Canard fou a écrit :
Citer :
Sur le plan politique,peut-on dire que la "reconquête" (Reconquista) de la péninsule ibérique a marqué le début des Grandes Découvertes ?
Non.
La Reconquista débute avec la victoire de Covadonga (722) au cours de laquelle les troupes asturiennes commandées par Pélage ont vaincus les troupes de Munuza.
Le royaume des Asturies est fondé et l'avancée musulmane est stoppée dans la péninsule.
Les Grandes Découvertes débutent au XVème siècle, après la prise de Ceuta (1421), les portugais parviennent à explorer les côtes de l'actuel Sénégal et atteignent le Cap Vert qu'ils colonisent à partir de 1444.
Bref je ne vois pas de rapport entre ces deux grandes périodes historiques si ce n'est que les royaumes ibériques sont impliqués dans l'un et dans l'autre.
Almayrac a écrit :
Moi non plus.
ce qu'on appelle "Grandes Découvertes" résulte de la volonté des commerçants occidentaux et en particulier italiens d'ouvrir des routes vers l'Inde et la Chine, pour approvisionner les cours royales et nobles anglaise et française alors en concurrence (on est juste après la guerre de Cent-ans) en produits de luxe. Alors qu'au nord, le commerce baltique s'oriente plutôt vers les fabrications sur place (draperie, dentelle).
Ces produits, re-découverts par le biais des croisades, deviennent difficilement accessibles à la fin de la domination franque au levant. Du coup on imagine la route de l'Ouest.
Mais les éléments moteurs dans cette recherche sont plutôt les principautés commerciales, qui déjà s'étaient enrichies sur la route de l'Est (Génes, Venise, Pise, et Amalfi avant elles). Les royaumes ibériques et en particulier le Portugal suivent les routes que les arabes ont tracé avant eux, ils utilisent la voie circum Africa.
Le fait que ce soit d'Espagne que soit parti Christophe Colomb est assez anecdotique, c'est parce qu'il y avait des comptoirs génois en Espagne et il s'en ait fallu de peu que le découvreur de l'Amérique parte de Saint Jean-de-Luz (Les basques pêchaient déjà la morue à terre neuve)
Il existe sur le forum à:
viewtopic.php?f=82&t=24658&hilit=les+grandes+decouvertestoute une discussion portant sur "les Grandes Découvertes" et recouvrant en partie la thématique du lien entre "Reconquista" et "Grandes Découvertes" dont je me permets de vous rapporter les commentaires extraits suivants :
Octavie a écrit :
Le Portugal se lance le premier dans les explorations maritimes, ayant fini sa Reconquista en 1415. Le royaume, pacifié, peut enfin se tourner vers d'autres terres, et notamment le contournement de l'Afrique.
Les Espagnols suivent un peu plus d'un demi-siècle plus tard, une fois le territoire totalement reconquis..
Sir Peter a écrit :
Quand les Portugais s'aventurent le long des côtes africaines,ils recherchent un allié possible, le fameux royaume du prêtre Jean.....pour tourner les Musulmans
Alfred Teckel a écrit :
Oui, enfin, cette affirmation est à nuancer. Les Portugais espèrent trouver le prêtre Jean, du moins un allié chrétien en Afrique, mais ce n'est pas le but de leur exploration. Disons que c'était une potentialité heureuse qu'il se fallait d'envisager, en aucun cas un objectif.
Alain.g a écrit :
Il convient certainement de préciser que le vocable de "Grandes Découvertes" est un concept qui sous-entend une découverte venant récompenser un projet organisé, et suivi d'une occupation durable. Sinon on aura toujours des découvreurs du type des vikings en Amérique ou d'autres, qui posent le pied mais n'ont pas de projet. Colomb, Gama partent avec un projet, des moyens, rédigent un journal, leur découverte est annoncée, publiée, exploitée.
Bergerac a écrit :
Je pense qu'il existe une bonne piste en partant de l'idée de "projet construit" pour essayer de sérier les découvertes et les Grandes Découvertes. C'est d'ailleurs un des ressorts de la première mondialisation, chère à Guzinski : la diffusion du catholicisme. Un intervenant parlait de la fin de la Reconquista comme préalable aux Grandes Découvertes: en effet," la Reconquista" a créé les conditions euphorisantes d'un développement des royaumes catholiques. Ensuite, ces conditions ont été accélérées par la compétition confessionnelle due à la Réforme. Compétition qui amènera les anciens sujets espagnols des Provinces-Unies à se lancer dans cette "Grande Aventure" pour affaiblir la monarchie catholique espagnole.
Alfred Teckel a écrit :
J'ai de sérieux doutes sur le côté religieux présidant aux découvertes. Je pense sincèrement que si l'aspect religieux n'était pas absent, il était loin d'être primordial. Le Portugal d'Henri le Navigateur cherche à "découvrir" au sens le plus vague du terme, à agrandir son territoire par l'adjonction de terres vierges (Madère, Açores, Cap Vert) et de leur mise en valeur, et à développer de nouvelles routes commerciales par un contournement de l'Afrique supposée bien moins longue qu'elle n'est réellement. L'aspect religieux n'est qu'un plus, qu'il s'agisse de conversions sur place (dont je ne sache pas qu'elles furent bien nombreuses là où abordèrent les Portugais, qui avaient semble-t-il l'intelligence à l'époque de s'en tenir au pur commerce et à éviter de se mettre des populations à dos par un zèle missionnaire trop fort) ou de la recherche déjà évoquée du Prêtre Jean.
De même quand l'Espagne se lance dans les découvertes, elle attend certes les circonstances favorables de la fin de "la Reconquista", mais elle ne se lance pas, dans l'euphorie de sa victoire, dans une opération de conversion du monde entier!
