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Message Publié : 29 Août 2003 11:05 
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Grégoire de Tours
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(ce sujet fait suite à http://membres.lycos.fr/revo89/phpBB_Fr ... 1062150581 )

Désolé Karolus pour cette réponse tardive, je viens juste de rentrer des vendanges.
Voici quelques extraits de mon mémoire, introduction, conclusion et sommaire. Si vous voulez que je poste un extrait précis, faites moi signe.
La plupart des notes infrapaginales ne passent pas au copié-collé, je place donc les plus intéressantes entre crochets et écarte les références d'érudition.

Citer :
Introduction
Si, comme tant d'autres nations, la "petite nation" lorraine [Ainsi que la qualifiait Christian Pfister, faisant d'elle une composante de la "grande nation" française, tour de passe-passe commode pour soustraire le sentiment régionaliste aux accusations de séparatisme.] possède un événement fondateur, alors cet événement ne peut être que la bataille de Nancy de 1477. Cette bataille marque en effet pour la Lorraine la césure entre, en amont, un Moyen Age caractérisé par l'émiettement politique et par un retard constant en de nombreux domaines, et, en aval, des Temps Modernes où une Lorraine territorialement plus cohérente, à la suite de l'union, définitive en 1480, des duchés de Lorraine et de Bar et du comté de Vaudémont, devient une force politique avec laquelle il faut désormais compter, ne serait-ce que sur le plan diplomatique.
Mais, outre le côté pratique d'une bataille pour fixer une périodisation, c'est surtout en tant que symbole d'un certain patriotisme que la journée du 5 janvier 1477 et le conflit qu'elle ponctue sont présents dans les esprits lorrains. L'archiviste et historien lorrain Henri Lepage écrivit ainsi au milieu du XIXe siècle : « C'est un éternel titre de gloire pour notre pays d'être resté fidèle en dépit des dangers qu'il y avait à courir » . Par de nombreux ouvrages destinés au grand public, de la bande dessinée à la brochure touristique, par de nombreux ancrages dans la pierre à Nancy , projets où l'on retrouve souvent des lotharingistes comme le baron Auguste-Prosper-François Guerrier de Dumast (1796-1883) ou Jean Cayon (1810-1865), la bataille où périt Charles le Téméraire est célébrée comme l'aboutissement de la lutte du peuple lorrain pour se libérer de l'envahisseur bourguignon. Il s'agit bien entendu d'une vision idéalisée — comment pourrait-il en aller autrement ? —, mais notre propos n'est pas de reprocher au baron Guerrier de Dumast ou à d'autres leurs envolées lyriques. Ce qui est à vrai dire gênant dans cette présentation des événements, c'est plutôt que l'on occulte le fait suivant : la bataille de Nancy n'est pas le résultat du patriotisme lorrain, mais en est devenue a posteriori l'acte fondateur. De Gergovie au Champ des Merles, aucun conflit fondateur ne peut se comprendre si l'on ne s'interroge au préalable sur le réel rapport qu'entretient ce type d'événement avec le sentiment patriotique, à savoir que celui-ci se nourrit de celui-là au moins autant qu'il en est le moteur.
Cette nécessaire mise au point apportée, il devient possible d'examiner sereinement le conflit entre la Bourgogne de Charles le Téméraire [Rappelons que ce surnom, consacré par l'historiographie moderne et que nous emploierons à notre tour, ne fut jamais porté de son vivant par Charles de Bourgogne. Thomas Basin le lui appliquait certes déjà dans son Histoire de Louis XI, mais l'usage n'en est devenu régulier qu'à partir du XVIIIe siècle.] et la Lorraine. N'a-t-on pas trop souvent sous-estimé les fidélités dynastiques, ou même personnelles, en insistant systématiquement sur la notion de patriotisme ? C'est dire à quel point les travaux de Jean Schneider furent les bienvenus lors du cinquième centenaire de la bataille. En s'attachant à examiner les faits dans le détail, le doyen Jean Schneider, s'appuyant sur un riche corpus de sources, dont il a rassemblé dans le recueil Lorraine et Bourgogne une grande partie, jusqu'alors inédite, a renouvelé le regard porté sur l'affrontement entre la Lorraine et la Bourgogne. Alors que le "parti bourguignon" [Nous préférons pour notre part utiliser l'expression, certes moins concise, "partisans de Charles le Téméraire"; cela permet, d'une part, d'éviter la confusion avec le parti bourguignon du début du XVe siècle (notamment à Paris), dont les données socio-politiques n'ont rien de commun avec le groupe qui nous occupe, et d'autre part, de ne pas tomber dans l'erreur consistant à voir en celui-ci un "parti de l'étranger", une nébuleuse de traîtres. Parler d'un "parti bourguignon" équivaut, peu ou prou, à minimiser son caractère lorrain.] était généralement perçu et présenté par les historiens du XIXe siècle, d'Henri Lepage à Christian Pfister, comme une minorité de traîtres qu'auraient rassemblés des intérêts personnels convergeants, ces nouveaux travaux apportèrent une vision différente des défections, et confirmèrent les intuitions d'Emile Duvernoy, qui ne les dissociait pas du comportement général de la chevalerie lorraine, flattée par le Téméraire , ou encore d'Henri Lepage lui-même qui, cherchant des excuses aux "traîtres", afin sans doute de minimiser la division du pays, écrivait :

