Nous sommes actuellement le 19 Avr 2024 2:54

Le fuseau horaire est UTC+1 heure




Publier un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 41 message(s) ]  Aller vers la page Précédent  1, 2, 3  Suivant
Auteur Message
Message Publié : 17 Nov 2015 19:15 
Hors-ligne
Polybe
Polybe

Inscription : 23 Mai 2015 14:22
Message(s) : 103
Il me semble qu'il y a une grande part de surnaturel, de magie non issus de Dieu, donc non chrétiens dans cette mythologie ? Je ne sais si cela était vraiment applaudi par l'Eglise.
Après peut-être que la teneur tout de même assez chrétienne de cette fiction amenait l'Eglise à tolérer.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 18 Nov 2015 6:52 
Hors-ligne
Jean Froissart
Jean Froissart
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 24 Mars 2010 16:23
Message(s) : 1054
Localisation : Paris
Vous faites un raccourci, il me semble : la magie, en tant que telle et dans les textes, ne relève pas de ce qui est chrétien ou de ce qui ne l'est pas. Elle est une manifestation des puissances surnaturelles : ainsi, un peu comme le pharmakon antique, cette magie se retrouve dans une tension, une lutte entre le Bien et le Mal. L'Eglise n'a pas systématiquement rejeté l'emploi de la magie, mais celle-ci ne se retrouve que dans les textes : ainsi, il n'y a pas de rejet, au contraire, des "tours de magie" que l'on pouvait trouver, par exemple, dans l'épisode entre Moïse et le Grand Prêtre de Pharaon ; ce n'est pas l'usage mais la perspective dans laquelle on en use qui peut être condamnée.

Pour ce qui est de la différence entre Renaissance et Moyen-Age, je ne serais pas aussi catégorique : le Moyen-Age entretient lui aussi des textes "anciens", des "classiques" en ce sens, et s'applique à les étudier en tant que références. Là où les deux différent, et je suis d'accord avec vous, c'est bien dans la restitution littérale et "pure" (il y a et il y aura toujours une altération des textes anciens tant que l'on a pas à sa disposition un original) de ces textes ; d'autre part, la Renaissance s'arroge (la personnification est ici un peu hypocrite) souvent la constitution d'un corpus classique en oubliant à qui elle doit ces ensembles : le Moyen-Age dispose aussi de sources anciennes. En d'autres termes, si le regard porté sur les œuvres change considérablement, il n'en demeure pas moins que le Moyen-Age avait, lui aussi, constitué ses références littéraires et ses "grilles de lecture" : ainsi, si la Renaissance adopte plutôt Cicéron, le Moyen-Age préfère nettement Quintilien, là où elle glorifie Tacite et Suétone, il se passionne pour Appien et Dion Cassius, elle s'amourache d'Horace mais il aimait déjà Ovide, elle a Platon pour elle, il a Aristote pour lui.

Bref, je me suis un peu éloigné du sujet et j'y reviens : pour ce qui est de la censure, il me semble qu'il faut être très prudent dans la mesure où l'on peut regrouper sous elle bien des "manipulations". Sur le fond commun entre clercs et laïcs, celui-ci va de soi, mais il ne faut pas oublier que, du point de vue des croyances, le Moyen-Age est infiniment plus tolérant (encore un mot à prendre avec des pincettes) que la Renaissance ou l'ère classique. Ainsi, le rire peut très bien aller d'un côté comme de l'autre : j'attire l'attention sur le nombre et la nature de fabliaux mais aussi de grands textes (je pense notamment au Roman de la Rose de Jean Renart) où l'on croise figures historiques, fictives, fantasmées ou réelles. Il n'y a donc pas, à proprement parler de rupture entre la culture laïque et la culture cléricale, seulement une différence d'appréhension.

