Comme il a été dit plus haut : oui, la sainteté ne peut être reconnue et proclamée par l'Église qu'après la mort de la personne. D'ailleurs, plutôt que de parler de mort ou de décès, l'Église emploie la jolie expression de
naissance au Ciel (c'est pourquoi, sauf rares exceptions, la date de la fête d'un saint est fixée à l'anniversaire de sa mort).
I - comment l'Église reconnaît-elle les saints (lorsqu'ils sont morts) ?Pendant des siècles, la
canonisation (ou proclamation de la sainteté) d'une personnage était faite par la
vox populi, c'est à dire du simple fait de l'existence d'une dévotion populaire (spontanée ou organisée), bientôt suivie d'une mise en forme liturgique précise par les autorités religieuses (hymnes, cantiques, monitions, et choix des textes votifs). A la fin du XVIe siècle, le pape Sixte Quint met en place une procédure encadrée de bout en bout par l'autorité ecclésiastique, procédure toujours en vigueur aujourd'hui.
Je vous renvoie à l'article
Canonisation de Wikipedia :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Canonisation. Il est plutôt bien fait dans sa partie historique, un peu plus confus dans sa partie canonique (du droit de l'Église).
Retenez seulement que la procédure comporte quatre étapes :1/ l'introduction de la cause à la demande des fidèles auprès de l'évêque du lieu du décès, suivi de la désignation par l'évêque en question d'un postulateur de la cause, chargé de rédiger une requête,après validation par Rome, la personne est alors déclarée vénérable,
2/ le procès de béatification, toujours sous l'autorité de l'évêque du lieu de décès ; le postulateur va alors mener une enquête canonique et recueillir biographies, informations et témoignages, recueillir également le constat d'un miracle au moins ; à l'issue de cette phase, le dossier est transmis à Rome, à la Congrégation pour le culte des saints ; après validation par Rome, la personne est proclamée bienheureuse par l'évêque,
3/ le procès de canonisation, mené à Rome, qui tranchera sur la sainteté ... ou sur l'abandon du procès ; le procès est alors repris intégralement de manière contradictoire par un comité où s'opposent le postulateur de la cause et le promoteur de justice (celui qu'on appelait autrefois l'avocat du diable) ;
un deuxième miracle doit être constaté ; à l'issue de ce procès est rédigée la Positio qui est soumise au pape pour proclamation,
4/ le rite de canonisation, public et solennel, présidé par le pape lui-même, à l'issue duquel la personne est (enfin) proclamée sainte.
La procédure peut évidemment durer des années, voire des décennies. Certaines, abandonnés puis reprises, ont duré des siècles. Certaines n'aboutiront sans doute jamais. A notez que la procédure en question a parfois conduit à reconsidérer le culte de certains saints jugés par trop fantaisistes (citons saint Expédit ou sainte Philomène), et mené à leur décanonisation (si, si, je vous jure : le mot existe !).
Ajoutons que bon nombre des enquêtes actuelles sont considérées comme des modèles de rigueur scientifique et historique.II - et les vivants alors ?Il arrive qu'on parle de
saints pour des personnes vivantes. Aux temps anciens, le cas n'est pas rare mais il est loin d'être systématique. Un cas bien connu est celui de saint Martin, et, à l'époque mérovingienne, d'un certain nombre d'évêques
défenseurs de la cité (pensez à saint Denis), et de quelques autres personnages-clés de leur époque (sainte Geneviève, qu'on peut également ranger parmi les
defensor civitatis, ...). La règle générale est néanmoins que la
vox populi s'exerce au moment du décès : "le saint est mort !", ou plus tard au vu des miracles opérés sur son tombeau.
Enfin, parmi les vivants, il faut faire une place à part à ceux qui opèrent, ou qui opéraient, des miracles. On parle alors de thaumaturges, un phénomène qui n'est pas propre au christianisme, et qui n'est qu'un critère parmi d'autres de la sainteté (et pas le plus important, loin de là).Depuis la Renaissance et la prise en main du processus de canonisation par les autorités ecclésiastiques, si vous avez lu ce qui précède, vous comprendrez qu'il s'agit d'un abus en termes canoniques, c'est à dire selon le Droit de l'Église. Néanmoins, l'histoire récente nous en a donné des exemples avec Mère Teresa de Calcutta ou avec l'Abbé Pierre, considérés par certains catholiques comme saints de leur vivant, en raison du
rayonnement de leurs vertus, considérées comme la manifestation de leur foi et de leur
fidélité à l'Évangile (j'emploie les termes consacrés sans les discuter, ce qui n'aurait pas sa place ici). On n'est pas très loin de ce qu'on appelait autrefois la
vox populi (cf. plus haut).
Cette reconnaissance populaire n'engage pourtant pas Rome et le pape ! Pour preuve, en reprenant mes deux exemples précédents, il a fallu 19 ans pour que l'Église reconnaisse Mère Teresa comme sainte. Quant à l'Abbé Pierre, son procès de béatification n'est apparemment même pas envisagé.
J'ai bien vu que votre question portait sur le Moyen-Âge, mais j'espère que ma mise en perspective avec les périodes modernes et contemporaines pourra vous être utile.
Jean-Mic