« Si l'on se place au point de vue purement politique, on comprendra les défections dont René II eut à gémir : le duc de Bourgogne paraissait si redoutable, et la cause du prince légitime tellement désespérée, que beaucoup d'hommes, plus soucieux de l'intérêt que de l'honneur, ne devaient pas hésiter entr'eux. La Lorraine, d'ailleurs, ne semblait-elle pas avoir tout à gagner en passant sous la domination d'un souverain dont la puissance balançait même celle de Louis XI.
C'est un éternel titre de gloire pour notre pays d'être resté fidèle en dépit des dangers qu'il y avait à courir ; mais on se demande malgré soi ce que la Lorraine, ce que Nancy surtout seraient devenus, si Charles-le-Téméraire, au lieu de succomber dans la lutte, en était sorti victorieux.
Ces idées vinrent-elles à quelques-uns de ceux qui abandonnèrent la cause nationale? ne rêvèrent-ils pas un accroissement de grandeur pour leur pays, et n'obéirent-ils pas à un autre sentiment que l'égoïsme ou l'ambition? Je veux le supposer, afin que l'Histoire n'ait pas le droit d'imprimer une souillure éternelle à leurs noms. »

Dans tous les cas, on en conviendra aisément, il ne s'agit pas de juger mais de comprendre. Comprendre comment, à l'automne 1475, la Lorraine a pu tomber comme un fruit mûr dans les mains du Téméraire.
Or, si les liens politiques sont, d'une manière générale, trop complexes pour être réductibles à quelque déterminisme ou à quelque équation, ce truisme vaut sans doute plus encore pour la Lorraine. Les principautés y sont si imbriquées — on s'y dispute parfois la souveraineté sur une fraction de seigneurie pendant des siècles —, les réseaux de fidélité si enchevêtrés, qu'il est impossible de dégager une tendance d'ensemble sans examiner les divers cas dans le détail. D'autre part, et cela tient moins à notre région qu'à la diplomatie de cette fin de Moyen Age — qui est déjà l'art décrit par Machiavel, et avant lui par Commynes —, les équilibres, les alliances, sont trop instables pour que l'on se dispense d'examiner les situations en suivant le fil des événements.
Parce que l'intérêt de la Bourgogne — l'Etat bourguignon — pour la Lorraine — le pays lorrain, et pas seulement le duché — ne date pas de l'avènement du Téméraire, nous estimons utile d'exposer pour commencer les relations entre ces deux provinces avant cet avènement. Tout d'abord, les événements des quarante premières années du XV e siècle, relatifs à la lutte entre Orléanistes et Bourguignons transportée en Lorraine, et aux successions de Lorraine et de Bar, pour deux raisons principales : d'une part, il s'agit là des premières ingérences bourguignonnes d'importance en Lorraine ; d'autre part, l'arrivée de la maison d'Anjou à la tête des duchés et l'établissement d'un gouvernement aristocratique qui ne dit pas son nom déterminent très fortement la situation politique avec laquelle le Téméraire saura jouer. Ensuite, nous relèverons les jalons de l'influence bourguignonne dans les évêchés lorrains, posés par la diplomatie de Philippe le Bon. Enfin, pour clore ce prélude, nous nous pencherons sur l'installation au cœur de la Lorraine de la maison comtoise de Neufchâtel, épine bourguignonne dans le pied des ducs angevins.
En second lieu sera abordée l'évolution de l'implication bourguignonne en Lorraine lors des premières années du gouvernement du Téméraire : les liens renforcés avec le duc de Lorraine et les évêchés de Metz et Verdun ; un aspect plus structurel, le glissement vers la vassalité bourguignonne d'un certain nombre de familles lorraines ; enfin, la guerre entre le Conseil de Lorraine et la maison de Neufchâtel.
Nous nous pencherons ensuite sur les quatre premières années de la décennie 1470, où l'on voit la Lorraine glisser vers un statut de protectorat bourguignon.
Enfin, nous nous attacherons aux deux dernières années de la vie du Téméraire, où la politique du roi de France conduit la Lorraine à la guerre, à la soumission à la Bourgogne et enfin, à la chute du parti bourguignon.

