En histoire il me semble qu'il est presque toujours difficile de connaître l'attitude d'un responsable politique ou militaire si l'on ne connaît rien des événements qui auraient pu marquer cette attitude. Je pense donc, en ce qui concerne les guerres de Bourgogne, qu'il est utile de connaître l'épisode de la bataille de St Jacques sur la Birse et de la présence de Louis XI
Voici la description de cette bataille:
Maxime Raymond « Histoire de la Suisse » Vol II p. 347
Bataille de St Jacques sur la Birse
Dès le 22 avril 1443 désespérant de venir à bout des Suisses, le roi Frédéric III avait demandé l'appui de la France. Aux prises avec l'Angleterre, Charles VII n'avait pu donner suite à cet appel. Mais une trêve ayant été conclue, une bande de 40’000 mercenaires, que les uns appelaient les Armagnacs et les autres les Ecorcheurs, en raison de leur cruauté, était devenue libre. Il s'empressa de la mettre à la disposition de l'empereur. Quel était son but réel? I1 était sans doute heureux de se débarrasser d'une troupe encombrante. Mais cela ne justifie pas l'envoi, à la tête de ces bandes, de son propre fils, le dauphin, qui devait être plus tard Louis XI. C'est que, dès le début, il paraît avoir cherché à profiter de l'occasion pour s'emparer de l'importante place commerciale de Bâle, qui venait de se ranger du côté des Confédérés. C'est en effet sur Bâle que se dirigea l'immense armée des Armagnacs. Le dauphin en était le chef nominal, le capitaine Jean de Bueil le commandant effectif. Le 21 août, des tours de Bâle, on voyait venir d'Altkirch la cavalerie de l'avant-garde. Elle franchit la Birse, occupa les villages voisins Jusqu'à Arlesheim et à Pratteln, pendant que, de l'autre côté du Rhin, une armée autrichienne concentrée à Säckingen, était prête à lui donner la main. De leur côté, les Bâlois avaient groupé à Liestal une petite garnison commandée par Hermann Sevogel, et les Confédérés avaient détaché 600 hommes du siège de Zurich, tandis que des paysans des environs se joignaient à eux. Au total, 2500 hommes contre 40’000. Malgré cette infériorité manifeste, la petite armée suisse se décida bravement à attaquer l'ennemi. C'était le mercredi 26 août à l'aube. Comme elle approchait de Pratteln, elle rencontra quelques centaines de cavaliers ennemis, qu'elle n'eut pas de peine à bousculer, puis à Muttenz, un nouveau parti de cavalerie que commandait le comte Antoine de Dammartin, lequel céda sous l'assaut impétueux. Enivrée par ces succès, la petite cohorte continua sa route, méprisant ceux de ses chefs qui lui recommandaient la prudence, mettant même à mort un messager envoyé par la ville et qui l'avertissait que les bourgeois assiégés ne pouvaient l'aider. Près de Gundeldingen, après avoir franchi le pont sur la Birse, les Suisses se heurtèrent à 16.000 cavaliers chargés de surveiller à la fois Bâle au nord et les Confédérés au sud. La lutte décisive s'engagea. « Ce fut une très dure et merveilleuse bataille, écrit un témoin, Mathieu de Coucy, qui dura plusieurs heures avant qu'on sût qui serait vainqueur.» Bâle n'est qu'à une demi-heure. Les bourgeois voyaient la lutte s'engager. Ils brûlaient du désir de venir au secours des Confédérés. Ils firent même une sortie, le bourgmestre Jean Roof en tête, mais ils s'aperçurent qu'ils allaient être pris entre Français et Autrichiens et ils durent rebrousser chemin. Cependant, la bataille continuait. Vers midi, les Suisses, se rendant compte qu'ils ne pouvaient plus avancer, cherchèrent à se retirer du côté de Liestal. Mais ils furent rejetés sur la léproserie de Saint-Jacques sur la Birse et c'est là que se déroula le dernier acte de la tragédie. Il dura toute l'après-midi, jusqu'à la nuit. Les Suisses tombaient les uns après les autres, mais leurs ennemis touchaient terre, hommes et chevaux, en bien plus grand nombre. Des