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Message Publié : 29 Juil 2018 8:07 
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Marc Bloch
Marc Bloch

Inscription : 10 Fév 2014 7:38
Message(s) : 4383
Localisation : Versailles
Pour revenir à Byzance j ai trouvé plusieurs exemples de succession sans adoption ni hérédité semble t il.

Justinien, neveu de Justin : on peut voir la une succession dynastique.

Mais Justin n'avait pas de lien de parenté avec Anastase semble t il ni Anastase avec Zenon . Il y aurait alors eu élection par le sénat ?

En revanche Zenon était le gendre de Léon. Comment appeler une succession du beau père à gendre ? Est ce un choix arbitraire du prédécesseur ou une forme atténuée d'heredite ?

Pour revenir à notre sujet, je pense que cela tend à montrer que la stricte hérédité n'etait pas un effet inévitable du christianisme. La tradition romaine conservée au moins à Byzance n'excluait pas une certaine souplesse dans les successions !


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Message Publié : 21 Août 2018 13:27 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

Inscription : 13 Avr 2006 23:08
Message(s) : 433
Localisation : Haute-Vienne
Sujet très intéressant sur lequel il y aurait beaucoup à dire. Je crains malheureusement de manquer de temps. Il me semble sinon en effet utile de réfléchir sur le temps long pour ce genre de question.

Quelques réflexions en vrac à la lecture du sujet:

- Il faut une légitimité au pouvoir, une raison pour laquelle un individu ou groupe d'individu dispose du pouvoir sur les autres, ça ne va pas de soit au-delà du cadre familial (et beaucoup de formes d'organisation sociale et politiques "archaïques" sont basées sur l'organisation familiale). Le Christianisme, et son idéal d'universalité et d'unicité, a donné un élan énorme à des monarchies plus fortes et moins dépendantes des autres strates de la société pour conserver le pouvoir. Les modèles de monarchies antiques se basaient également sur un rapport au divin (le pharaon est une sorte de divinité, le grand roi est une émanation d'Ahura Mazda....etc. Une monarchie forte et durable ne peut s'imposer sans un fondement religieux).

- On note que les premières monarchies fortes, durables et dominant un vaste territoire sont apparus parmi des cultures dont le contexte géographique et/ou économique les ont amené à se regrouper de façon importante très tôt avec une urbanisation qui a nécessité très tôt également l'apparition de structures sociales et politiques plus précises, d'une administration, d'une fiscalité, bref, d'une idée de la chose publique sur laquelle la monarchie pouvait s'appuyer pour donner un cadre légal au pouvoir en plus de ses fondements religieux. Les monarchies hellénistiques, puis le principat romain sont les lointains descendants de ces modèles qui auront, par aura culturelle et économique, influencé peu à peu le reste de l'Europe durant l'antiquité.

- A contrario, les populations moins nombreuses, à l'organisation plus lâche et moins centralisée, comme les Germains ou les Celtes, qui ont moins eu besoin de se regrouper en communautés importantes, n'ont pas eu ce cadre légal public pour instaurer de réelles institutions, ce qui n'est pas un jugement de valeur, juste le constat que leurs besoins en terme d'organisation sociale et politique n'étaient pas les mêmes. Ici, le pouvoir du "roi" et des "nobles" n'a pas de cadre légal précis. Il découle de la nécessité pour ces peuples, souvent basée essentiellement sur un système de parentèles et de clientélisme entre elles, de se choisir un "leader". C'est à dire quelqu'un de suffisamment respecté, influent, charismatique et auquel on attribue un certain nombre de qualités, qui pourra trancher les conflit, commander les autres guerriers à la guerre.

Mais s'il manque à ces qualités, il peut être destitué, ou perdre son pouvoir et son influence de facto. a partir de là, un "roi" dans ces culture, c'est juste un homme libre qui a réussi à s'attirer assez d'influence, de clients, de richesses, pour servir de référent, mais son statut n'est "juridiquement" pas différent d'un simple homme libre. Dans ce cas, son "élection" éventuelle par l'assemblée des hommes libres (loin d'être systématique) est d'avantage une constatation d'un état de fait, une consécration, qu'une réelle désignation. Je parle surtout ici des anciens scandinaves, exemple que j'ai un peu étudié, et du clientélisme aristocratique gaulois. Dans ce cadre, qui prend souvent la forme d'une culture guerrière à l'idéal héroïque, les "nobles" sont simplement ceux qui incarnent le mieux cet idéal.

Cependant, la dimension religieuse de la royauté dans ces cultures est bien présente, et le roi est également le garant de l'harmonie entre les hommes et le divin. Il est ainsi un redistributeur de richesses, et son pouvoir tient effectivement à ses largesses. Plus il est généreux, plus il incarne la fertilité et l'ordre divin (et plus il s'attire de clients et de suivants qui augmentent ainsi son pouvoir). Il en est même parfois l'incarnation, et des calamités peuvent amener à son sacrifice pour ramener l'ordre (c'est le cas en Irlande archaïque).

