Pour paraphraser une comparaison osée ailleurs sur ce sujet, je dirais de Maalouf qu'au vu de ses autres écrits, de la date de son livre, et de la reprise carbone faite par le nouvel obs, qu'il donne la vision 'SOS racisme' (revancharde ?) des croisades.
Tout d'abord un préambule sur la prise de Jérusalem, histoire de bien faire comprendre au lecteur à qui on a affaire, où sont les bons et les méchants, et coté méchant, le croisé ce n'est pas de la gnognotte, un boucher psychopate mais en plus méchant, d'ailleurs les chroniqueurs chrétiens de l'époque eux même le disent.
Ils disent aussi pourquoi, et le passif des musulmans, Turcs , Arabes et autres, mais ce n'est pas un point de vue Arabe donc Maalouf n'en parle pas.
Ensuite ce brave Arslan, sultan Turc de son état (tiens, il n'est pas Arabe celui là ?) qui les voyant arriver se demande bien naïvement ce qu'autant de combattants peuvent bien venir faire par ici : "Bien entendu, il n'a aucune idée des buts réels poursuivis par ses gens".
Bien loin de parler des menaces que les Turcs font peser sur Byzance, il y a eu Manzikert, les prises de Nicée et d'Antioche, et au début du siècle, le Saint-Sépulcre rasé, rien que ça. Les pèlerins sont aussi régulièrement rançonnés et massacrés; et la vie du chrétien de base à Jerusalem, c'est pas Byzance. Il y a donc un lourd passif derrière cette venue, mais pour Maalouf : oualou.
Et ce motto seriné tout au long de l'ouvrage : les Arabes sont à l'époque la civilisation la plus avancée de la planète. La preuve : le papier (Chinois), l'arithmétique (Indienne, Indoue, je ne sais jamais comment être clair) et la médecine (Byzantine). Quid de ces civilisations ?
Foin du codex (le livre), le format d'édition de l'occident hérité des romains, introduisant l'indexation (la page) qui supplante le volume (rouleau). Une véritable révolution en regard du papier, cette version économique du parchemin, plus renommée pour heurter la plume plutôt que l'inciter à la caresse comme la noble peau.
Foin de la pierre ciselé, certes difficile à maître en oeuvre, mais bien plus durable que le stuc, sa version bon marché qui emplit les palais mahométans, et donne cet aspect décrépit des siècles après, magnifiant l'oeuvre des compagnons tailleurs. Pardonnez, je m'égare...
Et pour Maalouf, les croisés ? ben rien, à part le génie militaire, (quoique Maalouf évite soigneusement de parler de génie, des fois que le lecteur imagine autre chose que des machines de siège) et la ruse fourbe (que d'aucuns qualifieront hardiement d'habileté politique).
Description de Richard Coeur de Lion par Amine Maalouf qui l'a très bien connu : "c'est le prototype du chevalier belliqueux et frivole dont la noblesse des idéaux cache mal la brutalité déroutante et son absence de scrupules". Il ne manque plus que la caricature idoine, balafre, regard fourbe et rictus sardonique, et cela nous passe définitivement l'envie de l'avoir comme ami.
Le ponpon c'est quand même Maara et le cannibalisme. Ce que le politiquement correct nous empêche d'envisager chez les braves Mélanésiens, peu suspetcs de famine mais développant étrangement des encéphalopathies spongiformes, voila que nous (je parle aux gens des trois premiers rangs), enfin nos ancestres ont dévoré leur prochain !
Soit disant par famine ! j'ai l'impression de voir la filigrane de Maalouf me faire un clin d'oeil sur la page alors qu'il livre le grossier prétexte évoqué pour apaiser leur Pape. Et comble de l'horreur d'après l'auteur, ils mangent même les chiens ! Mystère des civilisations, ce dernier exploit aurait fait passer nos soudars pour des gourmets en Extrème-Orient. J'espère qu'ils auront au moins sacrifié au Hamdullah rituel de ces contrées...
