synagogues (celles-ci, en 693, sont toutes en ruines, si l’on en croit les actes du XVIe concile), mais il ne semble pas que l’antisémitisme officiel ait rencontré beaucoup d’écho dans la masse du peuple. […] Malgré tout, les juifs ont peur et l’on comprend qu’ils aient accueilli les musulmans en libérateurs : les chroniques sont unanimes à nous apprendre que ce sont eux qui, les premiers, leur ont ouvert les portes des villes. (1985, Histoire des Espagnols – Du VIe au XVIIe siècle, 64-65)
Notez que l'esclavage n'est pas une faible sanction chez les Wisigoths car les esclaves y sont particulièrement maltraités en droits et en considération.