Je me rends compte que je n'ai peut-être pas été très clair dans ma précédente question, à savoir pourquoi l'Europe médiévale aurait subitement rejeté son fond païen. Je pensais en l'occurrence à la position des Pères de l'Eglise - et l'on ne pourra pas dire d'eux qu'ils ont été oubliés par le Moyen-Age ! - et à l'esthétique chrétienne qui se développe entre le IIIème et le Vème siècle : les œuvres païennes y sont largement déployées et l'on tire une véritable légitimité, une position de force, en citant littéralement ou en transformant légèrement les figures. J'ai donc du mal à comprendre pourquoi l'Eglise rejetterait un fond culturel qu'elle a toujours revendiqué : si l'Empire romain d'Occident disparaît (et j'insiste sur le mot car il n'y a pas d'effondrement, selon moi), l'Eglise, elle, ne disparaît pas. Elle assure au contraire une continuité qui ne prendra véritablement fin qu'à partir, précisément, de la Renaissance et de la remise en cause massive de l'autorité papale. Par conséquent, même s'il peut y avoir des différences de traitement selon les époques et les lieux (plus encore selon les lieux d'ailleurs), l'Eglise médiévale n'a pas inscrit dans ses gènes une haine et une lutte contre les fondements païens de sa tradition.

_________________
Il n'y a pas de littérature sans liberté politique

Memoriam quoque ipsam cum voce perdidissemus, si tam in nostra potestate esset oblivisci quam tacere


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 20 Nov 2015 18:25 
Hors-ligne
Polybe
Polybe

Inscription : 23 Mai 2015 14:22
Message(s) : 103
Arcadius a écrit :
Vous faites un raccourci, il me semble : la magie, en tant que telle et dans les textes, ne relève pas de ce qui est chrétien ou de ce qui ne l'est pas. Elle est une manifestation des puissances surnaturelles : ainsi, un peu comme le pharmakon antique, cette magie se retrouve dans une tension, une lutte entre le Bien et le Mal. L'Eglise n'a pas systématiquement rejeté l'emploi de la magie, mais celle-ci ne se retrouve que dans les textes : ainsi, il n'y a pas de rejet, au contraire, des "tours de magie" que l'on pouvait trouver, par exemple, dans l'épisode entre Moïse et le Grand Prêtre de Pharaon ; ce n'est pas l'usage mais la perspective dans laquelle on en use qui peut être condamnée.

Euh le Graal est il me semble directement d'inspiration chrétienne. Il me semble que c'est Chrétien de Troyes qui l'introduit dans l'univers arthurien. C'est pour cela que je disais que ce genre d'éléments étaient de nature à plaire à l'Eglise.
Quant à Moïse, forcément ses miracles n'intriguaient pas l'Eglise puisque leur source était la Bible.
Il est faux de dire que seule la perspective de la "magie" comptait. Toutes pratiques suspectes pouvaient être apparentées à de la sorcellerie. Dans ce cas, c'était les accusateurs qui décidaient qu'une personne oeuvrait pour le diable, et non la victime elle-même qui le revendiquait, sauf dans certains cas.
Après, je ne cherche pas à exagérer le phénomène. Aucune étude historique n'indique de massacres à grande échelle dans le cadre de faux procès en sorcellerie (je mets de côté cathares et templiers car la politique et la religion sont les vrais motifs de leur élimination).


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 20 Nov 2015 18:49 
Hors-ligne
Jean Froissart
Jean Froissart
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 24 Mars 2010 16:23
Message(s) : 1054
Localisation : Paris
Nous ne nous sommes pas compris : la discussion ne porte pas sur les procès pour sorcellerie ou la position de l'Eglise sur ceux qui étaient convaincus ou non d'user de la magie, mais bien sur la mesure dans laquelle l'Eglise tolérait une littérature emprunte d'éléments païens.

_________________
Il n'y a pas de littérature sans liberté politique

Memoriam quoque ipsam cum voce perdidissemus, si tam in nostra potestate esset oblivisci quam tacere


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 21 Nov 2015 9:58 
Hors-ligne
Marc Bloch
Marc Bloch

Inscription : 10 Fév 2014 7:38
Message(s) : 4452
Localisation : Versailles
L'article "merveilleux " ( de Francis Dubost) du dictionnaire du moyen âge de Claude Gauvard contient quelques indications utiles à notre débat. Notamment des noms de théologiens qui ont critiqué le merveilleux non chrétien (greco romain ou "breton") comme détournant le lecteur de la voie menant vers le vrai Dieu.

