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Inceste or not inceste ?
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Auteur :  Alice de Castellanè [ 20 Fév 2015 17:52 ]
Sujet du message :  Inceste or not inceste ?

Une jeune femme peut-elle épouser le fils issu du second mariage du mari de feu sa tante ? Ou plus graphiquement : Jacques a une fille prénommée Métheline. Louise, la soeur de Jacques, a épousé un certain Pons. Après le décès de Louise, Pons se remarie et a un fils, Etienne, avec sa nouvelle épouse. Métheline et Etienne sont-ils cousins selon le droit canon ? peuvent-ils espérer se marier, avec ou sans dispense papale ?

Auteur :  Barbetorte [ 21 Fév 2015 0:14 ]
Sujet du message :  Re: Inceste or not inceste ?

Voilà ce que j'ai compris du droit canon mis en place par le concile de Latran de 1215.

S'il n'y a pas consanguinité entre Métheline et Etienne, il y a affinité et celle-ci est du deuxième degré. Or il y a empêchement au mariage jusqu'au quatrième degré de consanguinité inclus et jusqu'au deuxième degré d'affinité inclus.

Le degré de parenté en droit canon correspond au nombre de générations séparant deux individus par rapport à leur ancêtre commun. Un père et son fils sont parents au premier degré, un frère et une sœur sont également parents au premier degré, des cousins "germains" sont parents au deuxième degré.

Sauf erreur de ma part, Métheline et Etienne ne devraient pas être autorisés à se marier. Néanmoins ils peuvent espérer obtenir une dispense de l'évêque. En 1320, l'évêque était Guasbert de La Val, archevêque d'Arles et non le pape Jean XXII.

Auteur :  Alice de Castellanè [ 21 Fév 2015 17:21 ]
Sujet du message :  Re: Inceste or not inceste ?

Merci beaucoup ! C'est très clair :) et c'est parfait... pour mon roman !

Par contre, je suis surprise, j'avais stupidement pensé que les dispenses étaient obligatoirement octroyées par le pape. Peut-être était-ce le cas pour les rois uniquement ? Ceci dit, je n'ai pas étudié ces cas de dispense... mes souvenirs proviennent uniquement de mes lectures de loisirs !

Autre question. Il me semblait avoir vaguement lu qu'Avignon dépendait de l'évêché de Marseille ???

Auteur :  Barbetorte [ 22 Fév 2015 0:56 ]
Sujet du message :  Re: Inceste or not inceste ?

De telles dispenses sont assez fréquentes et sont du ressort de l'évêque, de même que les décisions d'annulation de mariage, plus rares cependant. La compétence est réservée au pape pour les seules familles souveraines.

Sur l'histoire de l'évêché d'Avignon, je viens tout bêtement de consulter wikipedia : il a été créé au troisième siècle. Initialement cet évêché était suffragant de l'archevêché d'Aix, il fut érigé en archevêché en 1475. Je lis dans le Trésor de chronologie d'histoire et de géographie de de Mas-Latrie (Paris, Victor Lampé, 1889), disponible en ligne sur Gallica, que Guasbert de La Val, évêque de Marseille de 1319 à 1323 puis d'Arles de 1323 à 1341 a occupé le siège épiscopal d'Avignon, vacant de 1317 à 1336, en tant qu'administrateur de 1318 à 1334.

Je souhaitais surtout appeler votre attention sur le fait que l'évêque d'Avignon au temps des papes en Avignon n'était pas forcément le pape lui-même. Car le pape, même si les circonstances l'obligent à s'installer en dehors de Rome, est avant tout l'évêque de Rome.

Auteur :  Tolan [ 22 Fév 2015 17:50 ]
Sujet du message :  Re: Inceste or not inceste ?

C'était le pape qui accordait les dispenses jusqu'au second degré, au-dela, c'était l'évêque.

Par contre, je ne sais pas en ce qui concerne les parentés par affinité: c'était peut-être l'évêque?

Auteur :  Barbetorte [ 22 Fév 2015 23:06 ]
Sujet du message :  Re: Inceste or not inceste ?

Tolan a bien fait de venir me corriger : ce dont j'étais convaincu n'était pas exact.

