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 Sujet du message : Quelques questions juridiques
Message Publié : 24 Oct 2018 19:36 
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Hérodote
Hérodote

Inscription : 27 Sep 2017 19:42
Message(s) : 24
Bonjour à tous,

Je suis en train de lire un livre concernant le financement des cathédrales .
Livre impeccablement référencé et tout .

Il soulève des points "curieux" :

a) il parle de "serfs" qui ne sont pas la propriété de nobles mais de grand bourgeois et même d'églises ....?
Je n'ai jamais entendu parler de cette affaire ...
Le serf pouvait être vendu par le noble avec une partie de son domaine ?
Le serf pouvait -il être vendu comme une chose indépendamment d'un lien à une terre ?
Le statut du serf changeait-il avec le changement de maître ?


b) il parle de propriétés "fieffées" à vendre cad de propriétés assimilables à un fief et dont la possession entraînait la possibilité d'accéder à la noblesse du moins avec l’acquiescement du Roi ....
Je n'ai jamais entendu parler de cette affaire ...
Qui décidait qu'une propriété était (ou non) "fieffée" (prcq intrinsèquement cela sous entend une multiplication de la pyramide féodale de façon "extra pyramidale" (puisque la décision ne vient pas de la pyramide mais d'un élément de la pyramide ...).
Quel était le lien vassalique entre le fieffé suite à un achat au "fieffeur" ?
Le Roi pouvait-il "refuser" ou usuellement il acquiesçait ?

c) il est question de droit de dîme en possession de particuliers et pas de gens d'église ...
L'église pouvait "vendre" son droit de dîme ?
De qui l'Eglise tenait ce droit et avait-elle le droit de le vendre ?
Et une fois qu'il était vendu,le nouveau propriétaire du droit avait le droit de changer les taux ?


Bref il y a tout plein de questions curieuses (en tous les cas pour moi ...).

Si qq a une idée ...

Merci .


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 Sujet du message : Re: QQ questions juridiques .
Message Publié : 24 Oct 2018 22:14 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

Inscription : 05 Sep 2010 13:22
Message(s) : 491
Localisation : Belsa
Vous évoquez un livre, mais vous pourriez au moins nous en donner le nom de l'auteur et le titre, histoire de partager vos informations et vos impressions avec le plus grand nombre.

S'agissant du point a), les serfs, hé bien on n'est pas serf au Moyen Âge, on est le serf de quelqu'un. Comme on est le vassal de quelqu'un. Et donc oui, lorsque la terre à laquelle il est attaché change de propriétaire (succession, vente, donation à une église), le serf change de propriétaire. Avec les donations aux églises ou les acquisitions de domaines ruraux par des citadins, ceux-ci se retrouvaient propriétaires de serfs. Ensuite, les nouveaux propriétaires avaient toutes libertés pour assouplir ou renforcer les relations vis à vis des serfs. En cas de vente, le vendeur pouvait conserver toute ou partie de sa familia servile, ou bien même vendre un serf, sans terre.

Pour trouver des exemples sur ce sujet, vous pouvez vous reporter au Livre des serfs de l'abbaye de Marmoutier https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5580069d.texteImage, réétudié il y a une vingtaine d'années par Dominique Barthélemy https://www.persee.fr/doc/bsnaf_0081-1181_1995_num_1993_1_9811.

Je passe sur le point b) désolé.

Pour le point c), les dîmes, vous commettez une inversion chronologique. Ce ne sont pas les évêques qui vendent des églises et donc les dîmes qui vont avec, mais ce sont les évêques qui cherchent à supprimer les églises privées et donc s'accaparer les dîmes.
En effet, de nombreuses églises rurales sont des fondations aristocratiques, qui bien qu'ayant le statut de chef-lieu de paroisses, s'héritent, se partagent ou se vendent comme n'importe quel bien. C'est bien pourquoi, jusqu'à la Révolution, des seigneurs sont les présentateurs des curés qui desservent ces églises. L'évêque n'est pas le bénéficiaire de la dîme, mais c'est le(s) propriétaire(s) de l'église, pour le compte de son curé. Avec la réforme grégorienne, les évêques cherchent à contrôler l'ensemble des églises de leurs diocèses, principalement celles appartenant aux laïques, sans toujours parvenir à y parvenir. Tout comme un propriétaire peut céder son droit à percevoir la dîme à une abbaye, au chapitre cathédrale, etc... S'agissant de l'église en tant que bien, elle est souvent accaparée par ceux qui la fréquente, s'y font inhumer, etc.. Le droit de propriété laïque devient plus symbolique qu'autre chose avec les siècles.
Pour ce qui est du taux, la dîme par définition c'est une gerbe sur dix, même si au fil des siècles, on va vers une sur douze, voire une sur treize.


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Message Publié : 25 Oct 2018 6:36 
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Hérodote
Hérodote

Inscription : 27 Sep 2017 19:42
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Ok merci .

On ne parle jamais de ça dans les cours d'histoire ...


Bon pour le livre :

L'argent des cathédrales - Henri Kraus - ed Biblis - il doit y en avoir pour 10 euros .
Intéressant .


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Message Publié : 25 Oct 2018 7:08 
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Inscription : 27 Avr 2004 17:38
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Localisation : Région Parisienne
Sur le point b, un roturier peut acheter un fief, cela ne le rend pas noble pour autant. Il paye une taxe au roi périodiquement, c'est le droit de franc-fief. Il existait une procédure pour acquérir ces fiefs qui a varié avec le temps, comme la permission du suzerain. Mais comme d'habitude en cette période, les coutumes varient suivant les régions, les bourgeois de Paris sont exemptés de la taxe, par exemple.

