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Message Publié : 09 Déc 2013 6:36 
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Localisation : Suisse
Il est tout aussi intéressant de connaître ce qui s'est passé avant les premiers combats des Waldstaetten. Par exemple pour comprendre pourquoi la Suisse a connu sa principale division linguistique.

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Des origines à l'an 1218

Par Gerold Meyer von Knonau.

L'époque des Helvètes et des Romains
Invasions des Alamans à l'est et établissement des Burgondes à l'ouest de la Suisse actuelle.


La première mention des habitants de notre pays est due à un grand événement historique et remonte à l'époque où la puissance romaine, toujours en voie d'agrandissement, fut - première annonce de dangers futurs - l'objet d'une attaque venue du Nord, qu'elle ne put repousser qu'au prix d'efforts extraordinaires. Une tribu du peuple gaulois des Helvètes, lequel occupait le centre de la Suisse actuelle, celle des Tigurins, qui se distinguait particulièrement par sa valeur guerrière, se joignit à l'émigration de deux peuples germains, les Cimbres et les Teutons. Son chef, Divico, vainquit une armée romaine près d'Agen, sur la Garonne, l'an 107 avant J.-C. Le souvenir des territoires de la Gaule méridionale, foulés avec tant de succès, s'était sans doute gravé profondément dans les esprits des guerriers qui avaient pris part à l'expédition; car lorsque, un demi¬siècle plus tard, l'ensemble du peuple helvète résolut de quitter ses foyers, ce fut le pays des Santons, à l'embouchure de la Garonne, qu'il choisit pour s'y fixer. Les vexations toujours plus intolérables des Germains, qui habitaient à sa frontière septentrionale, avaient déterminé son départ; mais, en route, les Helvètes furent battus à Bibracte, non loin d'Autun, par le génie d'un grand chef, Jules César, et obligés de reprendre le chemin de leurs demeures (58 av. J.-C.). Par le fait qu'ils reconnaissaient appartenir à l'Empire romain, ils contractaient l'obligation de défendre sa frontière sur le Rhin. Les peuples qui habitaient ]a vallée supérieure du Rhône furent aussi réduits à l'obéissance par César (57 av. J.-C.). Enfin, au commencement de la période impériale, ]a région des Alpes rhétiques, qui confinait à l'est au pays des Helvètes, fut à son tour incorporée à la puissance romaine (15 av. J.-C.).
Le premier empereur, Auguste, soucieux d'assurer complètement la frontière septentrionale du grand Empire, régla l'administration des territoires qui correspondaient à celui de la Suisse actuelle. Le pays des Helvètes et celui des Rauriques, qui le limitait de l'autre côté du jura, formèrent l'extrémité sud-orientale de la grande province de la Gaule belgique, et plus tard, après avoir été diminués d'une bande à l'est, ils appartinrent au district de la Germanie supérieure, qui était organisée en frontière militaire. La province de la Rhétie comprenait les parties nord-orientale et orientale de notre pays, mais le Valais aussi y avait été joint, ce qui fait supposer l'existence d'une communication directe entre la vallée du Rhône et le bassin supérieur du Rhin par la Furca et l'Oberalp. Genève faisait partie depuis assez longtemps déjà de la province de la Gaule narbonnaise. Le versant sud de la chaine des Alpes appartenait à l'Italie. Dans ce cadre, toute la population se romanisa entièrement, et notre pays vit éclore une civilisation brillante, dont le développement ne f ut arrêté qu'au troisième siècle de notre ère.