Citer :
Conclusion

Il est courant de dénigrer les entreprises de Charles le Téméraire, sous prétexte que le dernier duc de Bourgogne aurait été moins prudent que son père, ou moins habile politicien que son rival Louis XI.
Pourtant, il est difficile de pas voir le coup de maître joué par le Téméraire en Lorraine. Dans cette région essentielle pour les liaisons internes de l'Etat bourguignon, Philippe le Hardi et Jean sans Peur avaient déjà su s'opposer efficacement aux projets du duc d'Orléans destinés à couper celles-ci. Philippe le Bon était allé plus loin, en profitant de troubles internes au duché de Lorraine pour lui imposer son ombre tutélaire. Il avait prolongé ce succès en renforçant le parti bourguignon dans les évêchés lorrains, tandis que son maréchal Thiébaut de Neufchâtel construisait au cœur du duché une principauté autonome autour de l'inexpugnable forteresse de Châtel.
Charles le Téméraire, dès son avènement, et même dès les dernières années du règne de son père, était allé plus loin. Il entraîna dans la Guerre du Bien Public le duc Jean de Calabre dont il sut se faire un ami — ce qui n'empêcha pas les coups bas —, il révisa la politique allemande de son père — ce qui lui causa plus tard des ennuis, mais qui sur l'instant fut bénéfique — et renforça notablement l'influence bourguignonne dans les évêchés. Il parvint à gérer la situation périlleuse dans laquelle aurait pu le placer le conflit entre le duc de Lorraine, son allié, et le seigneur de Neufchâtel.
Surtout, il comprit ce qu'était la noblesse lorraine. Conscient du parti qu'il pouvait tirer des nombreux seigneurs lorrains qui étaient ses vassaux pour des terres luxembourgeoises, le Téméraire joua habilement avec la Seigneurie lorraine, ce corps constitué, jaloux de ses prérogatives, et qui se sentit floué par René II, ce jeune prince, plus Joinville que Vaudémont, à qui elle avait donné la couronne ducale et qui semblait vouloir imposer une administration angevine.
Sous la forme d'une alliance fort inégale, un protectorat fut imposé par le Bourguignon, qui appela les principaux gentilshommes du duché à garantir le traité. Ceux-ci ne purent qu'être flattés par une telle reconnaissance de leur importance. Quand leur jeune duc renia son alliance sans les consulter, leur orgueil et leur honneur furent blessés. Le manifeste que leur adressa le Téméraire, particulièrement efficace et bien ciblé, eut alors vraisemblablement un impact décisif : la noblesse de son duché restant globalement passive, René II ne pouvait compter quasiment que sur l'appui militaire français, et quand Louis XI fit une fois de plus volte-face, le duc de Lorraine perdit pied, et bientôt espoir : Charles le Téméraire, rentrant triomphalement à Nancy, fut acclamé comme duc de Lorraine par les Etats Généraux, à qui l'on promettait de faire de leur pays le cœur de l'Etat bourguignon, le plus riche et le plus prestigieux qui existât.
