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 Sujet du message : Re: Savonarole
Message Publié : 21 Nov 2015 14:03 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Inscription : 30 Juil 2003 21:44
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Localisation : Lorraine
Je cite le professeur Jacques Heers, qui écrit ceci dans son livre "Le clan des Médicis" (Ed. Perrin; 2008) :

Jacques Heers a écrit :
A quelques années d'intervalle, plusieurs clans de l'aristocratie florentine, les Donati, les Frescobaldi et les Strozzi avaient lancé leurs hommes de main, parents, seguacci ou manasdieri, aussitôt suivis par une foule de petites gens accourus à la rumeur, contre la Seigneurie: combats sanglants, dérobades lamentables, affaires d'un jour. Cependant, l'une de ces émeutes provoquées par les grands, le « tumulte des ciompi », a, en 1378, généré non une tyrannie comme le voulaient les conjurés, mais la mise en place de nouveaux modes de désignation des magistratures. Pour quatre années, pas davantage.

Alors que personne n'avait tenté de définir ce mot de ciompi, sans équivalent ailleurs, et d'en donner une traduction moderne nuancée, certains auteurs en ont fait des prolétaires, travailleurs opprimés, dressés en foule contre les puissants qui les exploitaient. Les textes de l'époque parlent d'un tumulto mais, eux, traduisent tumulte par révolte, alors qu'échauffourées, vacarmes et bagarres conviendraient mieux.

Certes, la société, dans Florence, n'était nullement égalitaire, ni vraiment harmonieuse, assurant à tous le bonheur ou le droit au bonheur. A n'en pas douter, la hiérarchie des conditions et des fortunes s'y affichait importante et de grands écarts séparaient les puissants, chefs des grandes familles et des compagnies marchandes ou bancaires, des petits artisans et des compagnons des métiers. Mais les structures politiques, les solidarités, les groupes capables d'agir ou de peser sur le destin politique ne furent à aucun moment le reflet de ces différentes conditions sociales.


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 Sujet du message : Re: Savonarole
Message Publié : 23 Nov 2015 10:11 
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Hérodote
Hérodote

Inscription : 19 Déc 2010 19:27
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C'est l'interprétation de Jacques Heers... Il y en a d'autres, à commencer par celles de Alessandro Stella et Simone Weil.

Ce qui est vrai, c'est que les intérêts sociaux ne disposaient pas d'une représentation idéologique comparable à celles qui sont apparues en gros au 19ème siècle. Ils s'exprimaient souvent en termes religieux, comme ce fut le cas un peu plus tard lors de la guerre des paysans en Allemagne.
C'est ce mélange de conceptions religieuses et d'intérêts sociaux que j'ai aussi cherché à montrer dans mon roman. Les lecteurs diront si j'ai atteint cet objectif ou sombré dans l'anachronisme et l'interprétation abusive.

La religion, qui était l'idéologie quasi hégémonique de l'époque, était le vecteur d'expression des intérêts sociaux antagonistes. Mais ces intérêts ne s'exprimaient pas de façon "pure", c'est évident.

Pour en revenir à Savonarole, il a tout de même essayé de prendre des mesures sociales, relativement audacieuses pour l'époque, tout en tentant de concilier les différentes classes et groupes sociaux : élargissement de la base du pouvoir, charité forcée pour réaliser des oeuvres sociales et même tentative de faire passer un impôt sur la propriété ! Ce fut d'ailleurs une des causes de sa perte - pas la seule certes.


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 Sujet du message : Re: Savonarole
Message Publié : 04 Mai 2016 10:17 
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Jean Froissart
Jean Froissart

Inscription : 26 Août 2008 7:11
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Localisation : Corsica
Mon ignorance du sujet ne me permet pas de juger l’émission L'histoire du blason des Médicis sur France 2 le 03/05/2016 / A Florence, Laurent le Magnifique.
Cela m’a permis au moins de m’intéresser à ce contexte.

Concernant Savonarole il semblerait que l’écho favorable de ses prêches extrémistes religieux auprès du peuple soit en grande partie expliqué par l’extrême corruption de la société au pouvoir, et surtout la très mauvaise gestion économique de Laurent de Médicis qui avait recours à toutes les possibilités de corruption pour pérenniser son pouvoir.
La débauche de plaisir aurait été un moyen de d'occulter les difficultés économiques.(Stratégie volontaire ou non ?)
L’avènement de la « République chrétienne et religieuse » était peut être la seule alternative possible pour assainir l’économie ?
Laurent de Médicis en était probablement conscient puisqu’il a laissé faire Savonarole, il aurait pu l’éliminer dés l’échec de sa tentative infructueuse de corruption. Savonarole ayant distribué aux pauvres l’offre corruptrice de Laurent de Médicis
Ce contexte montre assez bien l’usage de l’extrémisme religieux comme outil politique.
A partir des même préceptes religieux les deux extrêmes étaient en présence :
- La papauté : organisation criminelle corrompue qui n’a pas grand chose à voir avec la religion.
- Savonarole : organisation purificatrice intègre fondée sur les préceptes religieux.
A l’époque on n’avait peut être pas le choix, on était soit corrupteur soit purificateur ?
Si le peuple avait des problèmes de pauvreté il ne pouvait être que du coté de Savonarole.