En fait, s'il y a affinité entre Métheline et Pons de degré 1 au 2, il n'y en a pas entre Métheline et Etienne, le fils de Pons. Car l'affinité est personnelle, elle ne se transmet pas.
Référence : Traité des dispenses, page 224, de M. Collet, Paris, Méquignon junior, 1827, disponible en ligne sur Gallica (http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57673543.r=.langFR).

En ce qui concerne l'habileté des évêques à accorder des dispenses, il n'y a pas de règle absolue. Dans l'ensemble, c'est ce que dit Tolan, mais cela dépend en fait de la coutume du diocèse. De plus, l'évêque peut avoir reçu un indult, valable pour une durée de quatre ou cinq ans l'habilitant à délivrer certaines dispenses. Enfin, selon les circonstances et les motifs de la demande de dispense, l'évêque peut estimer qu'il est en droit de statuer. Il tiendra notamment compte de la fortune des intéressés parce qu'adresser une demande à Rome entraîne nécessairement des frais qui peuvent être excessivement lourds à supporter pour des personnes de condition modeste. Toutefois, un lien consanguinité de degré deux est proche : il y a de bonnes chances qu'il faille en référer au pape. S'il s'agit d'une affinité, je n'ai pas trouvé d'information. En fait, ce n'est pas le pape qui statue en personne, sauf s'il s'agit de personnes de haute condition, mais un tribunal pontifical. Evidemment, si le pape réside en Avignon, il y a peu de raisons que des pouvoirs étendus soient délégués à l'évêque d'Avignon.

Auteur :  Alice de Castellanè [ 25 Fév 2015 9:09 ]
Sujet du message :  Re: Inceste or not inceste ?

Merci pour ces précisions importantes !

Donc si j'ai bien compris, s'il n'y a pas consanguinité entre Etienne et Métheline, il n'y a pas non plus d'affinité puisque celle-ci n'est pas transmissible. Donc pas besoin de dispense. Correct ?

Selon vous, les deux jeunes gens seraient-ils en mesure de connaître cette loi (ce sont des artisans-marchands de la classe moyenne) ? Sauraient-ils qu'ils n'ont pas besoin de dispense ? Si non, peut-on imaginer qu'ils se renseignent auprès de l'abbé de leur paroisse ? Métheline a un frère notaire qui a étudié le droit civil uniquement. Pourrait-il quand même la renseigner ?

Merci aussi pour les précisions concernant Guasbert de La Val. ll était donc bien, en 1321, évêque de Marseille et en charge d'Avignon.

Auteur :  Laurent Frédéric [ 25 Fév 2015 11:04 ]
Sujet du message :  Re: Inceste or not inceste ?

Au début du XVIIIe siècle, dans le diocèse de Poitiers, l'un de mes ancêtres a souhaité épouser une cousine germaine de sa défunte épouse. Donc là pas de lien de consanguinité, mais seulement une affinité à un degrés assez proche. Le futur époux était assez fortuné, puisqu'il avait eu les moyens de s'acheter quelques années plus tôt une charge de syndic perpétuel de son village, soit plusieurs centaines de livres. Le couple a attendu la dispense vaticane qui est arrivée juste à temps pour permettre la célébration nuptiale avant l’accouchement de la promise. lol

On voit bien là, par cet exemple, que le respect de la législation canonique n'empêche pas les individus de se marier comme ils le souhaitent, anticipant même les délais d'instruction des administrations, car ils sont généralement sur de leurs bons droits.

Auteur :  Lorelei [ 25 Fév 2015 11:21 ]
Sujet du message :  Re: Inceste or not inceste ?

Sans doute faut – il se méfier car il y avait aussi des parentés « spirituelles » ainsi il était interdit à un parrain et une marraine de se marier de même qu'un parrain et une filleule.

J’ai trouvé une thèse qui parle de fraternité artificielle.
http://theses.univ-lyon2.fr/documents/g ... art=330129

http://www.persee.fr/web/revues/home/pr ... 7_2_279056

https://books.google.fr/books?id=v8vwhS ... 0.&f=false

Auteur :  Tolan [ 25 Fév 2015 15:21 ]
Sujet du message :  Re: Inceste or not inceste ?

J'ai un ancêtre qui s'est marié avec la fille de la femme de son frère.
Dans l'acte de mariage, il n'est pas spécifié qu'il y a eu dispense d'affinité.
Le lien était connu du curé puisqu'il marque dans l'acte "en précence de René Granger frère du contractant et beau-père de la contractante"

On est peut-être dans le cas cité par Barbetorte: "l'affinité est personnelle, elle ne se transmet pas"

Auteur :  Barbetorte [ 25 Fév 2015 23:27 ]
Sujet du message :  Re: Inceste or not inceste ?