Une des principales préoccupations du gouvernement impérial devait être de créer des communications sûres entre les nouveaux territoires ainsi organisés et le centre de l'Empire. Les routes qui, du sud, traversaient les Alpes rhétiques se réunissaient à Coire (Curia), et de la vallée des Salasses partait celle qui conduisait au Léman en franchissant le Mons Poeninus (Grand-St-Bernard). De Coire, la route descendait le Rheintal jusqu'au lac de Constance et, de là, se dirigeait a l'ouest par Arbon (Arbor felix) et Windisch (Vindonissa) sur le Rhin jusqu'à Basel-Augst (Augusta Raurica). C'est là qu'aboutissait également la route qui, du Léman, tendait au nord-est, par Avenches (Aventicum), jusqu'à l'Aar. Des voies de communication assuraient le trafic de Vindonissa le long de la Limmat jusqu'à Zurich (Turicum), et de là par la rive des lacs jusqu'à Coire. Un pont franchissait le Rhin près de Zurzach, d'où une route s'en allait dans les Terres Décumates, également soumises à Rome. Toutes ces voies avaient été créées au début pour assurer militairement la frontière, portée jusqu'au Rhin. La place de Vindonissa, construite au confluent des rivières les plus importantes et au point de jonction des routes, était occupée par une des principales garnisons des troupes placées sous le commandement du gouverneur des deux Germanies (supérieure et inférieure), lequel résidait à Mayence (Mogontiacum). L'activité de ces troupes, qui envoyaient leurs postes sur des points fort éloignés du camp, nous est attestée par de nombreuses briques, qui portent le sceau de la XXIme et de la XIme légion. Mais quand, à la fin du premier siècle, la limite de l'Empire eut été portée plus au nord, jusqu'au «limes» (rempart) qui, du Rhin, se dirigeait vers le Danube, notre pays cessa d'être frontière militaire.
Ce temps de tranquillité extérieure fut propice à l'affermissement de la civilisation romaine. Elle se développa dans la plus large mesure en Rhétie, où, aujourd'hui encore, la langue témoigne d'une complète assimilation avec le peuple dominant. Sur le sol du pays helvétique, c'est en occident que l'influence romaine se fit le plus fortement sentir. De nombreux restes nous prouvent encore aujourd'hui la beauté des monuments et l'ampleur de la ville d'Aventicum, (Avenches) qui, par faveur impériale, avait été dotée de l'autonomie administrative. Parmi les localités riveraines du Léman, il faut citer, à part Genève, Nyon (Noviodunum), probablement déjà refondée par Jules César, d'où son nom de Colonia Julia Equestris, Vidy près Lausanne (Lousonna)) et Vevey (Viviscus). Dans la partie inférieure de la vallée du Rhône, on remarquait Martigny (Octodurus); dans celle de la Broie, Moudon (Minnodunum); au bord de la Thièle, Yverdon (Eburodunum ) et Orbe (Urba). Au bord du Rhin, il y avait une colonie particulièrement importante, Augusta Raurica (Basel-Augst), dont le nom rappelle son fondateur, le premier des Césars; les restes du théâtre attestent ici encore, de l'importance de la place. En regard de ces preuves de haute civilisation, la Suisse orientale ne fait pas grande figure: les trouvailles qu'on y a faites proviennent presque toutes du quartier général de Vindonissa et des soldats qui y tenaient garnison.
Durant l'époque où notre pays appartint à l'Empire romain, un autre facteur de civilisation y agit: la nouvelle religion y fut prêchée par la mission chrétienne. Des récits légendaires nous disent que le christianisme était déjà pratiqué en Valais au IVme siècle, et le nom d'un évêque nous en fournit la preuve. Mais il est également établi que Coire était, peu de temps après, le siège d'une église épiscopale, et la légende du martyre de Saint Maurice et de la légion thébaine à Agaune, dans le Bas-Valais, a de nombreux pendants dans toute la Suisse centrale, par exemple le récit du martyre des saints Félix et Régula à Zurich, et celui de la fin des saints Ursus et Victor à Soleure.
Au milieu du IIIme siècle, les provinces situées à la frontière septentrionale de l'Empire romain furent de nouveau mises en danger par les Germains qui descendaient du Nord. Les Alamans dévastèrent Augusta Raurica et Aventicum. Après la perte du territoire transrhénan, les troupes durent être retirées sur la ligne de ce fleuve, et non seulement on renouvela les anciens ouvrages fortifiés, mais on en créa de nouveaux. Immédiatement à l'est des ruines d'Augusta Raurica, on construisit au bord du Rhin le Castrum Ratrracense (Kaiser-Augst) et un peu en aval, au IVme siècle, s'éleva la ville de Bâle (Basilea). Pour barrer la route de Vitodurum (Ober-Winterthur) à l'extrémité supérieure du lac de Zurich, on éleva le château d' Irgenhausen, sur la rive orientale du lac de Pfäffikon. Mais, en dépit de toutes ces mesures de défense, les assaillants, supérieurs en force, renouvelèrent sans cesse leurs incursions. Aventicum fut définitivement ruiné au milieu du IVme siècle, et quand, au commencement du Vme, il fallut aussi rappeler les légions du Rhin pour défendre l'Italie contre les Germains qui menaçaient Rome, les territoires situés au nord des Alpes furent abandonnés.