Il ne semble pas que ces critiques d'intellectuels aient débouché sur des sanctions plus formelles. Selon cet article les lecteurs savaient distinguer les miracles chrétiens (tenus pour authentiques) du merveilleux reconnu comme fictif.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 23 Nov 2015 17:15 
Hors-ligne
Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 28 Déc 2011 12:34
Message(s) : 2210
Localisation : St Valery/Somme
Arcadius a écrit :
mais bien sur la mesure dans laquelle l'Eglise tolérait une littérature emprunte d'éléments païens.

Il y a dans ces légende un aspect moral voire même édifiant pour l'église. Arthur est un rois paîen qui sera sauvé physiquement par le graal mais dont l'ame ne sera pas sauvé puisqu'à sa mort il rejoint les forces de la nature (la dame du lac, Avallon). Dans la légendes des "chasses d'Arthur" (qui devait être à l'origine la chasse sauvage de Wotan) Arthur et ses chevaliers venant du monde paîen sont condamnés à érrer les soir de tempête pour rappeler aux chrétiens que les vertues chevaleresques (courage, droiture obéissance) ne suffisent pas s'il n'y a pas la foi.
La morale chrétienne est sauve à chaque fois.

Jerôme a écrit :
L'article "merveilleux " ( de Francis Dubost) du dictionnaire du moyen âge de Claude Gauvard contient quelques indications utiles à notre débat. Notamment des noms de théologiens qui ont critiqué le merveilleux non chrétien (greco romain ou "breton") comme détournant le lecteur de la voie menant vers le vrai Dieu.

le compte merveilleux est plus tardif (typiquement Grimm et Perault) : sa principale caractéristique est que les données du monde surnaturel sont acceptées comme allant de soi par le lecteur, on observe de sa part une confiance, une crédulité, l'auteur ayant bien ménagé l'arrivée du merveilleux pour qu'il passe inaperçu. Personne ne s'étonnera donc dans un conte de fées de l'existence de dragons ou des sorcières. Existances qui étaient prises très aux serieux au moyen-age.
Il y a des personnages archétypiques qui racontent une initiation ou une critique sociale.
Dans ce sens il y a pu avoir des critiques de la part de clercs. Mais dans quel contexte et à quelles dates ?

_________________
Lietz her heidine man. Obar seo lidan.
Thiot urancono. Manon sundiono.
(Il permit que les païens traversassent la mer, Pour rappeler aux Francs leurs péchés)


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 23 Nov 2015 22:29 
Hors-ligne
Jean Froissart
Jean Froissart
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 24 Mars 2010 16:23
Message(s) : 1054
Localisation : Paris
Almayrac a écrit :
Personne ne s'étonnera donc dans un conte de fées de l'existence de dragons ou des sorcières. Existances qui étaient prises très aux serieux au moyen-age


Permettez-moi d'en douter très fortement : j'ai du mal à voir comment vous pouvez justifier ce genre de croyance - et même de crédulité - sur une période aussi large et profonde (dans tous les sens du terme) que le Moyen-Age.

_________________
Il n'y a pas de littérature sans liberté politique

Memoriam quoque ipsam cum voce perdidissemus, si tam in nostra potestate esset oblivisci quam tacere


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 24 Nov 2015 12:05 
Hors-ligne
Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 23 Mars 2005 10:34
Message(s) : 2297
Localisation : Nanterre
Arcadius a écrit :
Permettez-moi d'en douter très fortement : j'ai du mal à voir comment vous pouvez justifier ce genre de croyance - et même de crédulité - sur une période aussi large et profonde (dans tous les sens du terme) que le Moyen-Age.
Il est intéressant de voir comment les récits évoluent avec les époques : les éléments fantastiques se résorbent pour se concentrer sur des personnages humains et leurs rapports entre eux.

