Bonjour à tous.
Quant au mariage, il y a un avant et un après la réforme grégorienne du XIIème siècle qui en fait un sacrement religieux, et lui confère donc une importance capitale ainsi qu'au prêtre, non concerné auparavant. Il suffit de voir contre quoi l'église a lutté pour savoir ce qui se passait.
Pendant le Haut Moyen-Age, le mariage est le moment où le père vend la tutelle de sa fille au futur époux qui doit payer pour l'obtenir (pas de dot dans l'autre sens à ce moment-là!). Les fiancailles, promesse de vente, sont le moment de l'alliance entre clans et donc le moment essentiel. On ne demande évidemment pas son consentement à l'épouse. Le mariage est une question d'intérêt.
Parmi les divers arguments possibles pour une dispense de consanguinité, dans la réforme grégorienne, on peut lire: quand la fille n'a trouvé personne pour se marier selon sa condition, qu'un parent; quand la fille n'a aucun bien, ou quasiment et qu'un parent veut bien lui donner un mariage avantageux; quand une veuve chargée d'enfants veut épouser un parent qui connaît bien le commerce difficile de son défunt mari; lorsque le mariage arrange de grandes inimitiés ou procès entre les familles... C'est donc bien une question d'intérêt.
On peut lire aussi: quand la fille a 24 ans ou plus, et qu'elle n'a trouvé personne pour se marier sauf son parent (ce qui donne une idée de l'âge à partir duquel on est une "vieille fille"). On mariait facilement les filles très tôt, quand l'intérêt l'exigeait. La majorité nubile et matrimoniale n'a été fixé à 12 ans pour les filles et 14 ans pour les garçons par le droit canonique qu'au XIIème siècle.
L'âge de la majorité nubile et matrimoniale selon le droit canonique n'est pas l'âge civil cependant. Jusqu'à 25 ans on est encore mineur pour un homme (une femme l'est de toute façon) et le mariage suppose le consentement du père (ou s'il est mort du père de la mère, et non de la mère). Alors le mariage d'amour à 16 ans... Pour pouvoir se marier sans le consentement des parents, et sans risque d'exhéréditation, les époux doivent avoir requis le consentement du père publiquement (donc pas de mariage en cachette) et avoir plus de 30 ans pour l'homme et 25 ans pour la femme; alors le mariage d'amour à 16 ans...
Concevoir la position de l'Eglise imposant le concentement mutuel comme favorable aux mariages d'amour est une vue... disons fort romantique... des choses. Ce à quoi l'Eglise tient, c'est à faire du mariage un lien indissoluble. Parmi les empêchements au mariage après la réforme grégorienne, on peut citer le rapt et la séduction; le consentement étant nécessaire pour établir la légitimité du mariage, l'épouse doit consentir sans être sous l'emprise de son ravisseur et la séduction considérée comme une forme de rapt qui empêche tout consentement d'être valide. Alors pour le mariage d'amour à 16 ans...
Il existait d'ailleurs des mariages pour une durée limitée, à l'essai pour un an par exemple, dans le droit germanique; les mariages peuvent être facilement rompus; stérilité, adultère, non-exécution des clauses matérielles du traité de mariage, puisque c'est un traité entre clans, consanguinité, permettent de dissoudre un mariage selon les intérêts du mari. Le divorce est fréquent. La polygamie n'est pas rare (question de moyens). C'est contre cela que l'Eglise lutte.
Si au VIIIe siècle, l'interdiction du mariage entre consanguins s'étendait jusqu'au septième degré, l'Eglise est allée, au concile de Latran de 1215, malgré son horreur de la consanguinité à cause des replis communautaires sur un clan, jusqu'à ramener l'interdiction du mariage entre consanguins au quatrième degré, pour éviter les trop nombreuses répudiations faites par les nobles sous ce prétexte.
Les mariages se font toujours, contrairement aux concubinages, à l'intérieur d'une classe sociale avec des personnes de même condition. Les questions de biens priment et les contrats de mariage sont fréquents. Ce ne sont pas davantage des mariages d'amour dans le tiers état: il suffit qu'on possède quelque chose pour que les questions d'intérêt priment sur le reste. Quant aux pauvres, ils ne se mariaient qu'assez tard faute de pouvoir entretenir les enfants, privilégiaient un concubinage, avortaient et abandonnaient souvent leurs enfants quand ils ne mouraient pas d'eux-mêmes.
Le concubinage est fréquent y compris chez les prêtres d'ailleurs (l'église ne luttera contre le concubinage qu'au moment de la Contre-Réforme) et les bâtards assez bien admis socialement, élevés par le père. C'est dans ces unions-là surtout qu'on peut voir de l'amour au Haut Moyen-Age.
Cordialement.
Thierry BOUCHEZ
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