Cependant il semblait encore au milieu du Vme siècle que la domination romaine pût être rétablie dans les territoires évacués, pourvu que ses intérêts fussent confiés à un chef doué des capacités voulues. Le dernier grand général que l'on rencontre dans l'histoire
de l'Empire agonisant, Aétius, vainquit les Burgondes à Worms, sur le Rhin moyen, où ils étaient fixés à ce moment-là, et les transplanta dans la région de la Sapaudia (Savoie), de sorte que les destinées de la Suisse occidentale actuelle furent désormais liées à celles de cette tribu germanique (443). Mais Aétius ayant été assassiné en 454 à l'instigation de l'empereur Valentinien III, au service duquel il avait cependant mis toute son énergie, les Alamans profitèrent de la décomposition de l’Empire pour franchir une dernière fois le Rhin et pour prendre définitivement possession des territoires situés entre ce fleuve et les Alpes, qu'ils avaient déjà si souvent pillés.
Les Allamans -- les Souabes (Suabi), comme ils s'appelaient eux-mêmes -- restèrent tout à fait fidèles au germanisme dans leur manière de se fixer au sol et de dénommer leurs établissements, dans leur genre de vie et leur religion, et comme ils imposèrent leur autorité aux restes de la population antérieure, ils donnèrent le cachet allemand à la Suisse orientale. Dans la Suisse occidentale, en revanche, les Burgondes, qui se répartirent dans leurs nouvelles demeures parmi les nombreux habitants de la Sapaudia, se défirent rapidement de leur caractère national pour adopter la langue et la civilisation romanes. Enfin, au sud-est de notre pays, dans la Rhétie, les institutions romaines avaient pris de fortes racines, et elles n'eurent à subir à cette époque aucun changement du fait des migrations des peuples. Mais, de la fin du Vme siècle au VIme, la force des armes amena, de l'extérieur, la réunion de toutes ces parties de la Suisse actuelle dans le cadre d'un seul et grand Etat.

Domination des rois burgondes et francs et des empereurs allemands
Les ducs d'Alamanie

A la faveur des déplacements des peuples germains, la tribu franque avait constitué en Gaule le royaume le plus puissant de l'époque. Les Alamans avaient déjà été soumis par son fondateur, le roi salique Chlodowech ou Clovis (496). Les fils de Clovis y incorporèrent ensuite le royaume de Bourgogne, dont le roi Gondebaud (†516) avait déployé une très heureuse énergie et étendu sa domination du côté de l'est au-delà de la frontière des langues, assez avant dans la Suisse alarnanique. Les armes franques n'en vinrent pas moins à bout de l' Etat burgonde (534). Peu après, le territoire rhéto-roman passa du royaume ostrogoth, fondé en Italie par Théodoric, au royaume franc (538). En conséquence, les parties de la population alamanique qui, à l'époque de Clovis, avaient cherché et trouvé protection auprès de Théodoric, devinrent également sujettes des Francs, et toute la Suisse actuelle se trouva appartenir à la monarchie que gouvernait la dynastie mérovingienne.