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Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer (Guillaume le Taciturne)


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Message Publié : 25 Oct 2018 10:29 
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Hérodote
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Inscription : 27 Sep 2017 19:42
Message(s) : 24
Merci,

Dans le livre on fait la différence entre un domaine qui pourrait donner droit à un titre de noblesse et le même terrain qui ne pourrait pas le faire .
En d'autres termes la possession du terrain donnerait au propriétaire le droit de demander au Roi si il ne peut pas l'anoblir .
Comme ce sont de gigantesques domaines,l'acheteur doit être extrêmement "riche" et en fait c'est un grand bourgeois qui demande au Roi si il ne pourrait pas être anobli .

Ca c'est "l'arrivée" ,et c'est compréhensible ,mais le départ : qu'est ce qu'il faut réunir comme conditions pour dire que "ce" domaine est un franc fief ? Je suppose qu'il faut au minimum un château ,et être autosuffisant sur ses terres ?


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Message Publié : 25 Oct 2018 13:21 
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Inscription : 27 Avr 2004 17:38
Message(s) : 10623
Localisation : Région Parisienne
Je n'ai pas lu le bouquin, mais il doit y avoir une histoire de coutume, car les lettres d'anoblissement sont tardives, elles se généralisent que sous les Valois. Mais il existe des fiefs roturiers qui n'ont ne justice, ni censive, ni fief sous lui. Il existe une multitude de fiefs selon les coutumes.

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Message Publié : 25 Oct 2018 18:15 
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Hérodote
Hérodote

Inscription : 27 Sep 2017 19:42
Message(s) : 24
Ok merci.


Une question maintenant sur la charge de "Justice" que l'on pouvait aussi "acheter" .

Imaginons une affaire avec infraction et ce qu'on appelle aujourd'hui "responsabilité civile" .

a) Le montant du à l'infraction se calcule "comment" ? Il y a un barème ? Le barème change avec la "fortune" du contrevenant ?
b) qui empoche l'infraction ? Le juge qui condamne (et qui est donc juge et parti) ?
c) est ce qu'il y a une "responsabilité civile" fonction du dommage "réel" ou là aussi un barème forfaitaire comme dans le droit romain ?
d) en cas de concurrence "responsabilité civile" et "infraction" ,qui a priorité sur la somme reçue ? A mon avis l'infraction prime sur le dommage ...


Voila .

Merci .


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Message Publié : 26 Oct 2018 10:49 
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Jean Froissart
Jean Froissart
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Inscription : 28 Avr 2006 23:02
Message(s) : 1397
Localisation : Orne
Personne n'ayant encore répondu, je vais le faire, mais uniquement pour le 16e siècle qui est ma période favorite, et qui semble être la période la plus ancienne pour laquelle nous disposons d'archives substantielles sur les frais de justice. On pourra supposer que les grands principes n'ont pas beaucoup changé entre la période des cathédrales, par exemple Notre-Dame de Paris ouverte en 1345, et 1499 qui est la date de fondation du Parlement (cour de justice) de Normandie.

Un article très intéressant, "Le coût de la justice civile à travers les archives judiciaires : l'exemple des épices des magistrats", par Laurie Fréger, résume une étude de 2009 sur les "épices" et plus généralement sur les frais de justice dans les domaines de juridiction des parlements de Bretagne et de Normandie : https://journals.openedition.org/acrh/1738

Les juges des parlements sont payés par le roi. Pour le Moyen Age, et les petites juridictions, je suppose que les juges étaient payés par les seigneurs. Le principe est que la justice, comme l'armée, est une fonction régalienne, qui est donc financée, en théorie, par le pouvoir. On apprenait autrefois aux écoliers que Saint Louis rendait la Justice sous un chêne à Vincennes, et il le faisait gratuitement évidemment, ou plutôt en étant payé par les impôts, et c'était sûrement la réalité, même s'il n'a probablement pas passé beaucoup d'heures à rendre lui-même la justice.

Cependant, "Il faut dire que le roi paie très mal ses juges. Le manque chronique de liquidités du Trésor le met souvent dans l’obligation de différer, voire de refuser, le paiement des gages." (op. cit.). Donc, les juges réclament aux deux parties, les plaignants et les accusés, des frais, qui sont appelées "épices", et qui seront remboursées à la partie qui gagne le procès. Le roi, ayant connaissance de cette pratique des épices, ne l'interdit pas, car il se rend compte que les juges ne voudraient plus faire leur métier s'ils n'avaient pas de revenus corrects. Il va les autoriser, mais en contrepartie, il va les taxer à partir du 16e siècle, et donc ces épices seront enregistrées soigneusement.

En théorie, le montant des épices ne dépend pas de la tête des clients, mais dépend de la difficulté du procès. Les épices sont là pour rémunérer un travail, et non pas pour abuser des parties. Les juges se doivent d'être respectables, et ils ne se permettent donc pas n'importe quoi. Evidemment, il y a sans doute eu un peu de corruption, mais la France n'était pas un pays très corrompu autrefois. Si une partie paye plus que ce qui est raisonnable, cela se saura un jour ou l'autre, et celui qui a accepté le surplus sera mal vu et écarté.

Je vous invite à lire cet article mentionné au début, qui confirme tout à fait ce que j'ai lu par ailleurs sur le fonctionnement de la justice sous l'ancien régime.


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Message Publié : 26 Oct 2018 14:05 
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Hérodote
Hérodote

Inscription : 27 Sep 2017 19:42
Message(s) : 24
Un grand merci,c'était très intéressant .


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