L'historiographie "officielle" — principalement la Chronique de Lorraine et le Dialogue de Jean Lud —, commandée par René II quelques années plus tard, ne parvint pas, malgré ses efforts, à dissimuler l'ampleur des défections — ce qui, d'ailleurs, ne nuisit pas au rôle qu’elle joua dans le développement d'un patriotisme lorrain. Sauf dans quelques cas, René II fit après sa victoire preuve de clémence. Eut-il pu agir autrement, alors que quasiment toutes les forces vives du pays avaient rallié, à un moment ou à un autre, le Téméraire ?
Celui-ci était en effet parvenu à séduire : une large part de la noblesse, pour les raisons qu'on a dites ; de nombreux officiers ducaux, surtout après que René II retiré à Joinville eut semblé abandonner la lutte ; des bourgeois, ravis d'avoir un prince puissant capable de rendre les routes sûres, mais peut-être plus circonspects quand celui-ci commença à lever de lourds impôts ; un clergé bienveillant, influencé par des évêques ouvertement pro-bourguignons, et par une papauté qui voyait en la Bourgogne le dernier espoir qu'une nouvelle croisade devînt un jour réalité.
Si le Téméraire échoua finalement, la Lorraine n'en fut pas la cause. Au contraire, y eût-il consacré plus d'attention encore, se fût-il concentré sur elle en y restant en personne, au lieu d'aller combattre les Suisses, avec qui il aurait pu s'entendre — mais il méprisait ces "montagnards" —, que son Etat désormais d'un seul tenant aurait fort bien pu survivre.
René II, il faut bien lui accorder ce mérite, sut retrouver l'adhésion de ses élites et de sa population — population qui n'avait jamais cessé de se méfier de ces Bourguignons qui lui avaient causé tant de tort au cours des guerres précédentes.
Toutefois, il est permis de penser que les graines semées par le Téméraire ne furent pas stériles. En effet, même si la lutte entre René II et la Bourgogne, désormais représentée par la maison d'Autriche, se poursuivit après la mort du Téméraire — son « ennemi capital » —, la Lorraine allait bientôt entrer dans une période de son histoire dont l'alliance autrichienne serait l'un des traits marquants.
En août 1542, à Nuremberg, quand Ferdinand de Habsbourg, au nom de son frère Charles Quint, signa avec le duc Antoine, fils de René II, un traité qui plaçait la Lorraine, « duché libre et indépendant », sous la protection du Saint Empire, c'est-à-dire de la maison d'Autriche, l'ombre de Charles le Téméraire, figure qui obsédait ses arrière-petits-fils, ne planait-elle pas sur la rencontre ?