A cette époque, les oeuvres civilisatrices se développèrent dans diverses directions. Du temps déjà où le royaume burgonde était indépendant, le peuple dominant avait abjuré l'arianisme pour adopter la confession romaine de ses sujets romans, et les institutions ecclésiastiques s'étaient complétées et affermies dans l'ouest. A côté de l'évêché déjà existant du Valais, on vit apparaître une église épis¬copale à Genève; d'Avenches, le siège de l'évêque fut transféré à Lausanne. Mais ce fut surtout le couvent d'Agaunum (St-Maurice), en Valais, qui prospéra pendant les dernières années de la dynastie burgonde, dont il avait toutes les faveurs. Dans la Suisse orientale, les villes chrétiennes qu'avaient épargnées les invasions des Alamans ¬restés fidèles à leur ancienne religion - purent exercer peu à peu autour d'elles une action toujours plus grande. Au VIIIme siècle, on rencontre les premiers indices de l'existence d'un évêché de Constance, et l'ancien siège épiscopal d'Augst se reconstitue à Bâle. Au VIIIme siècle, s'éleva sur l'emplacement de la cellule du missionnaire irlandais Gallus le couvent de St-Gall, dont le premier abbé fut Othmar, et qui, avant tout grâce à son école, devint rapidement un centre florissant de civilisation; dans l'île de l'Untersee, il avait un rival dans le couvent de Reichenau. Mais ces maisons contribuèrent aussi au progrès de la culture du sol. Pareille influence exercèrent aussi, dans la Suisse occidentale, les églises du Jura : Grandval, St-Imier, et les fondations monastiques du Pays de Vaud, Payerne et Romainmôtier.
Mais, dans l'intervalle, la force de la dynastie mérovingienne n'avait cessé de décroître, et les diverses parties du royaume profitaient de ce déclin du pouvoir central pour s'en affranchir. Les ducs d'Alamanie avaient grandi et se comportaient de nouveau en chefs d'une nation indépendante. C'est ainsi qu'au commencement du VIIIme- siècle une rédaction du droit alamanique, entreprise cent ans plus tôt et revue par le duc Lantfrid, reçut sa consécration d'une assemblée générale du peuple, et ce code, connu sous le nom de « Lex Alamannnorum », soumettait à un régime précis même les choses de l' Eglise. Toutefois quand, supplantant les Mérovingiens abâtardis, une nouvelle autorité politique fut imposée et affermie, le duché d’Alamanie dut disparaître; une dernière tentative de résistance de sa part fut réprimée en 748, et la nation souabe fut incorporée au royaume franc réorganisé.Le vainqueur Pépin, ceignit la couronne royale (751).
Pendant à peu près cent. ans, la dynastie carolingienne régit l’Etat franc, dont le développement se poursuivait toujours. Sur son second représentant, Charlemagne, les traditions populaires, même chez nous racontent une foule de traits incertains, par exemple sur ses rapports avec l'église de Zurich et avec l'école du Grossmünster. II est incontestable, en revanche, qu'il intervint avec énergie dans les affaires du pays rhétique: il enleva à l'évêque de Coire, dans la main de qui elle avait été jusqu'alors, l'autorité temporelle, et la conféra à un comte qui obtint le pouvoir prépondérant. Mais quand cette seconde dynastie eut à son tour perdu sa vigueur - ce qui arriva déjà sous les petits-fils de Charles - l'Empire fut de nouveau morcelé (843). La frontière qui séparait deux des trois nouveaux royaumes créés par le traité de Verdun passait à travers notre pays. Tandis que la Suisse occidental, et le territoire situé au sud des Alpes faisaient partie du royaume central et revenaient à Lothaire, qui prenait le titre d'empereur, son frère cadet Louis recevait, avec le royaume franc-oriental, les pays alamaniques, notamment le vaste Thurgau, dont se détacha petit à petit le Zürichgau. Son territoire s'étendait à l'ouest jusqu'à l'Aar et com¬prenait la Rhétie de Coire.
