History Detective a écrit :
Bonjour, isatis--j'aime les belles couleurs d'habillage de cette époque! Pour moi, les couleurs glorieuses sont une très plaisante surprise parce que, au début, j'avais l'imagination que les couleurs étaient peut-être banal. Je me trompais complètement!
Je suis ravie de vous entrebâiller les portes d'un monde ancien "en couleur"!
Le textile et ce qui tourne autour, donc les teintures sont un peu mon "dada".
Très rapide "topo" sur le textile:
- - 37 000, une grotte de Géorgie: présence d'un (très) petit reste de fibre textile filée, végétale ET déjà teinte!
- On a trouvé, dans les grottes de Lascaux, "un débris textile" aussi.
- code d'Hammurabi: des recettes d'utilisation de teintures et de pigments (NB: tous les pigments ne sont pas des tinctoriales). Généralement associées aux vertus médicinales.
Une plante peut être à la fois: alimentaire, "textile" (lin, chanvre ortie...), tinctoriale, médicinale.
- - 6000, Judée, la Grotte du Guerrier: on y a trouvé des textiles montrant un niveau technologique déjà très sophistiqué + des teintures (dont du noir...).
- Ces plantes ou extrait d'insecte (cochenille, kermès) ou extrait de coquillage (murex, par ex.) sont très tôt l'objet de commerce et d'échanges, quelque fois très lointains. D'acclimatation aussi: le pastel (isatis tinctoria) originaire de l'Asie centrale a été implanté en nos régions au Néolithique.
- les "fibres" voyageaient aussi et pas QUE la soie. Deuxième quart du Vème AC, en Gaule: tissu de laine cachemire.
Première trace archéologique de soie
chinoise en Egypte: -3000. (le bassin méditerranéen avait aussi "sa" soie: voir les fouilles de Palmyre)
En échange et déjà très tôt, certaines régions occidentales étaient réputées pour la qualité de leur drap de laine (qui s'exportaient).
Pour l'époque qui occupe ce post, l'humain a déjà une assez solide expérience en matière de teinture des textiles!
- soit il va dépendre du biotope dans lequel il se trouve et teindre avec ce qu'il trouve et/ou utiliser la couleur du(des) moutons et chèvres qu'il a sous la main.
Il y a déjà moyen d'avoir des couleurs assez sympathiques, pas nécessairement "toutes" les couleurs et d'obtenir des résultats satisfaisant "sur le coin du réchaud" (donc teinture domestique).
- soit il va les importer si il est impossible de les faire pousser (végétal ou animal) en nos climats, soit, petit à petit il va les acclimater (la garance par ex.). Pour l'époque "thème" du post, les draps dits "à l'écarlate" (produit de luxe) sont produits en nos régions.
Si nous avons des informations sur les textiles "de luxe", c'est que soit on en parle dans les textes (en moyenne rédigés par des lettrés) et/ou que des pièces archéologiques remarquables ont traversé les temps (trésors d'église, par ex.).
En fouilles, pour cette période, on est encore dans les tombes à mobilier qui ont l’immense mérite de comporter des pièces métalliques.. qui "fossilisent" les fibres textiles.
De là à ce que, à tous les coups, ces fibres soient étudiées, c'est une autre histoire (les anglo-saxons ont une très bonne longueur d'avance sur nous).
Si les tombes ne comportent pas d'éléments métalliques (tombes "pas riches"), les probabilités de trouver des débris textiles s'amenuisent.
Niveau "matière textile": certaines se conservent mieux que d'autres, en fouille et il faut reconnaître que nos sols et climats ne sont pas tendres. Les fibres végétales se conservent très mal: lin, ortie, chanvre. On peut (quelquefois) déduire de leur utilisation par les outils destinés à leur travail, si on en trouve.
Quant aux teintures:
- les pièces de fouilles sont oxydées par l'enfouissement => la "couleur" de fouille n'est pas celle que le textile avait à la base. Il faut donc procéder à une analyse chromatographique.
- Certaines teintures sont plus résistantes au passage du temps que d'autres, celles que, plus tard, on classera dans le "petit teint". Ces dernières ne laisseront pas de trace analysable, ce qui peut amener à la conclusion d'un textile "non teint"... en moyenne, effectivement, les textiles de M. et Mme Lambda.
Voilà, en très grossier et rapide, un "portrait" des textiles et leurs couleurs.
Ces "vieilles périodes" étaient nettement plus colorées que ce qu'on pense communément, surtout quand on en avait les moyens!