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Message Publié : 20 Jan 2013 1:03 
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Hérodote
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Bonjour,

Peut-on dire que la chute de Rome est principalement facteur de l'intrusion des peuples barbares, parfois gérées et relativement contrôlées par Rome, d'autrefois violentes, destructrices et répétitives, permettant tout juste à Rome de s'en remettre, avant de le parasiter à nouveau afin de mieux siphonner traités et rançons,...
ou
peut-on dire que la chute de Rome est principalement facteur de l'implosion même des fondements de sa société, basée sur l'esclavagisme, la dépendance alimentaire, n'ayant plus rien à conquérir (donc rien pour renflouer les coffres de l'État par le fait même), une machine militaire réduite à des fonctions de sentinelles à des postes frontaliers,...

Évidemment, vous pourriez me répondre que la réponse se trouve quelque part entre les deux. Mais, n'est-elle pas un peu plus l'une ou l'autre de ces hypothèses?


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Message Publié : 20 Jan 2013 1:24 
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Jean-Pierre Vernant
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La réponse, ou ce qui en tient lieu s’égraine surtout le long d'interminables pages sur ce forum et dans des ouvrages d'historiens, de différentes sensibilités, mettant en avant telle ou telle cause. Le fait est très complexe et met en relation une infinité de facteur.

Pour ce que j'en sais je pense qu'il est attesté que l'Empire n'aurait certainement pas implosé par la seule marche de sa société, n'en déplaise à Nietsche. La preuve en est la survie de la partie orientale, fondée sur le même fonctionnement bureaucratique, militaire et social. Une société peut connaitre des dysfonctionnements, elle finit toujours par se repenser alors qu'elle semble aller dans le mur. L'Histoire romaine est littéralement jalonnée d'exemple, comme la fin de la République ; le système traditionnel semble à bout de souffle, les appétits des hauts personnages épuisent le monde romain en guerres intestines et pourtant une nouvelle société en germera en quelques décennies. De la même façon qui donne cher de la peau de Rome au plus fort des ennuis du IIIe siècle? Pourtant l'Empire se restructure et traverse un IVe siècle, pourtant lourd de menace, sans grandes difficultés avant 378. Je ne suis pas de l'avis des déterministes et de ceux qui voient dans le système impérial un monde fermé et totalitaire, théorie heureusement largement révisées aujourd'hui.

Piganiol, en son temps, voyait dans la fin de l'Empire en Occident un assassinat venu de l'extérieur ; il incriminait donc complètement les barbares. Je ne suis pas non plus de cet avis, à mon sens trop réducteur. En effet l'Empire ne disparaît pas après avoir été soumis par un ennemi voulant sa disparition ; il s'éteint en Occident par un délitement progressif dont 476 n'est finalement que le symbole. L'évènement central me semble être 406, à savoir la migration relativement massive de populations germaniques (en majorité) à travers les provinces occidentales. Dès ce moment il devient à la fois délicat de gérer ces peuples militarisés au sein de l'Empire, dont les troupes sont majoritairement en couverture sur les frontières, de lever des impôts parfois détournés par ces peuples ou plus simplement trop lourd pour des territoires appauvris par la guerre et donc d'entretenir l'armée. Un cercle vicieux ce met en place de façon insidieuse qui amène les empereurs à déléguer de plus en plus leur force militaire à des peuples fédérés, qui bien qu'ils respectent assez souvent leurs traités, n'en demeurent pas moins indépendant et maître de leur destin. A chaque fois qu'ils eurent des prétentions politiques ils firent peser une menace terrible sur l'Empire qui ne pouvait s'en sortir qu'en déchaînant d'autres fédérés contre les premiers. Lorsqu'un Etat devient à ce point dépendant d'entités indépendantes pour sa sécurité il tend à disparaître de fait ; il a remis en quelque sorte l'élément le plus important de ses pouvoirs régaliens.

En Orient, plus riche et bien moins touché par les migrations le système se perpétue. L'armée est moins dépendante de l'extérieur, sa structure se maintient ; l'Etat subsiste.

C'est ainsi en parti que je m'explique la fin de la romanité occidentale courant du Ve siècle.

