Jean-Marc Labat a écrit :
en 1413 le gouvernement catalan met en place une caisse d'assurance contre les fuites d'esclaves gérée par le Generalidad ou chaque propriétaire devait déclarer le nombre d'esclave qu'il possédait et payer une prime. La caisse se substitue au maître en cas de fuite et paye une somme convenue. Entre 1421 et 1430, cette caisse appelée Deputacion verse des indemnités pour 324 fugitifs, 22 pour des établissements ecclésiastiques, 49 à la couronne et 253 à des particuliers. Les esclaves repris sont vendus aux enchères ou rendus à leurs maître moyennant des frais de garde.
Pour peut-être bien circonscrire ce sujet sur l'esclavage en Aragon, voici ce qu'il en ressortait finalement dans l'ouvrage de M. Valenzuela:
Qui étaient les Propriétaires d'esclaves en AragonLeur dénominateur commun était leur bonne situation économique, ce qui n'est pas très surprenant si l'on considère les prix élevés que les esclaves ont pu atteindre.
Ainsi, en partant des familles royales, nous trouvons Jeanne d'Aragón, Infante de Naples qui reçoit des esclaves féminines en cadeau de la part de Don Fernando II. L'auteure María Luisa Ledesma source les esclaves des monarques aragonais "comme des commandes passées à des marchands ou de cadeaux reçus de familiers et d'affiliés", ce qu'elle décrit comme "une mode courtoise et frivole" en citant comme exemple la commande faite par Jean Ier "d'un esclave très noir" à donner à Monsieur de Merode. La reine Marie, épouse de Martín Ier qui eût plusieurs esclaves musulmans, reçut deux femmes noires en cadeau de son fils le roi de Sicile et en donna, elle même, une autre au roi de Navarre.
Les membres de la maison royale et de la cour possédaient également des esclaves, bénéficiant parfois des répartitions de prisonniers faits lors de la prise d'une ville. On retrouve ainsi cité dans le pronotariat de la cour, le vice-chancelier royal, des greffiers, un gentilhomme de Carlos Ier, l'aumônier et le chanteur royal de Fernando II, un serviteur et deux écuyers de la Maison du Roi et même l'ambassadeur de Naples, don Lanzarote de Macédoine, qui, comme tous les légats de cette époque, accompagnait la Cour dans sa constante pérégrination.
Le haut clergé a également usé et profité du labeur de captifs: l'archevêque de Saragosse avait un esclave comme cuisinier tout comme Don Miguel Figuerola, évêque de Pati. Don Jaime Cunchillos évêque de Lérida fît don de son captif à l'hôpital de Notre-Dame de la Grâce et le prélat de Huesca, Don Diego Arnedo, en donna un autre à l'établissement similaire à Huesca. L'abbé de Montearagón en acquit un en 1476 , divers archiprêtres et chanoines de Saragosse et de Daroca ainsi que des ecclésiastiques de rang inférieur sont répertoriés achetant, vendant ou affranchissant des esclaves.
Parmi la haute noblesse l'on distingue la maison ducale de Híjar, les comtes de Ribagorza, Aranda, Belchite et Sástago et le duc d'Alburquerque, vice-roi d'Aragon, à la fin du XVIIe siècle.
Les dignitaires des ordres militaires faisaient également partie de cette classe des propriétaires d'esclaves: le Grand-Maître de Montesa, un Commandeur de l'Ordre de Santiago, un autre de celui de Calatrava. ainsi que des Sanjénistes (aujourd'hui Ordre de Malte). Un document nous parle du commandant d'Aliaga y Castellote affranchissant deux esclaves, vraisemblablement des Turcs, qu'il avait acheté lors de sa dernière visite à Rhodes, auprès de nul autre que le Grand Maître de l'Ordre, Don Fray Almerich de Buessa.
La plupart des propriétaires appartenaient toutefois à la petite noblesse: chevaliers, écuyers, infanzones, seigneurs de vassaux et bien d'autres faisant partie du patriciat urbain (c'est à dire des Citoyens), les grandes familles de la haute bourgeoisie ainsi que des hommes de Droit (juristes, notaires). Leurs esclaves étaient sans doute destinés à leurs domesticités, car la plupart sont des femmes.
Il existe également le grand groupe de marchands de différentes villes: Saragosse, Daroca, Barcelone, Valence, Medina del Campo, etc. Bien que dans de nombreux cas, ils achetaient les esclaves pour les revendre ou dans d'autres les conservaient à leur propre service en tant qu'employés de maison, comme le révèlent les lettres de manumission que beaucoup d'entre eux s'accordaient.
Dans d'autres cas, l'on enregistre la vente de commerçant à commerçant de Saragosse ou à un commerçant voisin étranger : Valencian, Barcelonais...
De nombreux cas d'artisans propriétaires d'esclaves sont par ailleurs rassemblés: des boulangers, un boutiquier, un maçon valencien, des teinturiers, un orfèvre, des épiciers, des tailleurs, un chirurgien, un boucher, des forgerons, un orpailleur et un brodeur.
Il y a aussi des mentions fréquentes de mudéjares qui achètent des captifs à leurs coreligionnaires. Dans certains cas, il est clair qu'ils sont utilisés comme esclaves et serviteurs, et dans d'autres, on note que ces individus ou des aljamas (communautés musulmanes ou juives circonscrites en certains espaces urbains ou ruraux) les acquièrent afin de les ré-integrer à leur communauté religieuse.
Pour finir, il n'est nul document du XVe siècle traitant de propriétaires d'esclaves juifs ou de juifs propriétaires d'esclaves, Les Fors leur interdisant d'avoir des esclaves chrétiens, ils pouvaient toutefois en posséder des musulmans.