Plus sérieusement, la famine est omniprésente au cours du périple des occidentaux. La prise du futur Krak l'illustre à merveille : les habitants lachent les bêtes et s'enfuient, et là miracle, laissant le goutû cuissot de Sarrazin, il choissient celui plus familier du bétail.
Et Maalouf et ses analyses euh...discutables. "Le sac de Jérusalem, point de départ d'une hostilité millénaire entre l'Islam et l'Occident" . Allez, de tête, pêle mêle ^:
Poitiers ?
la chaussée ds martyrs ?
La reconquista ?
Raymond de Saint-Gilles en reconquista avant la croisade ?
Manzikert ?
Péripéties que tout celà ! l'agression c'est la croisade !
Bon, point de vue Arabe, d'accord.
Une aure chose que j'ai vue dans le fil concerne les massacres de Juifs comme à Trèves ou Spire par les Chrétiens. Que voilà un raccourci un poil hatif. Jacques Heers souligne très bien dans son ouvrage la perpétuelle opposition chez les croisés entre les nobles, sollicités par le pape, et les pauvres à qui on n'a jamais rien demandé mais qui sont là, nombreux et il faut faire avec.
A Trèves les Juifs, des notables, sont cachés par l'évèque de la ville, leur massacre est le fait des pauvres. Les Hongrois pourtant chrétiens font eux aussi les frais de cette horde quand les nobles paient leur hospitalité.Il en sera ainsi tout au long du parcours.
Cette prétendue intolérance religieuse est une révolte sociale, sans idéologie politique si ce n'est justement cette croisade volée aux riches et qui leur coute cher.
Pour finir les croisés n'ont pas le privilège de l'intolérance religieuse, ou de la tolérance, vu comme celà est pratiqué à l'époque, on ne sait plus trop comment appeler celà. Les chiites persécutent sunnites et chrétiens, les sunnites persécutent les chiites et les chrétiens, ces derniers sont comme les juifs des dhimmis, c'est à dire qu'ils subissent une série de restrictions les plaçant de facto en inférieurs des musulmans auquel ils acquittent un impôt spécifique mais sont dispensés de faire l'aumône, que leur religion qu'on leur laisse généreusement pratiquer leur impose par ailleurs. Les croisés eux aussi laisseront les musulmans pratiquer leur religion, Maalouf avoue même qu'ils sont justes. Les Byzantins persécutent les Arméniens, précieux alliés des croisés ceux là, interessant de voir combien le différent Arménien-Turc est ancien. Le cadi Chiite du caire est lui même un Arménien ex-esclave des sunnites qui leur en garde une profonde inimitié, J'avais pourtant lu qu'être esclave des musulmans c'était pas si terrible.
Aller après me donner une vision Arabe de la situation...quels Arabes d'ailleurs ? ceux de l'époque ou de maintenant ?
C'est là tout l'inérêt du bouquin de Maalouf.
En donnant la vision d'un camp, il est tellement peu critique et dissert dès qu'il s'agit de gratter la couche après laquelle ça fait mal, bien loin de cette manie occidentale, que tout s'éclaire peu à peu.
Irions nous lire ce livre peut être plus partial mais qui n'existe pas : "les croisades vues par les Occidentaux" ?
Non, ni vous ni moi ne le ferions, si ce n'est par cette curiosité condescendante envers un détournement historique à des fins politiques comme d'autres galvaudent Jeanne d'Arc.
Parce qu'un livre comme celui de Heers, ne diabolise en rien les musulmans, il raconte une épopée médiévale, sanglante, admirant le génie des hommes et pointant leurs faiblesses, de quelque nation qu'ils fussent. Et dans cette veine j'aimerais tellement lire "Les croisades" par Amine Maalouf, parcequ'en plus, il écrit bien le bougre.
J'espère que mon ton enjoué n'attirera pas les foudres modératrices, je poste peu ces temps-ci, j'assaie donc d'être aussi concis (hum hum...) qu'exact et incisif.
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