Les Mabinogion celtiques abondent en personnages fantastiques. Chez Chrétien de Troye ou le Lancelot en Prose, il n'y a plus que des châteaux, des vavasseurs, des pucelles et des félons, ainsi qu'une petite dose de nains ;) .
Les aventures sont rythmées par des passages de fleuves (Pont de l'Épée...) que seule l'interprétation fait évoquer des passages dans le royaume des morts ou un monde irréel.

Arcadius a écrit :
Aussi cette "tolérance" de l'Eglise à l'égard de ces figures n'est-elle pas si étonnante que cela dans la mesure où elles entretiennent une sorte de ferveur (mue par l'admiration et la crainte) autour de valeurs morales fondamentales.
La tolérance vient également de ce que l'Église n'a pas son mot à dire ! Au Moyen Âge, moins qu'aux Temps Modernes, elle n'exerce aucun contrôle sur la vie littéraire, surtout la littérature romanesque, apanage des seigneurs, pas plus que sur les chansons de troubadours.

Ces livres professent les idéaux de la noblesse, qui ne sont pas forcément ceux de l'Église : être loyal avec le seigneur, cruel avec l'ennemi, sauver le faible, mais massacrer le félon.

_________________
Qui contrôle le passé contrôle l'avenir.
George Orwell


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 24 Nov 2015 13:03 
Hors-ligne
Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 28 Déc 2011 12:34
Message(s) : 2210
Localisation : St Valery/Somme
Arcadius a écrit :
Almayrac a écrit :
Personne ne s'étonnera donc dans un conte de fées de l'existence de dragons ou des sorcières. Existances qui étaient prises très aux serieux au moyen-age


Permettez-moi d'en douter très fortement : j'ai du mal à voir comment vous pouvez justifier ce genre de croyance - et même de crédulité - sur une période aussi large et profonde (dans tous les sens du terme) que le Moyen-Age.


Je ne suis pas un spécialiste mais je pense que les responsables de cette exposition à la BNF le sont.
http://expositions.bnf.fr/bestiaire/expo/salle1/index.htm

Citer :
Dans une société où les déplacements sont limités, la distinction entre animaux mythiques et exotiques n'existe pas. Griffons, licornes et sirènes sont aussi réels que crocodiles et éléphants.


Citer :
Même les animaux familiers font l'objet de récits fabuleux : la belette n'est-elle pas censée concevoir par l'oreille et mettre bas par la bouche, ou le pélican ramener ses petits à la vie avec son propre sang ?


Et c'est vrai que pendant tout le moyen age la crédulité du sens commun est assez confondante. Je pense que les croisades puis les grandes découvertes ont peu à peu diminué cette crédulité qui disparait complétement sous les lumières.

Dans l'histoire naturelle de pline il y a un chapitre sur les dragons :
Pline a écrit :
L'Afrique produit des éléphants au delà des déserts des Syrtes et dans la Mauritanie. Il y en a dans l'Éthiopie et la Troglodytique, comme nous l'avons dit (VIII, 8); mais les plus grands sont dans l'Inde, et ils sont perpétuellement en guerre avec des dragons assez grands eux-mêmes pour les envelopper sans peine de leurs replis, et les serrer comme dans un nœud : les deux combattants succombent: le vaincu, dans sa chute, écrase par son poids le serpent roulé autour de lui.

_________________
Lietz her heidine man. Obar seo lidan.
Thiot urancono. Manon sundiono.
(Il permit que les païens traversassent la mer, Pour rappeler aux Francs leurs péchés)


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 24 Nov 2015 13:49 
Hors-ligne
Jean Froissart
Jean Froissart
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 24 Mars 2010 16:23
Message(s) : 1054
Localisation : Paris
Comme quoi, on s'emporte facilement quand on en sait pas assez :mrgreen: Mes excuses, Almayrac ! Et merci à Nebuchadnezar pour ces explications.

