Camille l'uchronique a écrit :
Bonjour à tous,
En listant les conjoints des infants et infantes de Castille et d'Aragon au fil des générations dans l'espoir de voir s'il n'y avait pas une famille noble liée à l'une ou l'autre des deux dynasties dont il aurait été intéressant de faire l'arbre généalogique je suis arrivée de fil en aiguille à découvrir avec étonnement ce qu'il convient d'appeler un hold-up dynastique : un étranger mis sur le trône d'Aragon au détriment d'un héritier direct légitime.
Barbetorte a écrit :
Elviktor a écrit :
je vous invite Camille, si vous voulez comprendre lorsque vous examinez ces questions de règlements des successions, à cesser de croire que DE TOUS TEMPS (et en tous lieux de plus) c'est la proximité parentale qui a prévalu. Ca ce sont les règles qui existent aujourd'hui et qui ont été instaurées au fil du temps.
Je ne peux que souscrire. Je pense que Camille est influencée par la règle de succession par ordre de primogéniture mâle qui est devenue loi fondamentale du royaume de France. En France, on a trop tendance à penser que cette règle de succession s'est imposée partout et de tous temps et à considérer comme une anomalie une succession qui n'y est pas conforme. Il faut se rappeler que cette règle ne date que de la succession de Louis X et que les véritables raisons du choix de Philippe VI de Valois au détriment d'Edouard III d'Angleterre et de Jeanne II de Navarre ne sont pas juridiques (la fameuse Loi Salique), mais politiques. Outre qu'Edouard III avait le défaut d'être un prince étranger et que Jeanne II était peut-être issue d'un adultère, ces prétextes ont pu jouer, la vraie raison est vraisemblablement tout simplement que le parti Valois avait réussi à s'imposer. La loi Salique, que des moines érudits ont fort opportunément exhumés de la bibliothèque de l'abbaye de Saint-Denis, n'a été que la justification juridique a posteriori et, à vrai dire, plutôt tirée par les cheveux, du choix de Philippe VI. Les juristes savent faire. C'est leur métier. Un tel processus est courant. Ainsi, lorsqu'au dix-neuvième siècle, il a fallu affirmer, malgré le silence de la loi, que le domaine public était inaliénable, des historiens du droit se sont opportunément rappelé l'édit de Moulins de 1556 déclarant l'inaliénabilité du domaine royal.
Et je ne sais si pour clore mais en tout cas pour abonder sur ce sujet des successions monarchiques en Europe au moyen-âge / renaissance (peut-être faudrait-il d'ailleurs ouvrir un fil dédié sur le sujet ? ) je me permets de reposter un des commentaires que j'avais fait sur le fil suivant
viewtopic.php?f=53&t=37535&hilit=aragonqui concernait les règles de succession en Castille :
De 718 (avec la couronne des Asturies) à 1037 (avec la fondation du royaume de Castille par Ferdinand Ier) l'on est passé d'un système d'élection parmi diverses familles pour désigner le souverain à l'élection parmi une seule, puis à la transmission directe de la couronne aux mâles qui en faisaient partie pour arriver à une succession des femmes lorsqu'il n'y eut plus de mâles dans la famille de Don Pelayo pouvant y accéder. A partir de 1037, la succession féminine se renouvelant à plusieurs reprises, instaura la pratique espagnole en matière d'hérédité royale qui établissait un ordre fixe de succession, appelé "cognatique", qui attribuait la couronne aux hommes ou aux femmes selon certaines règles déterminées :
- dans la même ligne, le fils ainé était préféré aux cadets et les hommes étaient préférés aux femmes.
- dans des lignes différentes, les femmes de la ligne directe l'emportaient sur les hommes de la ligne collatérale.
C'était un droit de primogéniture entre les mâles, de masculinité entre les frères et soeurs et de priorité entre entre les femmes et hommes appartenant à des lignes diverses.
Et c'est en 1260 avec la rédaction de son fameux livre "de las Siete Partidas" par Alphonse X de Castille dit "le Sage", que la coutume héréditaire prit une autorité écrite, particulièrement avec la loi 2 du titre XV de la seconde Partie, en définissant comment le fils ainé a la préférence et le majorat sur les autres frères et soeurs dans l'ordre de succession, que la succession passerait toujours en ligne directe et, s'il n'y avait pas d'enfants mâles majeurs, la fille ainée succéderait à la couronne.
Cette compilation royale des coutumes se transforma en code en 1388 avec Alphonse XI qui rendit son observation stricte obligatoire par une loi qui assimilait en même temps la couronne à un majorat (ensemble de biens et rentes fonciers inaliénables), la règle de succession s'appliquant à partir de ce moment aussi bien à l'une qu'à l'autre.
A partir des rois catholiques, cette règle reçut confirmation en 1505 de la part de l'assemblée générale des Cortès à Toro, après la mort d'Isabelle la Catholique et à l'avènement de sa fille la reine Jeanne (épouse de Philippe le Beau et mère de Charles Quint), lorsque dans la 40eme des Lois édictées par cette assemblée sont reprises celles des "Partidas" sur la succession, presque dans les mêmes termes mais avec modification de la succession des "Mayorazgos" (Majorats) rendant toute propriété politique transmissible héréditairement comme une terre et sans partage comme un pouvoir.
On pourrait par ailleurs citer de tout autres formes de désignation de successeur, avec par exemple celle de l'élection qui avait lieu parmi Les Jagellon (dynastie royale, originaire de Lituanie, qui régna sur une partie de l'Europe centrale correspondant de nos jours à des territoires appartenant à la Lituanie, la Biélorussie, la Pologne, l'Ukraine, la Lettonie, l'Estonie, la région de Kaliningrad et d'autres parties occidentales de la Russie, et à la Hongrie, entre le XIVe siècle et le XVIIIe siècle); ou un tout autre exemple avec la dynastie royale Suédoise, où son fondateur Gustave Ier Vasa, régent de Suède en 1521, puis roi en 1523, rendît sa couronne héréditaire dans sa famille en 1540 par l'Union Héréditaire.