Bonjour à tous,
Il m'est souvent arrivé de reprendre tel ou tel de mes élèves qui pensait que, au Moyen Âge, la Terre était considérée comme plate. J'ai donc été intéressé par ce fil mais j'avoue en être surtout sorti perplexe !
Or, ce matin, en feuilletant
Monstres, démons et merveilles à la fin du Moyen Âge de Claude-Claire KAPPLER (Payot), je suis tombé sur un passage fort instructif qui tend à montrer que la rotondité de la Terre n'était pas forcément admise par tous (cf. le 1er chapitre intitulé : « Cosmographie et Imaginaire"). Selon l'auteur, il faut se garder de l'idée selon laquelle la vision que l'on a eue de la Terre se serait progressivement éloignée de la Terre plate pour s'approcher - au fil des siècles et par étapes successives - de la réalité :
Citer :
Ces figures n'ont pas été « successivement » représentées ; elles ont pour la plupart coexisté plusieurs siècles durant [c'est moi qui souligne]. Elles n'ont pas toutes connu un égal succès... mais ce serait trahir l'esprit de la cosmographie médiévale que de supposer qu'on a pris la peine, à quelque moment que ce soit, d'en mettre l'une ou l'autre de côté sous prétexte qu'elles étaient par trop fantaisistes ou qu'il y avait mieux. Les siècles s'écoulent, mais nul ne se sent obligé de suivre le progrès du Temps : ainsi, au XIIIe siècle, Robert de Saint-Marien d'Auxerre et Gervais de Tilbury donnent au monde la forme d'un carré comme le faisait Raban Maur au IXe siècle - c'est-à-dire quatre siècles auparavant ! [p. 23]
Même un Colomb qui, pourtant s'était persuadé de la sphéricité de la Terre, semble avoir éprouvé quelque mal à prendre ses distances vis-à-vis d'une conception quadrangulaire : «
Aux quatre côtés, notre terre habitable est bornée par une terre inconnue ». Conception qui n'est pas sans rappeler celle qu'évoque Le_Slynx au sujet d'une "zone torride" réputée infranchissable pour certains (Kappler fait également référence à ce point dans ce même chapitre).
Finalement, on retrouve l'idée selon laquelle le progrès scientifique n'est pas toujours - et encore moins forcément - linéaire. Sur une période donnée, plusieurs conceptions coexistent, voire s'affrontent. Au XIXe s., il me semble que certains scientifiques chrétiens ont tenté de concilier leur foi dans les Ecritures et leur foi en la science en se livrant à un grand écart. D'ailleurs, de nos jours, les progrès scientifiques des derniers siècles n'empêchent pas, après tout, que certains continuent à pratiquer une lecture littérale de la Bible...
PJ