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Scribant reliqua potiores, aetate doctrinisque florentes. quos id, si libuerit, adgressuros, procudere linguas ad maiores moneo stilos. Amm. XXXI, 16, 9.


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Message Publié : 20 Jan 2013 8:00 
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Je trouve que votre analyse est d'une clarté remarquable. Vous exprimez de façon très synthétique tout ce que vous avez déjà détaillé au fil de nombreux topics. Il y manquait juste cette synthèse résumée. Je n'ai pas qualité à distribuer des médailles, mais je me sens plus instruit pour l'avoir lue : voila une question à laquelle je saurai désormais répondre : comment est mort l'empire romain. Merci pour cette contribution. (En même temps, c'est à ça que sert PH, et le plaisir qu'on y trouve.)

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Message Publié : 20 Jan 2013 10:52 
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Plutarque
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double post :/

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Dernière édition par Wiomade le 20 Jan 2013 10:53, édité 1 fois.

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Message Publié : 20 Jan 2013 10:52 
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Localisation : Samarobriva
Pareil, jolie synthèse qui laisse loin derrière tout un tas de tentatives de réponses possibles B)

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Message Publié : 20 Jan 2013 11:17 
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Salluste
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maurice_richard_9 a écrit :
Bonjour,

Peut-on dire que la chute de Rome est principalement facteur de l'intrusion des peuples barbares, parfois gérées et relativement contrôlées par Rome, d'autrefois violentes, destructrices et répétitives, permettant tout juste à Rome de s'en remettre, avant de le parasiter à nouveau afin de mieux siphonner traités et rançons,...
ou
peut-on dire que la chute de Rome est principalement facteur de l'implosion même des fondements de sa société, basée sur l'esclavagisme, la dépendance alimentaire, n'ayant plus rien à conquérir (donc rien pour renflouer les coffres de l'État par le fait même), une machine militaire réduite à des fonctions de sentinelles à des postes frontaliers,...

Évidemment, vous pourriez me répondre que la réponse se trouve quelque part entre les deux. Mais, n'est-elle pas un peu plus l'une ou l'autre de ces hypothèses?

Je pense qu'entre les deux propositions la première est la plus juste et la plus importante. Rome est victime des agressions et infiltrations incessantes des Germains. Les Romains ont beau faire des excursions et les massacrer, rien n'y fait. A chaque fois un nouveau groupe apparaît aussitôt qualifié de Germains par les Romains. Les Romains ont de quoi désespérer, ils n'y comprennent rien. Au bout d'un moment la force du nombre a raison de tout, y compris de Rome. Les "Germains" (quels qu'ils soient) finissent donc par s'installer, d'abord sur la frontière, puis à l'intérieur des terres. La frontière germanique malgré le limes devient peu à peu une vraie passoire, et plutôt que de continuer à se battre les Romains préfèrent accorder directement le droit de passage à des tribus entières plutôt que de risquer l'affrontement et l'épuisement des forces. Bien sûr Rome essaie de retourner les tribus les unes contre les autres, mais au final c'est toujours Rome qui perd et qui n'arrive qu'à retarder l'inévitable : la pénétration toujours plus accrue de ces tribus au sein de l'empire.
Je ne crois pas vraiment à la vision d'une Rome "décadente", un peu comme on dira des Byzantins, qu'ils étaient devenus de vrais sybarites (des fainéasses :mrgreen: ). Rome a été victime tout au long de son histoire de l'incursion de Goths et autres barbares du nord, il est assez exceptionnel que les Romains aient réussi à s'imposer ne serait-ce qu'à toute l'Italie, alors quand on voit qu'ils se sont étendus à toute la Méditerranée et la Gaule et même la (Grande-)Bretagne... on se doute que ça ne pouvait durer qu'un temps malheureusement.

Je conseille la lecture du livre magistral de Michel Rouche : L'Aquitaine des Wisigoths.

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La poésie peut être plus vrai que l'histoire. Aristote


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Message Publié : 20 Jan 2013 12:11 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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Une société peut connaitre des dysfonctionnements, elle finit toujours par se repenser alors qu'elle semble aller dans le mur. L'Histoire romaine est littéralement jalonnée d'exemple, comme la fin de la République


Oui tout à fait et les romains au V° siècle n'ont pas su se réinventer.

