Évidemment, la mise en ordre intellectuelle est postérieure à la réalité du phénomène, mais elle est le moment où l'on va penser un "ordre féodal" dans le domaine du droit ; dépasser la constatation d'un état de fait pour penser la "féodalité" (le terme n'apparait pas à l'époque) comme un ensemble de principes juridiques permettant de décrire le fonctionnement de relations sociales et politiques dans l'ensemble de la zone géographique concernée. Cette première "intellectualisation systématique" influe sur toute l'action des pouvoirs politiques (royaux mais pas seulement) de la seconde partie du Moyen Âge.
Pour la période des Xe-XIe siècle, le rapport des "princes" (construction historiographique, il s'agit des vassaux immédiats de la couronne possédant eux-mêmes des vassaux à la tête d'autres hiérarchies féodales) avec le pouvoir royal semble s'organiser beaucoup plus autour du rapport de force que d'une application des principes de fidélité féodaux. Mais c'est aussi le cas pour les "bas niveaux" féodaux : si le comte de Toulouse n'est pas un fidèle ardent du roi de France, le vicomte Trencavel ne l'est pas plus par rapport au comte, et les seigneurs de Lunel par rapport au vicomte. Les rapports féodaux ne sont qu'une composante des rapports de domination, juxtaposés à d'autres liens, comme les conventions, les achats, les dons, les promesses. Un bon exemple est le texte de Raoul de Cambrai : l'histoire est parcourue de trahisons, meurtres, rébellions, mais pour autant les liens féodaux sont présents. Le récit s'achève sur la mort de Bernier, qui vient d'exprimer ses regrets d'avoir tué Raoul, qui était son seigneur, ledit Raoul ayant tué la mère de Bernier lors de l'incendie d'un monastère. Le lien féodal venant symboliquement supplanter le lien familial.
_________________ Ira principis mors est
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