Alain.g a écrit :
Comme on le sait maintenant, les invasions barbares n'ont pas vraiment existé, les barbares sont venus progressivement, déjà romanisés et employés à la défense de l'empire.
L’entame de ce fil est certainement volontairement provocatrice, et un certain nombre de commentaires déjà faits relèvent cet aspect provocateur, en partie vrai mais en partie faux.
Comme toute discussion, elle porte souvent sur l’interprétation de certains mots, dont on fait l’économie de ne pas rappeler les diverses acceptions ou interprétations possibles.
Si on interprète « invasion » comme « incursion massive et violente de
barbares hirsutes et avinés mettant à sac la vénérable et décadente Rome :wink: », il y a quand même quelques décennies que les bons ouvrages nous ont montré l’inadaptation du terme aux « invasions barbares » dont en parle.
Si on prend le début de l’article Wiki sur les invasions : « Une invasion est une action militaire qui menace directement l’autonomie d’une nation ou territoire. », je considère que cette définition s’applique à la plupart de ces invasions. C’est cette définition que j’utilise.
(Une invasion n’implique pas automatiquement la destruction des édifices, le massacre des populations et l’anéantissement des structures politiques).
1- Les invasions barbares
- Je ne considère comme invasions les immigrations progressives des 2ème, 3ème et du début du 4ème siècle ainsi que l’installation des Burgondes.
- Mais je vois difficilement comment ne pas considérer toutes les autres comme des invasions (déjà citées par Cap).
La seule, et elle est importante, qui me paraît pouvoir être discutée est l’arrivée des Goths en 376.
Comme l’a dit Pédro, les Goths ont été invités à entrer dans l’Empire. Mais :
- Les Romains avaient-ils le choix ? Tôt ou tard ils seraient entrés, et sans doute plus violemment.
- Et puis la suite de leur parcours est évidemment une invasion.
Quant à qualifier cette « invasion » d’accident de parcours, c’est quand même un très fâcheux accident de parcours !
2- Les barbares sont venus progressivement, déjà romanisés
- Les envahisseurs de 376 et de 406 n’étaient pas romanisés même s’ils avaient déjà eu des contacts avec les Romains.
- Les Huns n’étaient pas romanisés, même si Attila les connaissaient bien !
Que les Goths par exemple se soient peu à peu romanisés au cours de leur périple à travers l’Empire est évident, mais cela s’est passé sur plusieurs générations, et ils ne l’étaient pas à leur arrivée.
3- Les barbares se reconstituent une identité et une histoire
Je ne pense pas que les Barbares l’avaient perdue.
- Le fait d’affirmer leur identité pendant la phase violente de leurs invasions n’était sans doute pas nécessaire.
- Le fait qu’ils aient d’abord essayé de s’intégrer est nécessaire et intelligent quand on est moins nombreux et qu’on veut s’installer. D’une façon ou d’une autre, les grands conquérants ont eu aussi cette attitude.
- Le fait qu’ils aient eu besoin de réaffirmer leurs origines une fois installés me paraît naturel. Tous les peuples ont eu cette démarche lorsqu’ils ont voulu constituer un état.
4- Il était chic de se comporter comme un barbare
Cette façon de s’exprimer me paraît pour le moins tendancieuse.
Quand Alexandre conquiert le Proche Orient, il adopte certaines coutumes des Perses parce que c’est son intérêt (alors que c’est le Conquérant).
Quand les premiers Gaulois adoptent les usages et coutumes romains, c’est essentiellement par intérêt personnel.
Je pense que les Romains ont adopté certains usages barbares essentiellement pour se « faire bien voir » et se rapprocher des nouveaux maîtres.
Par ailleurs, s’il était chic de se comporter comme un barbare, c’est que leur comportement n’était pas si romanisé que cela !
5- Langues et populations
Les envahisseurs étaient nettement moins nombreux que les envahis, et leur culture écrite quasiment inexistante. Leur langue a donc disparu peu à peu. C’est normal.
Il y a quand même en français plus de 500 mots d’origine germanique.
J’ai relu rapidement Les invasions de L Musset après avoir lu ce fil, et je ne trouve franchement pas grand chose à y redire (cela date quand même d’il y a 45 ans !).
Je n’ai pas (encore) lu Dumézil, mais j’ai l’impression qu’il n’y a pas de grande nouveauté, si ce n’est juste un déplacement du curseur.