_________________
Il n'y a pas de littérature sans liberté politique

Memoriam quoque ipsam cum voce perdidissemus, si tam in nostra potestate esset oblivisci quam tacere


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 24 Nov 2015 23:50 
Hors-ligne
Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 27 Déc 2013 0:09
Message(s) : 2243
Almayrac a écrit :
Et c'est vrai que pendant tout le moyen age la crédulité du sens commun est assez confondante. Je pense que les croisades puis les grandes découvertes ont peu à peu diminué cette crédulité qui disparait complétement sous les lumières.
Si l'on fait abstraction de l'astrologie, de la voyance et du spiritisme. Victor Hugo faisait tourner des tables à Guernesey et j'ai entendu dire qu'un ancien président de la république consultait une voyante.

Quand je vois l'exubérance des peintures de Jérôme Bosh et celle des statuaires romane et gothique, je ne m'étonne pas de ce qu'il peut y avoir de fantastique dans les légendes arthuriennes. C'était l'esprit du temps, loin de l'austère rationalisme de l'époque moderne et c'était sans conséquence. Le roi Arthur et les chevaliers de la Table Ronde n'ont suscité ni nouveau culte, ni hérésie, ni contestation de l'autorité du clergé. Même si quelques théologiens se sont crus obligés de faire des rappels, il n'y avait pas lieu de combattre ces légendes comme l'hérésie cathare qui présentait, elle, une véritable menace. Il n'y avait pas plus d'inconvénient à les raconter qu'il n'y en a aujourd'hui à laisser croire ses enfants au Père Noël dans le même temps qu'on leur fait apprendre le catéchisme.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 25 Nov 2015 11:16 
Hors-ligne
Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 23 Mars 2005 10:34
Message(s) : 2297
Localisation : Nanterre
Almayrac a écrit :
Et c'est vrai que pendant tout le moyen age la crédulité du sens commun est assez confondante. Je pense que les croisades puis les grandes découvertes ont peu à peu diminué cette crédulité qui disparait complétement sous les lumières.
Je nuancerais un peu. Il suffit d'aller en Afrique pour comprendre comment les gens peuvent vivre dans un monde magique environnés de forces étranges.
Saviez-vous que pour les Camerounais, les Béninoises sont des sorcières qui reviennent d'entre les morts ? lol

Ceci n'a rien à voir avec la religion : on sait que des phénomènes inexpliqués arrivent, et des animaux fantastiques existent. Tout le monde connaît quelqu'un qui a vu quelqu'un qui en a été témoin ;)

Dans un monde où 80% des gens s'éloignent de moins de 15 km de leur lieu de naissance, il est normal qu'ils soient friands d'histoire fantastiques, que personne ne pourra contredire. De toutes façons, les connaissances sur la biologie sont embryonnaires, et les milieux "instruits" ne sont pas vraiment en mesure de les détromper.

_________________
Qui contrôle le passé contrôle l'avenir.
George Orwell


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 25 Nov 2015 18:07 
Hors-ligne
Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 28 Déc 2011 12:34
Message(s) : 2210
Localisation : St Valery/Somme
En fait ce qui manque avant le XVIIIème c'est l'esprit scientifique selon Bachelard.
Le mythe archétypal crée un véritable obstacle épistémiologique.
Citer :
L'obstacle épistémologique est un concept inventé par le philosophe Gaston Bachelard dans La formation de l'esprit scientifique en 1938, désignant ce qui vient se placer entre le désir de connaître du scientifique et l'objet qu'il étudie. Cet obstacle l'induit en erreur quant à ce qu'il croit pouvoir savoir du phénomène en question. Il est pour Bachelard interne à l'acte de connaître puisque c'est l'esprit qui imagine des explications aux choses.
Pour tout esprit scientifique en formation souhaitant lutter contre les obstacles épistémologiques, Bachelard préconise quatre impératifs : réaliser une catharsis intellectuelle et affective, réformer son esprit, refuser tout argument d'autorité et laisser sa raison inquiète.


Je reprend le cas de Pline qui est assez édifiant. Pline dans sa vision de la lutte entre l'éléphant et le serpent mélange des concepts esthétiques, symbolique, moraux et scientifiques.

