Poirot a écrit :
Oui, mais d'un autre coté, les Anglais, tout aussi chevaleresques, sont plus pragmatiques puisqu'ils combattent à pied, en haut d'une pente raide, pour soutenir les archers. Il n'y a pas d'idéologie nécrosante chez eux.
Je pense simplement que c'est une erreur militaire française : les chevaliers étaient sincèrement persuadés que leur charge allait vaincre, car c'est ce qui s'était toujours passé (depuis l'apparition de la cavalerie lourde en tout cas). Je vois donc plus une "habitude", facilement compréhensible, qu'une idéologie.
La preuve est que les nobles ont très bien compris l’intérêt de l'artillerie de campagne à la fin de la guerre de cent ans.
De l'habitude, pensez bien : Crécy, Poitiers, Azincourt, avant cela Courtrai... Il y a tout de même quelques précédents montrant l'inanité d'une tactique qui est pourtant répété... et encore vivace à Pavie... Il existe un idéal de combattant héroïque et individuel qui ne s'encombre pas d'une lecture stratégico-tactique de la bataille. Elle se gagne par la valeur et le courage en écrasant la lâcheté et la couardise. En France la structure du royaume a préparé en quelque sorte cet état de fait ; les aristocrates, même face à la croissance de la puissance monarchique, restent jaloux de leur indépendance et de leur puissance. C'est avec peine que Philippe VI trimbale son ost à Crécy puisque son pouvoir est en plus mal assuré. C'est sans écouter ses ordres que la bataille est donnée dans une configuration tellement aberrante qu'il faut toute la motivation et l'aveuglement d'une certitude apprise pour l'engager, chose qui habitait les esprit aristocratique du temps. En Angleterre ce sentiment a existé mais la correction de Bannockburn a servi de précédent, et il me semble que la puissance des barons n'atteindra jamais celle de puissants seigneurs comme le Duc d'Aquitaine, le Comte de Blois, le Duc de Bourgogne... Toujours est-il en tout cas qu'ils inclineront ensuite leur tactique à l'exigence du "collectif" ce dont les armées françaises sont incapables avant longtemps.
En somme on ne revient pas facilement sur une idéologie qui a pénétré les mentalités et les pratiques d'un groupe dominent du jour au lendemain. Il a fallu son éclipse après la saignée d'Azincourt pour dresser à la place les compagnie d'ordonnance, ordonnant justement la cohue féodale héroïque.