Citer :
Table des matières

SOMMAIRE 2
INTRODUCTION 3
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE 6
I. ABREVIATIONS UTILISEES 6
II. SOURCES 6
III. BIBLIOGRAPHIE 7

CHAPITRE PREMIER : LORRAINE ET BOURGOGNE AVANT CHARLES LE TEMERAIRE 10
I. ORLEANISTES ET BOURGUIGNONS EN LORRAINE 11
1. L'influence grandissante du duc d'Orléans en Lorraine 11
2. Le ressaisissement du camp bourguignon 12
3. D'Azincourt au traité de Troyes 13
II. LES SUCCESSIONS DE BAR ET DE LORRAINE 14
1. Le traité de Foug 14
2. Les ambitions d'Antoine de Vaudémont 15
3. La bataille de Bulgnéville et ses suites 17
III. JALONS DE L'INFLUENCE BOURGUIGNONNE DANS LES EVECHES 21
1. L'évêché de Verdun 21
2. L'évêché de Toul avant 1460 22
3. L'évêché de Metz 22
IV. L'INSTALLATION DE LA MAISON DE NEUFCHATEL EN LORRAINE 23
1. Un mariage fructueux 23
2. Une puissance montante au cœur de la Lorraine 24
3. Thiébaut IX de Neufchâtel, maréchal de Bourgogne et feudataire lorrain insoumis 25
4. Mainmise sur l'évêché de Toul 26
5. Vues de Thiébaut IX sur Epinal 27

CHAPITRE II : LES DEBUTS DU GOUVERNEMENT DU TEMERAIRE ET LE RENFORCEMENT DE L'IMPLICATION BOURGUIGNONNE EN LORRAINE 29
I. LA LORRAINE ATTIREE DANS L'ORBITE BOURGUIGNONNE 29
1. Jean de Calabre dans la Ligue du Bien Public 29
2. La politique allemande du Téméraire et le ralliement de Georges de Bade 31
3. Lutte d'influence autour de l'évêché de Verdun 32
II. DES LIGNAGES LORRAINS DE PLUS EN PLUS LIES A LA BOURGOGNE 34
1. La famille de Beaufremont 34
2. Le cas des Haraucourt 36
3. La Lorraine thioise dans la mouvance luxembourgeoise 37
III. LA GUERRE DE CHATEL 38
1. L'ouverture des hostilités 38
2. La contre-offensive ducale 39
3. L'enlisement du conflit 41


CHAPITRE III : VERS UN PROTECTORAT BOURGUIGNON 42
I. LE DUC NICOLAS DANS LA CLIENTELE BOURGUIGNONNE 43
1. Le traité d'Arras et le projet de mariage 43
2. Opérations militaires communes 44
3. Le règlement de la guerre de Châtel 44
II. LA CITE ET L'EVEQUE DE METZ 46
1. La position délicate des Messins 46
2. L'alliance de Georges de Bade 46
III. CHARLES DE BOURGOGNE ET LE JEUNE RENE II 47
1. Les débuts incertains et maladroits de René II 47
2. Le traité "de Nancy" (15 octobre 1473) 48

CHAPITRE IV : LA GUERRE 51
I. LA CONCURRENCE FRANÇAISE A L'OUEST 51
1. L'héritage du roi René 51
2. Intrigues verdunoises 51
3. Le retournement de René II 52
II. LA CONQUETE DU DUCHE DE LORRAINE 53
1. Une faible résistance 54
2. La soumission et les Etats du 18 décembre 1475 57
3. Le gouvernement bourguignon de la Lorraine 62
III. LA CHUTE DU PARTI BOURGUIGNON 63
1. Les résistances à la reconquête de René II 64
2. La bataille de Nancy 66
3. Le temps des comptes 67

CONCLUSION 70

ANNEXES 72
GENEALOGIE SIMPLIFIEE DES SIRES DE NEUFCHATEL 72
GENEALOGIE SIMPLIFIEE DE LA MAISON DE HARAUCOURT 73
TRAITE "DE NANCY" (15 OCTOBRE 1473) 74
MANIFESTE DE CHARLES LE TEMERAIRE A LA NOBLESSE LORRAINE A LA SUITE DU DEFI DE RENE II 77
1. Copie éditée par Dufourny 77
2. Copie éditée par Huguenin 80
DISCOURS DE CHARLES LE TEMERAIRE AUX ETATS DE LORRAINE (NANCY, 18 DECEMBRE 1475) 84

INDEX DES NOMS DE PERSONNES 85
TABLE DES MATIERES 89

Citer :
Discours de Charles le Téméraire aux Etats de Lorraine réunis à Nancy le 18 décembre 1475

Selon la Chronique de Lorraine, éd. MARCHAL, pp. 183-185 (chapitre CXXXIX).