On retrouve bien évidemment des traits communs entre ces deux modèles de royautés dont la distinction que je fais est assez artificielle.

Cependant, j'ai l'impression qu'on assiste à la fin de l’antiquité et au début du Moyen Age à une sorte de syncrétisme entre ces deux modèle, qui aboutira aux monarchies européennes médiévales puis modernes:

- d'un côté on a l'influence romaine, qui bénéficie de la force du Christianisme et de l'aura de Rome et de son empire,

- et de l'autre tous ces rois "barbares" qui comprennent vite tout l'intérêt qu'il y a pour eux à adopter le précédent plutôt qu'à rester dans leur propre modèle... D'ailleurs, les limites territoriales et la centralisation de ces territoires s'effectuent de concert avec la Christianisation. C'est particulièrement flagrant en Scandinavie.

Citer :
Pour rassembler un grand nombre de tribus, le fait d'être un noble est essentiel mais loin d'être suffisant: il s'agit d'être aussi un grand chef de guerre, doublé d'un fin diplomate. Arminius, par exemple, a déjoué de nombreuses embûches pour enfin réunir Chatti, Chérusques, Suèves...


Je pense que ce genre de chef suprême n'allait vraiment pas de soit. A l'instar de Vercingétorix, Arminius n'a pu existé que parce que le contexte le justifiait. On acceptait la houlette d'un chef puissant parce que les circonstances l'exigeaient. Vercingétorix a régné par la force et diverses moyens de coercitions. Arminius a fini assassiné.

La seule cellule sociale dont l'autorité n'est pas remise en question dans ces sociétés, c'est la parentèle. La seule institution, c'est l'assemblée des hommes libres représentant ces parentèles (et où la décision est emportée par les clientèles les plus vastes et où les personnages les plus riches et influents ont donc l'ascendant... jusqu'à un certain point, quand les autres parentèles sentent leur autonomie menacée).

Citer :
On peut noter ici qu'Arminius, le premier chef d'une ligue germanique de cette envergure, fut otage durant son enfance chez les Romains


Comme Vercingétorix.

Sinon, pour donner un autre exemple, la plupart des premiers rois scandinaves se sont réfugiés (parce que leur pouvoir était contesté chez eux) à la cour de rois anglo saxons ou des empereurs carolingiens, d'où ils ont ramené le modèle royal chrétien et "romain".

Citer :
l'élection et l'hérédité ne seraient pas selon moi absolument contradictoires. À souvent existé , en particulier dans le monde germanique, l'idée que le souverain pouvait certes être élu mais devait être choisi dans une seule famille.


Et le contraire est vrai aussi: être le "fils de" donne un droit à régner, mais qui doit obligatoirement être entériné par l'assemblée ou le conseil. Les empereurs romains eux-mêmes devaient être acclamés par la troupe, quand bien même ils avaient été choisis par leur prédécesseur.

Citer :
D'un côté, le "roi thaumaturge" issu du troisième ordre de la triade indo-européenne, "ceux qui prient", qui donnera le clergé dans d'autres civilisations. Le roi a ici pour fonction d'être l'intermédiaire avec l'au-delà, et de garantir la communauté dans le respect des lois, qui elles-mêmes proviennent des dieux. Cette royauté magique peut être l'apanage d'un clan particulier, qui a la faveur des dieux.
De l'autre, le "seigneur des anneaux" ;) , qui conduit les opérations militaires, apporte le butin et le redistribue à ces hommes sous forme de bijoux en or en forme d'anneaux - qui ornent le pommeau de l'épée et non les doigts ! Ce dernier est en général élu par ces pairs, puisqu'il faut qu'il soit dans la force de l'âge pour mener l'expédition et montrer sa force.

Suivant les circonstances politiques, les peuples germaniques oscillent entre les deux conceptions.


Il me semble que ces deux aspects de la monarchie germanique (et scandinave... et celtique...et... indo européenne en fait!) ne sont pas contradictoire. Ces cultures guerrières ont un idéal héroïque fort. le "roi thaumaturge" est un personnage favorisé par les dieux. Le rois "seigneur des anneaux" est un aussi parce qu'il est conforme à l'idéal héroique que l'on attend.

D'ailleurs, la prodigalité du roi participe de son aspect sacré et de protecteur de l'ordre divin. La générosité est liée à la fertilité, principal effet positif que l'on attend d'un mode de vie en harmonie avec les lois divines et humaines dont le roi est le ciment. D'où l'intérêt du butin pour ces chefs, qui est une source intarissable et importante de richesses à redistribuer et qui garantira son statut de "roi thaumaturge" mais nécessite qu'il soit aussi un "seigneur des anneaux".


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Message Publié : 21 Août 2018 21:02 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

Inscription : 05 Sep 2010 13:22
Message(s) : 490
Localisation : Belsa
Il serait peut être profitable d'élargir le sujet aux autres royautés post-romaines, comme les royautés bretonnes ou berbères pour lesquelles les données littéraires et épigraphiques sont nombreuses !


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