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Le passé fait plus de mal que le présent
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Message Publié : 20 Jan 2013 12:34 
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Plutarque
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Inscription : 08 Mai 2011 18:05
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Localisation : Samarobriva
Jeff de Bruges a écrit :
Au bout d'un moment la force du nombre a raison de tout, y compris de Rome. Les "Germains" (quels qu'ils soient) finissent donc par s'installer, d'abord sur la frontière, puis à l'intérieur des terres. La frontière germanique malgré le limes devient peu à peu une vraie passoire, et plutôt que de continuer à se battre les Romains préfèrent accorder directement le droit de passage à des tribus entières plutôt que de risquer l'affrontement et l'épuisement des forces.


Il faut se méfier des chiffres et des à_priori sur les envahisseurs: tous (les chiffres) ne sont pas vrais et tous (les germains ou autres) ne sont pas des guerriers.
par exemple, on estime que "l'armée romaine" sur la bataille de Soissons était de même nombre que celle des francs de Clovis et ses alliés. On est là après la "chute" de Rome.. (environ 6.000 hommes de chaque côté).
Dans le même sens, on voit que les francs sont estimés a 100.000 "tout compris". pour une "Gaule" sous leur contrôle de plusieurs millions d'habitants.
Quand on voit les estimations des habitants de Rome, on se dit aussi que les vandales qui la saquèrent étaient en infériorité numérique..

Un bon exemple est celui des Burgondes: en sous nombre ( cela est avéré dans divers textes, suites à plusieurs défaites et massacres) , ils ont réussi à gouverner une population bien plus nombreuse, et même attaquer des voisins; et au final, malgré leur disparition ils ont laissé un nom qui est celui d'une région actuelle..

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Message Publié : 20 Jan 2013 12:37 
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Pouzet a écrit :
Citer :
Une société peut connaitre des dysfonctionnements, elle finit toujours par se repenser alors qu'elle semble aller dans le mur. L'Histoire romaine est littéralement jalonnée d'exemple, comme la fin de la République


Oui tout à fait et les romains au V° siècle n'ont pas su se réinventer.

En même temps on imagine bien que cette prolifération de "barbares" ne constituait pas la situation idéale pour lever des impôts dans tout l'empire. Or il y a une chose dont Rome ne pouvait pas se passer, c'est son armée. Au fait, ce problème a dû se poser très tôt, puisque Rome est prise en 406 ?

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Message Publié : 20 Jan 2013 12:39 
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Pouzet a écrit :
Citer :
Une société peut connaitre des dysfonctionnements, elle finit toujours par se repenser alors qu'elle semble aller dans le mur. L'Histoire romaine est littéralement jalonnée d'exemple, comme la fin de la République


Oui tout à fait et les romains au V° siècle n'ont pas su se réinventer.


Si! Ils se sont réinventés ... mais pas en Romains. C'est ce que je retire de l'intervention de Pédro et des découvertes récentes de l'archéologie. Contrairement à l'image qu'on pouvait en avoir, il y a quelques décennies, il y a bien continuités dans les diverses sociétés. Mais, le lien qui les unissait se défait. Quand on étudie un quartier d'une ville au IVème-Vème siècle, on voit des évolutions qui portent sur 10-15 ans, on ne voit pas de révolution. Or, l'image qu'on en avait était celle d'une invasion subite des barbares qui en très peu d'années ont changé la donne. Ce n'est pas le cas. On trouve des évolutions qui portent sur des temps longs. Les "barbares" qui prennent possession des villes gauloises, par exemples, ce sont les peuples fédérés germaniques qui ont été installés là par les romains. Lors des diverses crises entre empereurs, les légions romaines partaient aller faire la guerre civile et chercher à imposer leur empereur, puis elles revenait. Et, à un moment, elles ne sont pas revenues.
Les chefs des peuples fédérés, mais aussi les représentants locaux de la noblesse romaine ont du trouver une solution pour assurer le maintien de l'ordre face aux raids barbares qui continuaient. Dans un premier temps, ils vont se proclamer ducs et demander l'investiture chez l'empereur byzantin. Dans un second temps, ils auront suffisamment de légitimité pour se proclamer rois. Mais là, ils auront tendance a demander au pape de Rome de confirmer leur couronne. La légende noire de cette période naitra de quelques lettrés qui racontent la prise du pouvoir par les élites guerrières germaniques comme une invasion face aux valeurs romaines, alors que ces chefs se placent durant certaines périodes en tant que défenseurs des valeurs romaines.