L'esthétique c'est celle d'Hercule contre l'Hydre ou Laocoon et ses deux serpents, un corps musculeux rigide et tordus en oposition avec un corps ophidien extrémement souple. Pline a vu de nombreuses scupltures gréco-romaine sur ce thème et il a due se dire "un dragon contre un éléphant ça aurait de la gueule !"

La symbolique : la lutte des forces souteraines (chtonienne) contre l'impérium (le symbole de César est l'éléphant).

La morale : lorsque deux adversaires sont invincibles leur combat abbouti à la mort des deux.

et la science : l'afrique produit des éléphants etc ... A noter que quand il dit que les plus grand sont en Inde, il a raison car à son époque les éléphants du magrehb utilisé par Hannibal sont une espèce forestière de Loxodont assez petite.

Repris par les chrétiens du haut moyen age ça donne cela :
Citer :
la femelle met bas dans l'eau d'un étang à côté duquel le mâle monte la garde pour écarter le dragon. Son tempérament est frigide, il ne peut engendrer qu'après avoir absorbé, en guise d'aphrodisiaque, une racine de mandragore. Comme il n'a pas de Fiel il est constant, maitre de soi, et symbolise la tempérance, la circonspection et la prudence.

_________________
Lietz her heidine man. Obar seo lidan.
Thiot urancono. Manon sundiono.
(Il permit que les païens traversassent la mer, Pour rappeler aux Francs leurs péchés)


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 26 Nov 2015 22:30 
Hors-ligne
Thucydide
Thucydide

Inscription : 08 Juin 2007 11:48
Message(s) : 52
Quintero a écrit :
Arcadius a écrit :
Vous faites un raccourci, il me semble : la magie, en tant que telle et dans les textes, ne relève pas de ce qui est chrétien ou de ce qui ne l'est pas. Elle est une manifestation des puissances surnaturelles : ainsi, un peu comme le pharmakon antique, cette magie se retrouve dans une tension, une lutte entre le Bien et le Mal. L'Eglise n'a pas systématiquement rejeté l'emploi de la magie, mais celle-ci ne se retrouve que dans les textes : ainsi, il n'y a pas de rejet, au contraire, des "tours de magie" que l'on pouvait trouver, par exemple, dans l'épisode entre Moïse et le Grand Prêtre de Pharaon ; ce n'est pas l'usage mais la perspective dans laquelle on en use qui peut être condamnée.

Euh le Graal est il me semble directement d'inspiration chrétienne. Il me semble que c'est Chrétien de Troyes qui l'introduit dans l'univers arthurien. C'est pour cela que je disais que ce genre d'éléments étaient de nature à plaire à l'Eglise.
Quant à Moïse, forcément ses miracles n'intriguaient pas l'Eglise puisque leur source était la Bible.
Il est faux de dire que seule la perspective de la "magie" comptait. Toutes pratiques suspectes pouvaient être apparentées à de la sorcellerie. Dans ce cas, c'était les accusateurs qui décidaient qu'une personne oeuvrait pour le diable, et non la victime elle-même qui le revendiquait, sauf dans certains cas.
Après, je ne cherche pas à exagérer le phénomène. Aucune étude historique n'indique de massacres à grande échelle dans le cadre de faux procès en sorcellerie (je mets de côté cathares et templiers car la politique et la religion sont les vrais motifs de leur élimination).


En fait il me semble qu'aucun texte ne mentionne le Graal avant Chrétien de Troyes qui l'a inventé!

_________________
Veni, Vidi, vici!


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 27 Nov 2015 13:09 
Hors-ligne
Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 28 Déc 2011 12:34
Message(s) : 2210
Localisation : St Valery/Somme
Cliobis a écrit :
En fait il me semble qu'aucun texte ne mentionne le Graal avant Chrétien de Troyes qui l'a inventé!


Chrétien s'est inspiré de légendes galloises et d'un vieux fond paîens celtique irlandais.