Colomb est vu par certains (Crouzet) comme un illuminé un peu fou de Dieu. C'est possible mais Colomb n'est qu'un capitaine et la volonté de ses hommes comme des souverains qui le laisse faire n'est pas fondamentalement religieuse. Encore une fois il s'agit de s'enrichir par le commerce oriental, de s'approprier de nouvelles terres à mettre en valeur, et de doubler le Portugal par cet audacieux pari d'une troisième route vers l'Orient à travers l'Atlantique.
Vous évoquez les Pays-Bas (disons plutôt les Provinces-Unies, cela évitera des confusions) s'y lancent dans le but de se tailler une place majeure dans le grand commerce. Bien sûr, la volonté d'écraser l'Espagne et de profiter de l'occupation espagnole au Portugal pour lui prendre pas mal de ses places est là, mais je ne la sache pas reliée à un zèle missionnaire calviniste particulier. D'ailleurs, les calvinistes dans les anciennes possessions hollandaises doivent être bien peu nombreux.
Alain.g a écrit :
Christophe Colomb avait une motivation religieuse en plus de son ambition. Ses caravelles portent sur leurs voiles d'immenses croix. Mais ce n'est pas effectivement toujours le cas. Quand il y a motivation religieuse, cela n'élimine pas les autres motivations. C'est toujours ainsi d'ailleurs. Chaque grande découverte est une combinaison de motivations.
Hilderik a écrit :
Je ne pense pas que l'aspect religieux ne soit qu'un « plus ».
Au sein de la période concernée, il est à supposer que les acteurs sont de fervents croyants (notamment les rois dont une des vocations est d'étendre la Chrétienté pour la gloire de Dieu) et que leur foi est un moteur de l'expansion; ajoutons à cela la notion de paradis perdu ou vierge....De plus, la dimension religieuse devient (à mon sens) une dynamique essentielle dans ce mouvement puisqu'il s'agit aussi pour les autorités ecclésiastiques de s'approprier (idéologiquement et matériellement parlant) ces nouvelles limites œcuméniques qui remettent en cause la conception du monde....
Alain.g a écrit :
Découvrir des terres comme des inventions comporte des risques importants pour l'ordre des Etats et des religions
L'Europe est passée outre ce risque par esprit de compétition entre ses nombreux Etats. Un grand empire recherche davantage la stabilité qu'une nuée de petits Etats.
Pour revenir aux grandes navigations, elles sont effectivement le fait du Portugal, de l'Espagne, des villes italiennes, des provinces Hollandaises... tout un monde en effervescence et en compétition.
O Condestavel a écrit :
Je constate que la plupart d'entre vous considère comme acquis que les "Grandes Decouvertes" soient à porter au bénéfice des pays et royaumes Européens dans leur ensemble, or moi, je me demande si l'oeuvre et crédit d'un tel mouvement découvreur ne serait à porter (comme moi et la plupart de mes compatriotes portugais le pensons) au premier et véritable instigateur de ces découvertes que fut le Prince Henri "le Navigateur", car sans lui, il n'y aurait pas eu la création de l'école de Sagres, pas plus que de conception de Caravelle, d'Astrolabe, etc etc...
C'est par la réunion en ce personnage des pouvoirs et moyens conférés en tant que Roi du Portugal mais également dirigeant de l'Ordre du Christ (ancien Ordre des Templiers dont le symbole était la Croix rouge portée par les Caravelles de l'époque) qu'une nouvelle vision d'une route maritime vers l'Inde et de découvertes de nouvelles terres a coloniser pour pouvoir agrandir son Royaume (et celui du Christ) s'est faite jour et que ces expéditions s'avéreront des projets d'expansion bien moins coûteux que les tentatives précédentes (par exemple militaire lors de la prise de Ceuta aux Maures).
Sans lui donc, point de découvertes comme on les connait aujourd'hui et je ne pense pas que "les Rois Catholiques" après la fin de "la Reconquista" du territoire espagnol se seraient lancés, sans les perfectionnements technologiques ni l'exemple des succès des découvertes initiales portugaises, à la recherche de voies et expéditions maritimes mais auraient probablement usé et investi toutes leurs ressources et politique vers une expansion ou conquête du Maghreb.
Alfred Teckel a écrit :
Je suis tout à fait d'accord avec vous, il convient de bien remettre en place le rôle primordial du Portugal et d'Henri le Navigateur
Alain.g a écrit :
Oui, le Portugal a été l'initiateur en commençant par progresser le long de la cote africaine et en colonisant les îles atlantiques, ce qu'on a appelé la méditerranée atlantique ou deuxième méditerranée. c'est là que les portugais ont appris la haute mer et acquis des connaissances précieuses.
Et si le Portugal a refusé l'offre de Colomb, c'est parce qu'il était très avancé dans la priorité qu'était pour lui le contournement de l'Afrique vers l'Inde et la Chine, qui se révélera bien plus utile (sur le court terme du moins) que la découverte de l'Amérique.
Les Portugais n'ont pas été les sots que l'on décrit habituellement, dans le refus de suivre Colomb. Ils continuaient leur projet propre avec persévérance et méthode.
Et en ce qui concèrne Colomb, celui-ci ne partait pas découvrir des territoires et il n'a pas eu conscience d'avoir fait une "grande découverte" (ce terme lui est très postérieur) et c'est au Portugal et grâce à son mariage et sa fréquentation des îles atlantiques (colonisées par les portugais) qu'il a appris le métier. Et c'est là, avec des marins portugais, qu'il a découvert le phénomène des vents dans l' Atlantique à l'aller comme au retour. Une information capitale, car il suffit d'aller aux Canaries età partir de là le vent mène à l'ouest.