… Savonarole n’était pas le sujet de l’émission, mais c’est ce que j’en ai retenu


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 Sujet du message : Re: Savonarole
Message Publié : 02 Juil 2016 18:55 
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Hérodote
Hérodote

Inscription : 19 Déc 2010 19:27
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C'est un peu plus compliqué que vous ne le présentez, Jean Froissart. On ne peut pas dire que le "peuple" dans son ensemble soutenait Savonarole, même si celui-ci a pris des mesures sociales relativement audacieuses pour l'époque. Toute une partie de la grande bourgeoisie et de l'aristocratie le soutenait aussi au départ. Son autorité morale - car il n'a jamais exercé de pouvoir institutionnel - tenait aussi bien à la situation intérieure de Florence qu'au contexte géopoitique. Savonarole a repréenté le parti de l'alliance avec le roi de France qui avait envahi l'Italie, contre Rome et contre d'autres cités italiennes concurrentes comme Venise,Milan etc. Quand le roi de France s'est retiré avec son armée, pas mal de gens ont retourné leur pourpoint et cessé d'appuyer Savonarole.

Au sein du peuple, Savonarole était soutenu pas une partie de la petite bourgeoisie (artisans, commerçants, les "Arts mineurs") car il leur avait ouvert une participation au conseil élargi. En dépit de l'image assez fausse de "dictateur religieux" qu'il a laissé dans l'histoire, Savonarole était partisan du "gouvernement large", plus démocratique que le système oligarchique des Médicis.

Mais au sein du peuple pauvre, parmi les travailleurs du textile, les Ciompi, beaucoup étaient plutôt indifférents. On peut noter aussi que ses "anges blancs" étaient recrutés essentiellement parmi les enfants de la bourgeoisie et de la petite bourgeoisie.


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 Sujet du message : Re: Savonarole
Message Publié : 02 Juil 2016 19:46 
Je m'étonne que personne n'ait cité la bio d'Ivan Cloulas chez Fayard (j'en ai fait un résumé http://bouquinsblog.blog4ever.com/savonarole-ivan-cloulas).


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 Sujet du message : Re: Savonarole
Message Publié : 03 Juil 2016 14:21 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

Inscription : 18 Avr 2015 15:58
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Localisation : Kaamelott
Bonjour,

J'ai lu votre résumé et il est tellement bien tourné qu'il se suffit. On trouve Savonarole, son mysticisme, ses dérives dans une période fort chaotique et propice aux réactions extrêmes. Une décennie plus tôt, les prêches auraient été moquées, une décennie plus tard on était passé à autre chose de plus constructif et des leçons avaient été tirées de cet épisode.
Il y a eu -mais quand ?- un documentaire très bien fait sur l'homme, le contexte, les Médicis, la papauté, le rôle médiateur de Machiavel face aux armées etc. On pouvait prendre vraiment conscience du chaos et surtout d'une double politique menée dont les Médicis sortiront vainqueurs alors que pendant leur exil, le pape aurait pu mettre fin à cette hégémonie détestable pour lui mais Savonarole l'était encore plus.
;)

_________________
"L'histoire remplit le vide du présent et se transforme elle-même en espérance !"


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 Sujet du message : Re: Savonarole
Message Publié : 03 Juil 2016 18:10 
ezio-auditore a écrit :
Bonjour,
J'ai lu votre résumé et il est tellement bien tourné qu'il se suffit.
;)
Merci ! :)


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 Sujet du message : Re: Savonarole
Message Publié : 05 Juil 2016 11:21 
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Hérodote
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Inscription : 19 Déc 2010 19:27
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Résumé bien tourné certes de Philippe de Commines, qui, j'imagine, correspond au livre cité - j'avoue ne pas l'avoir lu...

Il manque néanmoins les mesures sociales de Savonarole.

Par ailleurs, une curieuse erreur factuelle (sans doute dans le livre ?) : ni Domenico di Pescia ni le frère Sylvestre (les deux Dominicains les plus proches de Savonarole) n'ont tenté d'organiser une résistance armée lors de l'attaque du couvent San Marco. Cette résistance armée a été menée par les Piagnoni laics qui s'y trouvaient et une partie des moines. Savonarole l'a désavouée et a accepté de se rendre pour éviter que le sang ne coule davantage. Ni Domenico ni Sylvestre ne se sont opposés à ce choix. Ils se sont livrés eux aussi comme l'exigeait la Seigneurie. C'est au titre de très proches collaborateurs de Savonarole qu'ils ont été supplicié eux aussi et non comme animateurs d'une résistance armée.


