Pédro a écrit :
Dans le même temps je pense qu'ils avaient une sensibilité plus aigüe que la nôtre justement pour observer les signes qui les entouraient.
Très juste ! Toute une partie de l'humanité a délégué à de géniales inventions le pouvoir de lui dire plus précisément ce qu'elle savait déjà, même s'il est vrai qu'elles voient bien mieux que nous.
Si nous connaissons bien plus la Terre que les générations passées, si nous en comprenons des mécanismes d'une complexité redoutable et si nos voyages à travers le monde se multiplient, on a pour beaucoup perdu ce rapport aux manifestations ordinaires de la vie. C'est ce qui explique en partie le succès de Thoreau en littérature, du
Princesse Mononoké de Miyazaki au cinéma: toutes ces manifestations sont encore en nous, nous savons qu'elles existent et nous ne demandons parfois rien de mieux que de nous les remémorer, comme si nous reprenions l'héritage de nos "ancêtres" pour qui ces précieux indicateurs étaient le début et la fin de toute chose.
Vous avez par ailleurs tous raison d'évoquer le soleil: il n'est pas anodin qu'il soit un astre central de l'imaginaire. Il est cet astre qui, de ses rayons, adoucit le quotidien des hommes, confère aux fleurs leur beauté, donne aux hommes le spectacle des jeux de couleurs. On le célèbre d'autant plus qu'il adoucit en chaque instant le quotidien (c'est en partant de cette idée que Dion de Pruse compare le soleil au bon prince dans je ne sais plus lequel de ses discours sur la royauté, l'un et l'autre devant tous les jours réitérer le travail harassant mais si louable de la veille). Bref, le soleil a été le premier indicateur du rythme quotidien. A l'aube, chaque jour, le même rituel recommençait: le soleil éclaire et donne aux hommes la luminosité nécessaire à la grande majorité de leurs activités. Songez que l'électricité, à l'âge de l'humanité, est une invention qui vient à peine d'avoir lieu.
C'est Primo Levi qui rappelle cette importance du soleil dans
Si c'est un homme: pour le détenu du camp de travail d'Auschwitz III, l'hiver est à la fois terrible pour ses conditions climatiques et réconfortant par la brièveté de l'ensoleillement, le travail s'arrêtant alors avec le coucher du soleil. On ne dira jamais assez l'importance du soleil pour toute vie terrestre et si l'histoire des hommes, des animaux et du soleil n'a pas encore été écrite, il faut absolument que les plus courageux (dur travail mais que passionnant il doit être: pour l'historien en effet, qui par définition travaille sur le temps passé, quel sujet peut-il être plus intéressant que l'étude du rapport des hommes au temps ?) y travaillent.
Il ne nous est d'ailleurs pas impossible d'en avoir un aperçu. En partant quelques jours dans la nature, sans montre et sans autre objet nous indiquant l'heure, on apprend vite à être plus attentif à ce qui nous entoure. Mais attention, à part l'illumination du soleil, rien ne nous indique naturellement l'heure du jour. On sera donc plus attentif mais non pas plus instruit de la connaissance des heures quotidiennes. Sur le long terme bien sûr, bien d'autres éléments viennent s'ajouter pour nous donner de bons repères. Mais encore une fois, la précision horaire n'a aucune importance quand il s'agit de se nourrir et de se chauffer (les deux principales nécessités humaines).
Diablement utile, anormalement nécessaire dans la plupart des sociétés humaines aujourd'hui (par exemple pour trouver un travail, garder ses amis ou rester en de bons termes avec ses connaissances - si vous n'êtes pas à l'heure, vous manquez de respect à celui qui vous attendait, donc vous perdez sa sympathie), elle est dispensable à la vie.