Pour répondre à la question originelle : assez peu. Bien qu'on ne puisse avoir que des estimations, les sources semblent indiquer une pénétration assez limitée en ville, virtuellement inexistante dans les campagnes une fois sorti d'un triangle Foix-Razès-Lombers (grosso modo, hein).
C'est une hérésie savante, élitiste (comme toutes les hérésies gnostiques) et finalement pas trop cohérente (j'y reviendrait)
Prenons l'exemple de la ville d'Albi avant la Croisade, on peut considérer que 10% de la population est touchée par le catharisme (c'est à dire à différents degrés du pratiquant fervent à la revendication identitaire plus ou moins creuse). Et il s'agit essentiellement de bourgeois et d'une noblesse urbaine établie. Elle survit non pas grâce à une organisation ou à une cohérence religieuse, mais grâce à une cohérence sociale : les nobles catholiques étant rétifs à agir contre des personnes issues de leur milieu, de leurs réseaux.
Une fois la campagne comprise, on doit pouvoir arriver à, grand maximum, 5% de la population de la région concernée (c'est à dire plus ou moins le Haut-Languedoc). C'est effectivement déjà pas mal pour une hérésie à l'époque, mais ça reste marginal.
jovien a écrit :
Pour ce qui est de l'Eglise, les cathares sont
d'une part des quasi-protestants : clergé non propriétaire, peu hiérarchisé, bon marché.
mais d'autre part sont des quasi-catholiques : clergé célibataire et jeûnant
Pour ce qui est de la théologie, ils sont assez originaux, mais la théologie, le croyant de base y était probablement peu sensible..
Il vaut mieux faire attention aux rapprochements.
Pour le quasi-protestantisme : le catharisme a été récupéré par les milieux savants protestants soucieux de se trouver une légitimité historique au delà du XVI siècle. En poussant pas mal le trait et en étant très sélectif, on peut effectivement arriver à un "truc" proto-protestant, mais on ne parle plus de catharisme "historique".
Concernant la théologie, soyons clair : on ne sait rien d'autres que les sources extérieures au catharisme. Imaginez parler de théologie catholique en ayant accès qu'à des sources musulmanes.
Bon j'exagère, on a des textes cathares. Moins de dix, mais on en a. Une bonne partie des textes est compatible, voire identique, à ce qu'on trouve chez les catholiques et le reste est gentiment contradictoire (dualistes partiels, absolus) ou incomplet.
Ce qui ne veut pas dire qu'il faut dénier toute cohérence au catharisme, mais il ne faut certainement pas en faire une religion organisée au niveau des fantasmes orthodoxes de l'époque.
Il y a eu suffisamment de points communs pour que les différentes tendances se rapprochent au synode de Saint-Félix, sachant qu'on reste dans le cadres d'église très largement autonomes, probablement aux rites propres.
Pour ce qui est de ce que savaient les populations : faisons attention. Oui, les petites subtilités théologiques leur passaient sans doute au dessus de la tête, mais le questionnement religieux faisait partie intégrante de leur vie (par exemple, le paysan se demandant tout à trac si il était vrai qu'ils ressusciteraient dans leurs corps, celle fustigeant sa voisine ayant tué un poulet lui disant que s'était un "grand péché").
Est-ce à dire qu'ils étaient "cathares"? Pas sûr. La religion au moyen-âge est affaire d'identité sociale, il est à parier que de nombreux "catholiques" avaient des idées plus ou moins hérétiques (y compris dans le clergé) sans se rendre compte de leur propre hétérodoxie.