Le postulat de base de ce sujet, comme déjà dit, est totalement anachronique et hors de propos.
La patrie, c'est une notion qui a 2 siècles....
Même le sentiment d'appartenance nationale, ça a commencé il y a 500 ans, et encore, ça n'est une réalité que depuis 2, 3 siècles.
Aliénor d'Aquitaine était la descendante d'une puissante lignée de ducs qui, éloignés de Paris et du domaine royal (territoire sur lequel le roi avait réellement du pouvoir aux XIème et XIIème siècles, et qui se réduisait à peau de chagrin soit à peine l'Ile de France actuelle).
Ces ducs régnaient sur l'Aquitaine, qui avec le comté de Toulouse et une partie de la Catalogne formaient l'Occitanie médiévale qui connut, aux Xième et XIIème toujours, un essor culturel (autour de la langue occitane et des troubadours, le fin amor devenant un phénomène à l'échelle de l'Europe) et économique considérable (au début du XIIème siècle, Limoges, par exemple, est une ville prospère et comparable à Paris en terme de taille et de population....sisi, je vous jure, avec l'appui de grosses et puissantes abbayes), et qui, éloignée des centres de pouvoirs, avait conservé certaines spécificités sociales et juridiques (droit écrit, seigneuries gérées en indivision....etc) et qui était plutôt devenue jalouse de son autonomie, ce qui explique en grande partie qu'elle a très mal toléré la houlette des Plantagenêts, puis des Capétiens (qui ont réglé le problème avec la croisade contre les albigeois).
Ça c'est pour le contexte. Là dessus, ne reste des ducs d'Aquitaine qu'une héritière, Aliénor, "le plus beau parti de France" (car rapportant l'Aquitaine à l'heureux élu qui l'épouse). Au début, c'est Louis VII qui remporte le "gros lot" (si vous me passez l'expression!), mais à cause de tout un tas de choses (le décalage culturel entre la cour austère des rois de France à cette époque et les cours (surnommées "cours d'amour" où s'épanouit l'art des troubadours) de Poitiers ou Bordeaux n'y est pas pour rien), ça ne marche pas, et c'est Henri Plantagenêt qui finit par mettre la main sur l'Aquitaine, Henri Plantagenêt qui est avant tout comte d'Anjou, mais qui par une étonnante série de mécanismes féodaux (en grande partie grâce aux pions que son père, Geoffroy, a placé, notamment du côté de Henri Beauclerc, dernier héritier de Guillaume le Conquérant mort sans héritier mâle) devient également duc de Normandie et roi d'Angleterre, rien que ça.....
Mais soyons clairs, Henri II et ses fils (dont Richard Coeur de Lion) ne mettaient que très rarement les pieds en Angleterre, qu'ils ne voyaient que comme une partie éloignée, et presque dispensable (peut-être pas, surtout à partir du moment où les Iles Brittaniques deviennent leur refuge devant l'avancée Capétienne) de leur immense domaine. Ils ne parlaient d'ailleurs pas anglais.... il s'agissait de seigneurs "français" (et encore, ça ne veut pas dire grand chose à l'époque. La langue maternelle de Richard est d'ailleurs l'Occitan, celui-ci ayant été élevé dans les cours de Bordeaux, Poitiers et ayant été couronné duc d'Aquitaine à Limoges....) ayant réussi à surpasser le roi en terme de puissance et d'influence (et c'était déjà le cas de grands personnages comme Guillaume le Conquérant ou Foulques Nera).
On est dans un contexte purement féodal: la société d'organise autour de liens d'hommes à hommes et d'intérêts privés (le royaume est avant tout considéré comme la propriété du roi, comme son domaine, pas comme une entité dépassant ces intérêts privés), la notion d'Etat, et encore moins d'Etat centralisé, n'existe pas si ce n'est dans un vague souvenir de Rome. Il n'y a pas d'administration royale (ça viendra avec Philippe Auguste), pas d'appareil d'Etat, pas d'armée royale (l'ost du roi n'est rien d'autre qu'une armée féodale comme peuvent en rassembler tous les autres grands seigneurs)....etc.
Donc les histoire de fidélité à la patrie, c'est totalement hors de propos....
Mais si il fallait vraiment trouver quelque chose d'approchant, Aliénor devait avoir bien plus à cœur de défendre l'Aquitaine que quoi que ce soit d'autre (elle a fini sa vie à Fontevraut).
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