Anciennement à l'école en Suisse, la lutte des Waldstaetten, c'est -à-dire les habitants entourant le lac des Quatre cantons, était décrite uniquement contre le pouvoir exercé par les Habsbourg, présents en Suisse et en Autriche. Or en lisant les anciens historiens suisses d'avant la Seconde Guerre mondiale, je m'aperçois que ces combats de libération ont été bien au-delà et se sont exercés également contre le pouvoir intérieur, c'est pourquoi je parle de révolution. Voici un extrait de texte où il est question de la lutte de libération des Appenzellois alors soumis au pouvoir ecclésiatique de St Gall. Dans toutes ces luttes se furent essentiellement les Schwyzois qui furent à la tête et qui vinrent prêter main forte
Histoire militaire de la Suisse, Vol 2, cahier 4 ; Emile Dürr - chap. Nouveaux mouvements démocratiques dans les vallées alpestres – p. 157
La lutte prit bientôt un caractère violent et agressif; elle s'étendit à tous les ennemis antérieurs, ainsi qu'aux infidèles alliés de jadis, si bien qu'en mai 1403 toutes les troupes de l'abbé et de ses alliés, celles de sept villes du Bodan (Saint-Gall entre autres), envahirent l'Appenzell. Elles succombèrent au Speicher, à Voegelinsegg, au pied d'une « letzi », sous les coups de 300 hallebardes d'Appenzell et de Schwyz. Cette défaite si inattendue et couvrant de honte et de ridicule les vaincus, à laquelle s'ajoutèrent maintes expéditions des montagnards vers les villes, surtout vers Saint-Gall et jusque dans la Thurgovie, rendit les adversaires plus traitables; une trêve fut signée pour la durée d'un an et suivie de la conclusion de la paix (octobre 1403 et avril 1404). L'abbé et le couvent de Saint-Gall furent expressément exclus du traité. Ils restèrent isolés. Mais Cuno de Stoffeln, infatigable et énergique, n'était pas homme à rester dans l'indécision et à douter de la victoire. II trouva de l'appui auprès de son alliée l'Autriche, qui, sur un plan plus vaste, menait le même combat que l'abbé dans un cadre restreint. Les moeurs des Appenzellois et des Schwyzois sont dépeintes comme suit: « Ils s'attaquèrent à tous les nobles et sujets du voisinage, et acceptèrent chacun comme combourgeois. Ils acceptaient même les serfs, contre le gré de ceux-ci et leur conseillaient de ne plus payer à leur seigneur ni censes ni impôts, ni quoi que ce fût, et les incitaient à la désobéissance». Nulle propagande révolutionnaire ne pouvait être menée avec plus de sens pratique et de savoir-faire. En effet, la lutte avait dépassé le champ restreint d'un conflit, entre l'abbé et les gens d'Appenzell. Elle était devenue un violent mouvement social, un conflit entre deux couches de la société une véritable guerre de classes. C'est la raison pour laquelle, non seulement l'abbé, mais aussi la noblesse thurgovienne, sentant que son existence se jouait, en appelèrent à la compréhension et à l'appui des ducs d'Autriche et de leurs grands vassaux. Frédéric IV de Habsbourg, mandataire dans les provinces occidentales de son frère aîné Léopold IV, hésita d'abord, puis subitement résolu, y consentit.
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En substance, les mouvements démocratiques, apparus dans les Alpes, de l’Appenzell au Valais, décèlent une origine commune. Dans chaque cas, une seigneurie ecclésiastique a été renversée ; elle a fait place à un pouvoir laïc ou semi-laïque, renversé à son tour par des démocraties paysannes à tendance autonomistes.
Ainsi en plus des trois batailles contre les Autrichiens, Morgarten en 1315 contre le duc Léopold, Sempach en 1386 contre le duc Léopold III qui y trouve la mort et Naefels en 1388 contre le duc Albert III, eurent lieux d’importants et continuels combats de libérations :
- combats contre les seigneurs laïcs et ecclésiastiques - combats contre la noblesse - incitation aux cerfs de désobéir et de se libérer en leur accordant la combourgeoisie
Il est aussi remarquable de constater qu’aucune figure charismatique n’apparaît dans cette lutte de libération. Il y a certainement eu des meneurs, des chefs mais leurs noms restent pratiquement inconnus.
On peut donc dire qu’il s’agit d’une révolution paysanne qui a réussi puisqu’elle est incontestablement à l’origine de la Suisse.
Par la suite, bien sûr, la Révolution française arrivée en Suisse avec l’armée de Napoléon a été celle qui a donné un second souffle à la Confédération et surtout qui a mis tous les cantons à égalité de droit, ce qui n’était pas le cas auparavant.
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