secours arrivaient de toutes parts aux Armagnacs. Les Autrichiens eux-mêmes avaient passé le Rhin pour prendre part au combat. Les cadavres s'entassaient. Et les Suisses tenaient toujours. La léproserie brûlait. Ils tenaient. Ils étaient ruisselants de sang et piétinaient les cadavres. Ils tenaient toujours. « Je suis dans un bain de roses », s'écriait le chevalier Burkhart Munch, de Landskronn. « Eh bien, baise encore cette rose-ci » lui répliqua un Suisse, que l'on dit être le capitaine Erni Schick, d'Uri, en l'abattant d'une pierre à la tête. Les Suisses tenaient toujours, tant qu'un resta debout. Ce ne fut que lorsque toutes les têtes furent abattues, que les Armagnacs et les Autrichiens purent chanter victoire. Trois jours après, le clergé de Bâle ayant reçu permission d'enterrer les morts, on releva 1168 cadavres. Plus tard, dans les ruines de la léproserie, on en trouva 99 autres qui étaient morts asphyxiés. Deux cents hommes seulement survécurent au désastre. Des Armagnacs, il en était mort aussi plus de 2000, et parmi eux Robert de Brézé, grand maître français de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem. De toutes les batailles livrées par les Suisses, celle-ci fut certainement la plus sanglante et la plus terrible. Le dauphin, qui la vit, eut hâte de rentrer à son camp près d'Altkirch. Ce n'était point ces scènes effroyables de carnage qu'il était venu chercher en Suisse, et si quinze cents hommes avec un commandement improvisé en avaient arrêté de la sorte quarante mille, qu'en serait-il le jour où il faudrait affronter l'armée confédérée tout entière ? Cependant, le dauphin Louis n'était pas homme à abandonner si facilement la partie. Il apprit bien vite qu'à la nouvelle de la bataille de Saint-Jacques, quinze cents Bernois et Soleurois qui assiégeaient le château de la Farnsbourg près de Sissach, propriété d'un partisan de l'Autriche, avaient abandonné la partie; que l'armée assiégeante de Zurich avait lâché prise trois jours après la bataille. Ces deux retraites lui donnèrent quelque espoir d'obtenir par la diplomatie ce qu'il n'osait plus rechercher par les armes. Il envoya le capitaine Jean de Bueil à Bâle, pour demander aux bourgeois de reconnaître la souveraineté du roi Charles VII, la ville ayant toujours appartenu à la France. Les Bâlois s'élevèrent avec énergie contre cette proposition saugrenue, si étrangement motivée. Le dauphin n’insista pas. Il accorda une trêve, puis une paix définitive fut conclue à Zofingue entre ses délégués et les Confédérés, et il la ratifia le 28 octobre à son camp d'Ensisheim. Ce traité, le premier conclu entre la Suisse et la France, est remarquable par l'évolution de la pensée de Louis XI dont il témoigne. Il était venu vers Bâle pour aider les Autrichiens contre les Suisses, et prendre la ville. Il repartait après avoir signé un traité d'entente et d'amitié avec les Confédérés, leur avoir promis de ne jamais violer le territoire suisse, et d'employer tous ses bons offices pour les réconcilier avec Zurich et l'Autriche; il s'obligeait à empêcher toute nouvelle attaque contre Bâle, promettait aux marchands suisses et d'une manière générale à tout Suisse liberté de circulation et sécurité sur le territoire français ; enfin, il abandonnait certaine prétention financière sur Bâle. Nulle part un vainqueur n'a traité plus généreusement le vaincu. Et l'on peut dire que la bataille de Saint -Jacques exerça sur le vainqueur une influence absolument contraire à celle qu'elle eut sur les Confédérés assiégeant Zurich. Le traité qui venait de se conclure ne concernait que la France et les Confédérés. L'Autriche n'y était pas partie, et le roi Frédéric III continua la guerre, avec les partisans qu'il avait dans la noblesse du pays, et aussi avec les Zurichois.
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