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Message Publié : 20 Jan 2013 12:55 
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Jean-Pierre Vernant
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Jeff de Bruges a écrit :
Je pense qu'entre les deux propositions la première est la plus juste et la plus importante. Rome est victime des agressions et infiltrations incessantes des Germains. Les Romains ont beau faire des excursions et les massacrer, rien n'y fait. A chaque fois un nouveau groupe apparaît aussitôt qualifié de Germains par les Romains. Les Romains ont de quoi désespérer, ils n'y comprennent rien. Au bout d'un moment la force du nombre a raison de tout, y compris de Rome. Les "Germains" (quels qu'ils soient) finissent donc par s'installer, d'abord sur la frontière, puis à l'intérieur des terres. La frontière germanique malgré le limes devient peu à peu une vraie passoire, et plutôt que de continuer à se battre les Romains préfèrent accorder directement le droit de passage à des tribus entières plutôt que de risquer l'affrontement et l'épuisement des forces. Bien sûr Rome essaie de retourner les tribus les unes contre les autres, mais au final c'est toujours Rome qui perd et qui n'arrive qu'à retarder l'inévitable : la pénétration toujours plus accrue de ces tribus au sein de l'empire.


La présence puis les agressions germaniques et enfin leur migration massive s'inscrit dans une dynamique de mouvements de population bien plus ancienne que les Romains ont appris à gérer. Auguste installa par exemple les Ubiens dans le Nord de la Gaule (avant que cela ne s'appelle les provinces de Germanie). Avant lui César a eu à combattre les Suèves d'Arioviste en Gaule. Tout au long de l'Empire et surtout à partir du IIIe siècle les Romains installèrent des groupes de population vaincues sur leur sol à différents titres et statut. Cela est souligné notamment dans un célèbre panégyrique (je crois que c'est celui pour Maximien). Il n'y a pas de politique unilatérale et seulement violente de Rome à leur égard. L'Empire gère aussi une très complexe politique diplomatique en Germanie et souvent y fait un peu la pluie et le beau temps, à coup d'assassinat fomenté, de graissage de patte... En définitive, et malgré des alertes chaudes, surtout dues à l'inadaptation de leur outil militaire, patent aux IIe et IIIe siècle, les relations romano-germaniques sont placées sous le signe d'un équilibre relatif. Certes les auteurs s'esbaudissent du nombre infini de Germains, mais leur emphase masque une autre réalité ; le voisinage de l'Empire n'est pas une sinécure pour les Germains dont les groupes de populations sont régulièrement saignés par une défaite. C'est la raison pour laquelle on a en général un calme complet de tel ou tel peuple pendant une dizaine d'année à chaque déculotté un peu sévère ; il faut attendre une nouvelle génération, qui partira alors faire ses preuve guerrières contre l'Empire. Mais si tout cela appauvrit les frontières romaines on est plus dans une dynamique de guerre entre meilleurs ennemis ; je ne sais plus qui parlait de ce rapport étroit entre ennemis qui débouche sur une guerre qui s'équilibre, il me semble que c'est à propos de ce qui se tisse entre Arabes et Byzantins avant l'arrivée des Turcs qui bouleverseront la donne. Dans le cas qui nous occupent c'est à la fois l'arrivée des Huns, qui détruisent le noyau gothique et amène à terme à l'ébranlement de populations relativement massive. En effet, la part des Goths qui trouva refuge dans l'Empire en 376 et se révolta, amenant directement à Andrinople en 378 représente, à mon sens la rupture de l'équilibre. Les Romains eurent alors à gérer, en plus de leurs frontières, un groupe fédéré indépendant et mobile sur leur sol. C'est à cause de lui que Stilichon dû dégarnir la frontière rhénane ce qui facilita la tâche à la migration de 406. Or cette histoire, cet évènement pourrait-on dire, marque le premier échec de l'intégration romaine ; sans cette révolte les Goths se seraient sans doute fondu dans la masse des provinciaux comme beaucoup d'autres barbares avant eux. Mais la gestion fut confiée à des incapables et Andrinople arriva.
En somme on ne peut pas dire que les Romains ont été noyé dans un flot incessant et inexorable. Tant que le rapport de force était à une forme d'équilibre l'Empire savait s'y opposer, même si cela était compliqué. Il faut aussi prendre en compte que les proto-royaumes germaniques auraient sans doute poursuivi leur construction, devenant moins agressifs que des sociétés tribales et plus facile à gérer. Le grain de sable dans la machine et la cause de l'ébranlement des populations est l'arrivée des Huns qui modifia à terme les données du problème.Cela pris un siècle tout de même, preuve que l'édifice n'était pas complètement pourri et dénué de force, et je le répète, la partie orientale subsista en dépit de toutes les calamités qui s'abattirent dessus.