Au départ vers 200 av JC on à une pièce archéologique : le chaudron Gundestrup
Image ou est représenté le Dieux Cernunnos et un géant qui plonge des guerriers morts dans un chaudron afin de les ressusciter.

Dans la mythologie celtique du Tuatha Dé Danann, le chaudron du Dagda (Druide suprème) peut, donner de la nourriture pour un millier d'hommes, donner le savoir universel à celui qui goûte de son contenu ou encore ressusciter les morts. On est trés proche des attributs du Graal. On trouve cela dans le "Cath Maighe Tuireadh" (Bataille de Mag Tuired) daté du XIe siècle qui fait partie du cycle du "Lebor Gabála Érenn" (Livre des conquêtes de l'Irlande) qui appartient aux « Annales irlandaises ».

ça c'est pour une petite partie du fond mythologique sur lequel s'appuie les légendes de Merlin et d'Arthur (un peu comme le Silmarillion sert de base mythologique au Seigneur des Anneaux).
Aprés on retrouve l'histoire de ce chaudon dans l'histoire de Taliesin dans le "Livre de Taliesin", un recueil de poèmes manuscrits du Xe siècle. En fait tout ce fond mythologique est écrit entre le IXème et le XIème siècle mais il est probable que la composition de ces poèmes ou de ces chants soit transmises par voie orale depuis le IV-Vème siécle la période historique de la légende attesté par Gildas (De Excidio et Conquestu Britanniae) en 550 et repris par Nennius (Historia Brittonum écrite au IXe siècle). Ces deux derniers auteurs nous parle d'Ambrosinus qui semble une synthèse indifférentiée de Merlin et Arthur.

Aprés avec Myrddin on se raproche d'Arthur : son introduction dans la légende arthurienne est faite par Geoffrey de Monmouth. Le personnage est trés liés au pratiques chamanique et l'utilisation de chaudron magique est assez courante.

Quand à Perceval, Chretien de Troyes s'inspire de la légende de Peredur le naif qui vit isolé dans la forêt maintenut dans l'ignorance de ce qu'est la chevalerie.
Le "roi pécheur" le gardien du graal, véritable création de Chrétien, semble inspiré par la tradition celtique avec Finn Mac Cumaill à l'origine de Taliesin ou il est question du chaudron et d'un saumon de la sagesse.
Il pourrait s'agir aussi d'une figure plus ou moins dérivée de Nodens, dieu des morts, qui pêchait les âmes des morts telles des poissons, et de Bran le Béni, qui possède également un chaudron pouvant redonner vie.

L'évolution suivante du Roi pêcheur se trouve dans Joseph d'Arimathie de Robert de Boron, qui établit la première connexion entre le Graal et Jésus-Christ.

Mon intérogation est : comment toutes ces légendes galloise, bretonne et irlandaise qui constitue à cette époque une amorce de ce qu'on appelera plus tard "la matière de bretagne" arrive a Troyes. Chrétien cite ses sources de façon imprécise certes mais il avoue lui même qu'il n'est pas l'"inventeur" du graal. Il s'agit d'un livre conservé dans la bibliothèque Saint-Pierre de Beauvais et d'un livre donné par Philippe de Flandre et dans lequel est fait mention du Graal.

Donc il faudrait rechercher la sources du graal dans un vieux manuscrit à Gand en Belgique. B)

_________________
Lietz her heidine man. Obar seo lidan.
Thiot urancono. Manon sundiono.
(Il permit que les païens traversassent la mer, Pour rappeler aux Francs leurs péchés)


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Afficher les messages publiés depuis :  Trier par  
Publier un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 41 message(s) ]  Aller vers la page Précédent  1, 2, 3  Suivant

Le fuseau horaire est UTC+1 heure


Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 19 invité(s)


Vous ne pouvez pas publier de nouveaux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas éditer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas insérer de pièces jointes dans ce forum

Recherche de :
Aller vers :  





Propulsé par phpBB® Forum Software © phpBB Group
Traduction et support en françaisHébergement phpBB