Mais il ne se passa pas longtemps sans que de nouvelles modifications survinssent dans la composition de ces divers royaumes. Tout d'abord, l'empire de Lothaire se démembra, et il se forma un nouveau royaume de Bourgogne, auquel appartenait la Suisse occidentale actuelle, et qui s'étendait au nord, par delà le jura, jusque dans le bassin de la Saône. Le comte Rodolphe, issu de la famille souabe des Guelfes, fut proclamé roi de la Haute-Bourgogne à Saint-Maurice(888). Dans le royaume franc-oriental, le roi Louis, qui vouait aussi à nos territoires une bienveillante attention, eut des successeurs moins énergiques que lui. Aussi le fils de Rodolphe Ier, Rodolphe II, put-il étendre ses Etats du côté de l'est au-delà de l'Aar, jusqu'au bord du lac de Zurich. D'ailleurs, des aspirations particularistes se manifestèrent aussi à l'intérieur des limites du royaume franc-oriental, de sorte qu'au commencement du Xme siècle, il se forma de nouveau un duché en Souabe. Ce duché se maintint - en reconnaissant, il est vrai, la puissance impériale - même quand, grâce à l'énergie du premier roi de la dynastie saxonne, Henri 1er, le royaume franc-oriental se fut transformé en Empire allemand. De con¬cert avec ce souverain, le duc d'Alamanie, Burkhard Ier, mit fin aux incursions des Hongrois, qui avaient envahi plusieurs fois nos contrées et dévasté Bâle en 917 et St-Gall en 926. Burkhard 1er battit aussi, près de Winterthour, le roi Rodolphe II de Bourgogne, mais il se réconcilia ensuite avec lui et lui donna en mariage sa fille Berthe, la bonne reine Berthe, dont le souvenir vit encore aujourd'hui dans la Suisse romande. Ce royaume de Haute-Bourgogne resta indépen¬dant pendant un siècle et demi encore, bien que, dans les derniers temps, il fût affaibli par des dissensions intestines. Enfin, il fut rattaché à l'Empire par Conrad II, premier souverain de la deuxième dynastie allemande, la dynastie salique (1033). A la dignité im¬périale, était jointe celle de roi d'Italie. Ainsi les diverses parties de la Suisse se trouvaient de nouveau, après deux siècles d'interruption, réunies dans une seule monarchie.

Avènement et extinction des ducs de Zähringen

Mais, à côté du chef suprême de l'Empire, il y avait, dans les diverses parties du territoire, aussi bien dans notre pays qu'ailleurs, de grands seigneurs dont la puissance était solidement enracinée et qui, tant qu'ils appuyaient le gouvernement impérial, contribuaient dans une large mesure à maintenir l'Etat, mais qui constituaient pour lui le plus grand danger s'ils en venaient à combattre le trône. Ce fait se manifesta surtout sous le règne d'Henri IV, petit-fils de Conrad II. Le comte Rodolphe de Rheinfelden, qui avait de grands biens dans la Suisse bourguignonne et avait été chargé d'administrer cette province, reçut encore le duché de Souabe de l'impératrice Agnès, qui exerçait la régence pendant la minorité de son fils; malgré cela, dans la querelle qui éclata ensuite entre le pape Grégoire VII et Henri IV, il se rangea du côté des adversaires du souverain, et se fit même nommer antiroi (1077). Un prince ecclésiastique, le distingué abbé Ulrich III de St-Gall, soutint contre lui les droits du roi dans une lutte où il déploya toute son énergie, tandis que l'évêque de Cons¬tance, Gebhrard III, se livrait à des hostilités contre St-Gall: une guerre sauvage se déchaîna dans le pays. Enfin, la paix fut rétablie par un compromis entre le comte Frédéric de (Hohen)staufen - qui défendait la cause d'Henri IV et avait été élevé par celui-ci à la dignité de duc de Souabe - et l'héritier de Rodolphe, Berthold I I de Zähringen, frère de l'évêque Gebhard (1098).
Mais la fin de cette lutte eut une autre conséquence encore, et une conséquence de grande portée. Le duc Frédéric 1er de Hohenstaufen renonça, en effet, à ceux de ses droits qui concernaient les territoires de son duché situés sur la rive gauche du Rhin. Sur l'abbaye de Zurich, qu'avait fondée le roi franc-oriental Louis, et qu'il avait dotée de biens sis à Zurich et dans les environs, ainsi que du petit pays d'Uri (853), se constitua une puissance distincte qui, sous le nom d'avouerie impériale de Zurich, fut donnée en fief de l'Empire à Berthold, qui garda le titre de duc. Plus tard, d'autres compétences importantes vinrent s'ajouter à cette dignité et agrandirent d'autant l'influence des successeurs de Berthold.