Citer :
Oui tout à fait et les romains au V° siècle n'ont pas su se réinventer.


Je n'aurais pas aimé avoir les cartes en main pour le faire. Le jeu est d'une complexité incroyable. Il y a un autre fait que je n'ai pas évoqué ; la désaffection quasi totale des empereurs pour la chose militaire, alors qu'il était de notoriété publique durant tout le IVe siècle que l'empereur devait être un militaire et diriger en personne les troupes. Même Julien dû s'y mettre alors que sa formation le destinait plutôt aux bibliothèque. Ce revirement, qui prend racine dans la succession de Théodose, qui plaça ses fils entre les mains de Stlichon, est tout à fait original et lourd d'une querelle qui empoisonna le Ve siècle, à savoir les querelles entre empereurs et généraux (et généraux entre-eux) qui empêcha l'Empire d'avoir une politique cohérente face aux menace. On peut aussi rajouter que dès que Majorien monte sur le trône et qu'il part en campagne on retrouve une dynamique très positive, détruite après son échec dans sa tentative de lutte contre les Vandales (ils brûlent sa flotte avant qu'il ait pu partir en expédition), puisqu'il est assassiné sans doute par Ricimer...

Oulà, pas mal de messages se sont glissés pendant que je rédigeais le mien... Je reprends celui de Narduccio qui fait un peu antothèse par rapport à ce que j'ai indiqué et qui le complète (j'ai raisonné dans la perspective romano-centré de maintient de l'Empire mais ce que vous avancez est très juste) :

Citer :
Si! Ils se sont réinventés ... mais pas en Romains. C'est ce que je retire de l'intervention de Pédro et des découvertes récentes de l'archéologie. Contrairement à l'image qu'on pouvait en avoir, il y a quelques décennies, il y a bien continuités dans les diverses sociétés. Mais, le lien qui les unissait se défait. Quand on étudie un quartier d'une ville au IVème-Vème siècle, on voit des évolutions qui portent sur 10-15 ans, on ne voit pas de révolution. Or, l'image qu'on en avait était celle d'une invasion subite des barbares qui en très peu d'années ont changé la donne. Ce n'est pas le cas. On trouve des évolutions qui portent sur des temps longs. Les "barbares" qui prennent possession des villes gauloises, par exemples, ce sont les peuples fédérés germaniques qui ont été installés là par les romains. Lors des diverses crises entre empereurs, les légions romaines partaient aller faire la guerre civile et chercher à imposer leur empereur, puis elles revenait. Et, à un moment, elles ne sont pas revenues.
Les chefs des peuples fédérés, mais aussi les représentants locaux de la noblesse romaine ont du trouver une solution pour assurer le maintien de l'ordre face aux raids barbares qui continuaient. Dans un premier temps, ils vont se proclamer ducs et demander l'investiture chez l'empereur byzantin. Dans un second temps, ils auront suffisamment de légitimité pour se proclamer rois. Mais là, ils auront tendance a demander au pape de Rome de confirmer leur couronne. La légende noire de cette période naitra de quelques lettrés qui racontent la prise du pouvoir par les élites guerrières germaniques comme une invasion face aux valeurs romaines, alors que ces chefs se placent durant certaines périodes en tant que défenseurs des valeurs romaines.


