GeorgeW18 a écrit :
Mais en fait l'accord de Saint-Germain en Laye doit être 19/12/1555 car je peux voutransmettre une photo de l'original de la ratification par les Treize de cet accord (08/01/1556). Bon en fait j'en cherche une retranscription intégrale parce que c'est difficile à lire... Je descends du greffier de la ville de Metz, Mengin Le Goullon, qui avait fait le trajet de Saint-Germain avec le maitre échevin Michel Praillon.
Comme promis, je réponds sur le traité de 1556.
Un petit point, en réponse à GeorgeW18: l'accord est bien de décembre 1556 et la ratification par le Magistrat de janvier 1557. Mais cette ratification est datée de 1556, car à cette époque on ne changeait de millésime qu'à Pâques à Metz.
Pour ce qui est d'une retransciption intégrale (et surtout non fautive, comme j'en parlerai ci-dessous), vous pourrez en trouver une dans un ouvrage assez difficile d'accès, mais essentiel, le
Recueil des Edits, Déclarations, Lettres patentes et arrêts du conseil enregistrés au Parlement de Metz, édité par le comte Emmery en 1788 et imprimé chez Marchal à Metz. Le texte de l'acte de 1556 est dans le tome 1, mais je n'arrive plus à en retrouver les pages dans mes notes qui sont en désordre (mais rassurez-vous, il y a un index très facile à utiliser).
Mais passons au fond de la question.
Aujourd’hui encore, les historiens présentent ce traité de façon diverse. C’est dû à un évêque suffragant de Metz au XVIIe siècle, Martin Meurisse, dans son
Histoire des Evesques de Metz, paru en 1636, puis dans son
Histoire de la naissance, du progres et de la decadence de l’heresie dans la ville de Metz & dans le pays Messin, (1642). Pour lui, les choses sont claires : en 1556, l’évêque de Metz, le cardinal de Lorraine, donne ses droits de souveraineté au roi de France. Il faut dire qu’il vient de reprendre les rênes de l’évêché, jusque là aux mains du cardinal de Lenoncourt, qui a essayé en vain de s’ingérer dans les affaires de la ville de Metz en 1553 et 1554, ce que les évêques n’avaient plus fait depuis 1234.
Selon Meurisse, les droits de l’évêque étaient encore effectifs et ils ne sont donnés qu’à condition que le roi interdise tout autre exercice du culte que le catholique. Là où les choses se corsent, c’est qu’en janvier 1557, le Magistrat de Metz approuve le traité. Et ça, c’est inimaginable, car les Messins n’auraient jamais accepté de laisser ainsi reconnaître la souveraineté de l’évêque sur la ville. D’ailleurs, les ouvrages de Meurisse ont suscité des recherches, financées par le Consistoire calviniste messin dans les années 1640 et 1650 et menée par le pasteur érudit Paul Ferry. Dans ses recherches, restées manuscrites et conservées en partie à la Bibliothèque du Protestantisme français, Ferry montre que la cession de 1556 n’est pas telle que Meurisse l’a montrée, que les évêques n’étaient plus souverains à Metz à cette date, et surtout que rien ne concernait les protestants.
L’historien messin François Cuisinier, dans son article passionnant « Martin Meurisse fut-il un historien scrupuleux ? A propos d’un exemplaire de l’Histoire des evesques de l’Eglise de Metz »,
Cahiers Elie Fleur, n°15, 1997, p.26-45, montre que Meurisse a fait œuvre de faussaire.
En effet, il a sciemment changé le texte du traité de cession de 1556. En fait, le Magistrat de Metz a bien accepté la cession, mais il ne s’agissait en rien d’une reconnaissance de la souveraineté de l’évêque, et il n’était nulle part question d’une éventuelle « purge » de « l’hérésie » réformée. Meurisse ne doit donc pas être pris comme source.
Bref, il est évident que cette histoire de traité de 1556 est biaisée par les débats historiographiques du XVIIe siècle, totalement parasités par le débat confessionnel entre catholiques et protestants, les premiers accusant les seconds d’être des traîtres à leur cité et de n’avoir aucune légitimité dans leur pratique cultuelle.
Cette histoire est encore en débat, malgré les apparences. Récemment, un livre de Florent Roemer,
Les institutions de la République messine, Metz, Serpenoise, 2007, 224p. fait des sous-entendus étranges, malgré la mise au point de Cuisinier. Je critique d’autant plus librement cet auteur que je le connais personnellement, que je lui ai fait part de mes remarques et que je les ai écrites pour un compte-rendu dans une revue locale. Roemer reprend presque entièrement la vision de Meurisse et des catholiques du XVIIe, pensant que les évêques continuaient à être souverains en théorie (ce qui n’est sans doute pas totalement faux), mais aussi que ce sont les protestants messins qui sont à l’origine de la chute de la République de Metz en 1552. Et ça, je le conteste vivement, car ce régime ne reposait que sur la prospérité économique des paraiges (les patriciens messins, seuls à accéder aux postes du Magistrat avant 1552), et cette prospérité avait disparu depuis longtemps. Bref, c’est un fantôme que Henri II a fait chuter dans les années 1550, le protestantisme n'y est pour rien je pense, même si Roemer pense que ce fut un facteur important de division (et ça non plus je ne le pense pas, les archives me font au contraire penser que les affaires importantes de la cité n'ont pas souffert de la division confessionnelle et que protestants et catholiques ont su s'entendre sur les problèmes vraiment fondamentaux).
Bon, je m’arrête là pour ne pas ennuyer tout le monde avec mes histoires messines…
Je mène en ce moment (et pour un temps certain je pense) des recherches sur le pasteur historien Paul Ferry, alors ne vous gênez surtout pas pour me contacter si vous avez des informations ou des références plus précises sur la question.