Même si la question d'une dispense ne devrait pas se poser dans la situation envisagée, j'ai recherché quels étaient les motifs de dispense acceptables. C'est assez assez amusant.

Au dix-huitième siècle, il semble que les divers auteurs reprennent tous un canoniste faisant autorité, Pyrrhus Corradus, décédé à la fin du dix-septième siècle, qui distinguait 26 motifs. En résumé :

- La petitesse du lieu : lorsqu'une fille demeure dans un lieu si resserré (moins de 300 feux), qu'eu égard à l'étendue de sa famille, ou à son bien, à sa condition, à ses moeurs, à son âge, elle ne peut trouver qu'un de ses parents qui lui conviennent. Cette raison ne peut servir ni à un garçon ni à une fille de la lie du peuple.

- Le défaut ou la modicité de la dot : lorsqu'une fille ne peut espérer trouver un parti présentable pour cette raison et qu'un parent ou un allié veut bien la prendre avec ce qu'elle a. Une fille est regardée comme n'ayant pas une dot compétente, quoiqu'elle ait une dot assez considérable, mais si embarrassée de chicanes et de procès, qu'elle risque de la perdre en tout ou partie, à moins qu'elle n'épouse un de ses parents qui, par son application et ses talents, saura mettre ordre dans les affaires de sa femme.

- Le bien de la paix : lorsqu'un mariage permet l'extinction d'un procès, la cessation de l'inimitié, la fin du scandale, la confirmation de la bonne intelligence.

- L'âge avancé d'une fille qu'aucun étranger n'a encore recherché en mariage. Une fille est d'âge avancé à partir de 24 ans. Cette raison ne peut servir à une veuve.

- Le danger de mort : lorsqu'une fille a son bien au bord de la mer, dans un lieu exposé aux courses des pirates ; ou bien si elle demeure dans un canton où les Hérétiques la pillent ou la maltraite et qu'aucun étranger ne veuille partager avec elle le péril de son domicile.

- La crainte ou le danger de l'erreur et de la séduction : lorsque dans une ville il y a tant d'Hérétiques qu'il faut ou qu'une fille ne se marie jamais ou qu'elle se marie avec l'un d'eux si elle n'épouse un de ses parents.

- La conservation des biens dans une illustre famille.

- Le service qu'une maison a rendu ou pourra rendre à l'Eglise.

- La besoin qu'a une veuve d'épouser un parent riche qui prendra soin de l'éducation des enfants qu'elle a eu du premier mariage.

- Pour certaines causes raisonnables.

- Officialiser une liaison, surtout si des enfants en sont nés.

C'est ce qui était admis dans l'Eglise postérieure au concile de Trente. Au quatorzième siècle, il en était probablement un peu autrement.

Auteur :  Sitheil [ 05 Avr 2015 15:24 ]
Sujet du message :  Re: Inceste or not inceste ?

J'aurais une question du même ordre: fallait-il une dispense pour que deux frères épousent deux soeurs (sans liens de parenté par ailleurs) ?

Auteur :  Tolan [ 05 Avr 2015 15:52 ]
Sujet du message :  Re: Inceste or not inceste ?

Sitheil a écrit :
J'aurais une question du même ordre: fallait-il une dispense pour que deux frères épousent deux soeurs (sans liens de parenté par ailleurs) ?


Non, puisque l'affinité n'est que pour l'un des mariés, et ne concerne plus sa famille (depuis Innocent III).
Par contre, un veuf ne pouvais pas épouser la soeur de sa femme décédée sans dispense

Auteur :  Pierma [ 05 Avr 2015 18:40 ]
Sujet du message :  Re: Inceste or not inceste ?

Mon grand-père et ses deux frères ont épousé 3 soeurs. Je crois que chaque couple a été garçon/fille d'honneur du mariage précédent.

Je crois que c'était relativement courant. A la génération suivante, il y a deux cas de mariage entre soeurs ou cousines avec les deux frères.

Aucun inconvénient génétique, si ce n'est qu'il vaut mieux éviter les mariages entre cousins par la suite.

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