Je rajouterais simplement que la césure tant dans l'Empire byzantin que dans les royaumes germaniques ne se fait pas dès la fin du Ve siècle par rapport à l'Antiquité romaine, mais plutôt autour du début du VIIe siècle qui marque une recomposition assez profonde des sociétés et des entités politique. C'est aujourd'hui le moment le plus couramment admis pour clore l'Antiquité tardive.

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Message Publié : 20 Jan 2013 13:54 
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Je désirerais compléter. J'ai parlé des découvertes archéologiques, mais les tests ADN ont eu aussi une certaine importance.

Les archéologues avaient du mal a faire al différence entre les tombes des guerriers germains se battant pour les romains, des tombes des guerriers barbares après la chute de l'Empire romain. Les différences tenaient à peu de chose et souvent on se servait de la datation pour décider si on avait affaire à un guerrier combattant pour les romains ou a un "envahisseur". Quand les tests ADN sont devenus abordables, certains ont décidé de tester les restes pour se faire une idée. Dans leur esprit, les envahisseurs ne devaient pas avoir les mêmes marqueurs puisqu'ils ne devaient pas être des mêmes peuples.

Et là, surprise : les guerriers germaniques combattants pour les romains et les envahisseurs barbares se sont révélés cousins, voire des mêmes lignées. Ce qui a changé les manières de voir les évènements. On se retrouve avec quelques raids barbares connus, documentés. Raids de quelques milliers à quelques dizaines de milliers de chevaliers. Raids qui sont retournés en Germanie avec leurs butins. Pour le reste, on a des germains déjà installés et qui vont prendre le pouvoir militaire ... parce qu'il n'y a plus personne pour l'assurer. Dans certains cas, ces germains n'arrivant pas à remplir leur tâche, vont appeler à l'aide des parents qui étaient restés de l'autre coté du limes et qui vont venir leur prêter main forte. On est rarement au niveau de peuples entiers qui migrent. D'après les analyses ADN, il semblerait que ces groupes faisaient quelques centaines à quelques milliers de personnes et ils vont assez vite se fondre dans la population.

Sauf les élites. Là, on a plusieurs cas de figures. Dans certains cas, les élites gallo-romaines et les élites germaines vont s'unir pour donner la future noblesse mérovingienne. Dans d'autres, ce sont les germains qui tendent à s'imposer seuls, les gallo-romains rentrant dans le rangs ou se réfugiant vers Byzance.

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Message Publié : 20 Jan 2013 14:24 
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Jean-Pierre Vernant
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Pourriez-vous Narduccio nous donner quelques références de ces études qui m'intéressent fortement? ;)

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Message Publié : 20 Jan 2013 15:35 
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Pédro a écrit :
Pourriez-vous Narduccio nous donner quelques références de ces études qui m'intéressent fortement? ;)


Une bonne partie viens du livre de l'Inrap sur les fouilles archéologiques en Alsace. Une autre partie vient d'un article paru il y a 2 ou 3 ans dans le journal L'Alsace au sujet du séquencement de l'ADN aussi bien dans des tombes trouvées en Franche-Comté qu'en Alsace, comparées avec des ADN similaires provenant ... de je ne me souviens plus où. Dans l'article, de mémoire, ils notaient que ce qui était frappant était les liens de parentés entre les ADN qui démontraient qu'en fait, les germains installés ici avaient fait venir leurs cousins d'au-delà du limes. Tout cela doit se retrouver dans des publications scientifiques, mais je ne me souviens plus des noms des archéologues. :oops: J'ai donc pas su retrouver des liens vers des publications scientifiques.

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Message Publié : 20 Jan 2013 15:53 
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Jean-Pierre Vernant
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D'accord, je vais regarder dans ce sens et sans doute contacter un prof qui a travaillé sur une thématique voisine. A l'époque où je faisais mon master j'avais touché du bout du doigt cette question où je m'étais rapidement rendu compte que les méthodes d'analyse traditionnelle étaient inopérantes pour avoir une idée du fond réel de population et l'apport extérieur éventuel. Je n'avais pas creusé plus avant la question, mais maintenant que les études ADN se multiplient on va pouvoir mieux distinguer ce qui s'est vraiment passé d'un point de vue humain.

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