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 Sujet du message : Re: Savonarole
Message Publié : 05 Juil 2016 16:00 
gerard delteil a écrit :
Résumé bien tourné certes de Philippe de Commines, qui, j'imagine, correspond au livre cité - j'avoue ne pas l'avoir lu...
Heu, "Philippe de Commines", c'est mon "grade" dans passion-histoire, automatique, fonction du nombre de messages, comme le vôtre est pour le moment "Hérodote" (le début). :mrgreen:
gerard delteil a écrit :
Il manque néanmoins les mesures sociales de Savonarole.
Là, d'accord.
gerard delteil a écrit :
Par ailleurs, une curieuse erreur factuelle (sans doute dans le livre ?) : ni Domenico di Pescia ni le frère Sylvestre (les deux Dominicains les plus proches de Savonarole) n'ont tenté d'organiser une résistance armée lors de l'attaque du couvent San Marco. Cette résistance armée a été menée par les Piagnoni laics qui s'y trouvaient et une partie des moines. Savonarole l'a désavouée et a accepté de se rendre pour éviter que le sang ne coule davantage. Ni Domenico ni Sylvestre ne se sont opposés à ce choix. Ils se sont livrés eux aussi comme l'exigeait la Seigneurie. C'est au titre de très proches collaborateurs de Savonarole qu'ils ont été supplicié eux aussi et non comme animateurs d'une résistance armée.
Là, il faudrait que je relise Cloulas, je ne l'ai pas présentement sous la main, mais il me semble bien qu'au moins dans un premier temps, selon lui, ils ont commencé par résister. D'une manière générale, ne défendriez-vous pas une version un peu idéalisée ? (NB c'est une question, pas une affirmation). Savonarole a toujours ses fidèles après tout, qui demandent sa canonisation. C'est un précurseur, reconnu largement comme tel, de l'aile "progressiste" du Catholicisme (Jacques Gaillot par exemple).


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 Sujet du message : Re: Savonarole
Message Publié : 06 Juil 2016 17:30 
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Hérodote
Hérodote

Inscription : 19 Déc 2010 19:27
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Bonjour Jean R et désolé à propos de mon erreur ! (Je ne maîtrise pas pleinement les codes de ce forum, normal pour un Hérodote...)

Pour en revenir à la défense du couvent, j'ai pas mal travaillé sur le sujet depuis que je suis intervenu sur ce forum pour la première fois dans le cadre de la préparation de mon roman "La conjuration florentine".

Valori, l'un des leaders les plus énergiques des Piagnoni (les partisans de Savonarole) était favorable à une offensive militaire préventive car il savait que les Compagnaci allaient les attaquer dans leur fief de San Marco. Ceux-ci ont en effet profité du discrédit qui a frappé Savonarole dans une partie de la population après l'épreuve du feu manquée. Des armes avaient été stockées dans le couvent, dont deux bombardes qui n'ont pas servi. Au moment de l'attaque, Savonarole s'est enfermé dans sa cellule sans donner de consignes, malgré les supplications de ceux qui lui demandaient de se battre ou... de s'enfuir à temps. Quelques-uns des chefs piagnoni, dont Valori, ont fui, pas forcément par lâcheté mais parce qu'ils ne voulaient pas se faire tuer stupidement alors que le combat n'avait pas été préparé sérieusement sur le plan militaire. (Valori aurait prétendu aussi qu'il allait chercher de l'aide.) Une partie des moines se sont cachés et/ou réfugiés en prière, mais une partie des laïcs et des religieux se sont battus avec une telle énergie qu'ils ont repoussé les assaillants. Mais, le lendemain à l'aube, la Seigneurie a envoyé ses troupes de mercenaires bien équipés et encadrés sous le prétexte de rétablir l'ordre mais contre les Piagnoni.

Savonarole a alors incité ses partisans à abandonner les armes et s'est lui-même rendu. Frère Domenico l'a accompagné tandis que Frère Sylvestre... a tenté de se cacher mais a été semble-t-il dénoncé par d'autres moines opportunistes. (Les Dominicains de San Marco se sont d'ailleurs ensuite platement excusés auprès du pape en le suppliant de leur laisser leur couvent.) Dans ces conditions, les Piagnoni les plus déterminés ne pouvaient plus se battre, d'autant que, contre les mercenaires professionnels, ils n'avaient aucune chance. Auparavant, des moines avaient fait sonner la cloche de San Marco pour appeler le peuple de Florence à, l'aide, mais les gens qui adulaient encore Savonarole quelques semaines plus tôt n'ont pas bougé.

Ni Domenico ni Sylvestre n'ont fait partie de la faction de Piagnoni qui se sont battus, mais certains moines se sont distingués dans ces combats par leur courage et même leur efficacité ! Ensuite, la Seigneurie a eu l'habileté de procéder à une répression sélective très limitée. Seuls 14 Piagnoni (si j'ai bonne mémoire) ont été arrêtés, certains torturés, mais relâchés rapidement. En revanche, le chef piagnone Valori a été lynché par une foule de Compagnaci et de partisans des Médicis avides de vengeance, sa maison incendiée et plusieurs membres de sa famille tués avant que la garde de la Seigneurie n'intervienne pour éviter d'autres lynchages de Piagnoni.

A Florence, on avait l'art des compromis, des retournements de pourpoints et des réconciliations rapides. D'autant que les chefs des divers partis étaient des gens des mêmes milieux qui se connaissaient, se fréquentaient, se mariaient entre eux...


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