Entièrement d'accord : les chiffres sont surévalués pour la bonne et simple raison que 1) une armée ne fait pas que combattre pendant six ou dix heures après être surgie ex nihilo ; elle se déplace, consomme un ravitaillement considérable, a des besoins spécifiques en intendance, subit un risque épidémique d'autant plus fort que l'armée est nombreuse, est soumise à un taux de désertion ou d'usure par la fatigue, etc ; 2) les chiffres d'époque sont des approximations évidentes, puisqu'aucune montre ne permet d'en vérifier la validité, et qu'il est plus probable qu'un chroniqueur augmentera les chiffres à des fins hagiographiques ou par pur procédé littéraire que l'inverse ; 3) surtout, à l'époque, la discipline n'est pas encore (ou plus, c'est selon) la force principale des armées : il faut le reconnaître, une armée, surtout à une époque où l'on mène une guerre des raids et de razzias, c'est un joyeux foutoir, avec une hiérarchie des plus simplifiées, l'absence de prévôté, des lacunes criantes dans le domaine de la tactique supérieure (ordre de bataille) ; ce qui complique le décompte tout en atténuant le problème, puisque les besoins humains d'une telle armée sont réduits (on ne va pas se ruiner à mettre sur pied une armée censée rapporter des bénéfices !).
Une armée qui n'est pas adossée aux ressources d'un Etat centralisé, disposant de moyens de ravitaillement permanents (par le biais d'un système de convoyage de la ressource et d'entrepôts ou de greniers administrés en ce sens), de capacités de renouvellement des effectifs, bref d'un échelon de planification stratégique (et des ressources afférentes bien entendu, qu'il faut mobiliser pour ces occasions belliqueuses), est incapable de dépasser une masse critique que j'évalue très arbitrairement à 20 ou 30 000 hommes (dont un tiers de cavaliers) à la louche - mais c'est une évaluation haute.
Il faudra attendre, après que les empires antiques qui correspondaient à cette définition aient disparu (et à la notable exception des peuples des steppes qui rayonnent sur une distance plus grande et peuvent subsister sur une aire plus étendue), le XVIIe siècle pour qu'on puisse dépasser ce chiffre pour une armée en campagne (bien sûr, avant, on arrive à en mettre plusieurs en ligne sur des théâtres d'opérations séparés d'au moins quelques dizaines de kilomètres, puisque les ressources sont ainsi siphonnées séparément), et cela correspond justement à l'apparition de magasins spécifiquement dédiés au soutien des armées. Et d'un échelon de planification stratégique ayant la main sur la constitution de stocks autorisant de mettre sur pied des armées plus nombreuses sur un temps plus long.
Ne pas oublier, également, que la coercition qu'implique la mise sur pied d'armées de levée, constituées sur le principe milicien, interdit une mobilisation complète des ressources démographiques, limite grandement l'endurance de l'armée dans la durée (désertion, démoralisation, fatigue et maladies). Ces ressources démographiques, enfin, sont réduites à cette époque par rapport aux siècles suivants - et que ce serait bien le diable qu'on ait pu mobiliser dans un contexte plus contraint, au VIIIe siècle, plus d'hommes qu'avec un système plus centralisé et rationalisé, cinq siècles plus tard.
My two cents...
CNE503
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