Le fils de Berthold II, Conrad, avait reçu de l'empereur Lothaire l'investiture du comté de Bourgogne, sur le versant occidental du jura, de sorte que l'autorité des Zähringen s'étendait dès lors sur les deux côtés de la chaîne. Berthold IV, fils de Conrad, reçut encore l'avouerie impériale sur les trois évêchés de Genève, de Lausanne et de Sion et prit le titre de duc et recteur de Bourgogne. Les princes de cette maison ont doté notre pays de fondations qui ont été de la plus grande importance pour son avenir. Les résistances de tout genre que leur opposaient les seigneurs laïques et les grands dignitaires ecclésiastiques, dont les territoires leur étaient assignés, les amenèrent à élever de solides boulevards. C'est ainsi que naqui¬rent plusieurs villes destinées à acquérir une grande influence comme points de départ d'un développement politique ultérieur. Berthold IV créa au bord de la Sarine, sur un terrain qui lui appartenait par héritage, la ville de Fribourg (1177), à laquelle il conféra les mê¬mes franchises que son père avait accordées à la ville du même nom fondée par lui en Brisgau. Le fils de Berthold IV, Berthold V, également à l'effet de dompter la noblesse récalcitrante des environs, bâtit, sur les rives de l'Aar, la ville de Berne, sur un terrain qui appartenait à l'Empire (1191), et une série d'autres places, depuis Moudon et Morat jusqu'à Berthoud et Thoune.
Il est vrai qu'en ce même temps, la maison des comtes de Savoie, dont le plus notable représentant fut au XIIIme siècle le comte Pierre, surnommé le petit Charlemagne, prenait solidement pied à l'ouest, dans le Pays de Vaud. D'autres seigneurs laïques se créaient d'ailleurs des situations de jour en jour plus fortes. De la Rhétie au lac de Constance, dominaient les diverses lignes de la maison comtale de Montfort. Après l'extinction des comtes de Lenzbourg, la famille des Kibourg étendit son influence de la Thurgovie à l'Argovie, où, à côté d'elle, grandissait celle des Habsbourg. Des dynasties comtales commandaient dans le Jura: les Frobourg, les Homberg, les Thierstein; plus à l'ouest, en sol bourguignon, celles des comtes de Neuchâtel, de Gruyère, de Genève. Et à côté de ces seigneuries de comtes, on rencontrait de nombreuses seigneuries de barons, celles des Toggenbourg, des Regensberg, des Rapperswil au nord-est; des Weissenbourg, des Ringgenbcrg et des Grandsatt à l'ouest; des La Tour et des Rarogne en Valais. Disséminées entre tous ces domaines, s'étendaient les terres dépendant des princes ecclésiastiques, évêques et abbés. De nouvelles et importantes fondations monastiques avaient surgi: Einsiedeln, Muri, Wettingen.
Néanmoins, c'était la maison de Zähringen qui était la plus puissante, et tout semblait annoncer pour l'avenir une concentration de notre pays sous son autorité. Mais le duc Berthold V mourut sans enfants le 12 février 1218, et avec lui s'éteignit sa famille. Ainsi l'avouerie impériale de Zurich fit retour à l'Empire, au roi Frédéric II de Hohenstaufen. La ville de Zurich, devenue ville impériale, acquit ainsi pleine liberté de mouvement, et la ville fondée par le dernier des Zähringen, Berne, fut mise au bénéfice de la même faveur. Ce changement paraissait, au premier abord, devoir être défavorable à une partie de la ci-devant avouerie impériale, au petit pays d'Uri, accrue au XIIme siècle par l'ouverture du passage du St-Gothard. On pouvait craindre, en effet, qu'il ne fût menacé dans son libre développement politique, mais treize ans après la mort de Berthold, le roi Henri, fils de Frédéric II, lui octroya aussi l'immédiateté impériale.
Ainsi, par suite de l'événement de 1218, se trouvaient prêtes trois pierres d’angle de l'édifice qu'allaient élever le XIIIme et le XIVme sous le nom de Confédération suisse: Zurich, Berne et la Suisse primitive.


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