"«Por l'advenir bon prince vous seray, tous noblement vous entretenray. J'ay l'intention de bien entretenir l'Estat de l'Eglise, et après toute la noblesse, par moy seront tous honorés, et tous les bourgeois riches les feray, tous les laboureurs de force les garderay [i.e. : contre toutes les violences qui pourraient être faites contre eux] ; à l'ayde de Dieu céans une notable maison feray faire, avec ce, la ville feray regranser [agrandir] jusque vers le gué de Tomblaine. J'ay voluntey icy demeurer et mes jours y parfiner [achever] , c'est le pays lequel plus désire. Je suis maintenant emmy mes pays por aller et por venir. J'y tanray mon Etat, car j'ay intention que tous mes pays, Bourgoigne et Comté, Flandres et Brabant, Hollande, Zélande, Namur, Artoys, Héna, Limbourg et Lucembourg, de tous mesdicts pays feray tous les officiers venir icy rendre leurs comptes, et plusieurs de mes affaires ; à ce lieu icy feray tous venir. Je vous admoneste que me soyez bons subjects et que de moy vous reprenez ; croyez à vray que un bon prince me treuverez. Vous sçavez que je suis redoubté, et j'ay puissance à vous bien garder, car maintenant je suis entre Alemaigne et France, plus fort que devant. Tous me craindront, ils cognoissent que je suis puissant. Et por vous advertyr, contre roys et princes j'ay bonne paix et la vols maintenir, excepté contre les Suysses que à mon cousin, comte de Romont l'ont fort persecuté, dont j'ay intention dedans ce moys de febvrier de le vengier. A l'ayde de Dieu, la comté de Farette recouvreray. Por vous bien entretenir et por bien gouverner, Monsr de Bièvre, mon bon cousin, vous laisseray jusqu'à tant que reviendray. Je vous prye tous en général que il vous plaise à luy obéyer, il est homme de bien por vous maintenir ; ainsi vous le promettez.» Chascun crya : Oy. Ains en y eut que [bien] altrement désyroient."

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Message Publié : 29 Août 2003 17:38 
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Philippe de Commines
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Merci beaucoup Fabien.

Voilà qui devrait passionner tous les amateurs d'histoire régionale lorraine !

Je vais déjà lire l'introduction et la conclusion et -puisque tu le proposes- je ne manquerai pas d'user et d'abuser de ta bonté en te demandant d'autres extraits.

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Message Publié : 31 Août 2003 20:56 
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Philippe de Commines
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Inscription : 30 Juil 2003 21:44
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Ainsi la noblesse du duché de Lorraine s'était plutôt rangée du côté du duc de Bourgogne ?

René II, "René le Seul" ?

Ce n'était pas encore le cas de René Ier, n'est-ce pas, qui avait encore quelques alliés militaires à Bulgnéville (notamment Baudricourt) avant que la bataille ne tournait mal.

Fabien, pourrais-tu nous en dire davantage sur
"1. L'influence grandissante du duc d'Orléans en Lorraine" ?

et

"2. Le ressaisissement du camp bourguignon" ?

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Message Publié : 06 Mars 2004 13:59 
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Grégoire de Tours
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Inscription : 17 Juin 2003 9:31
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I. Orléanistes et Bourguignons en Lorraine

A Paris, la cour du roi Charles VI, frappé depuis 1392 par des crises de folie, était déchirée par une lutte d'influence sur laquelle se greffaient des divergences souvent profondes au sujet de la politique fiscale, sociale ou diplomatique du Royaume . Les deux partis en présence étaient, d'une part, le parti "bourguignon", c'est-à-dire les partisans de Philippe le Hardi, oncle du roi, duc de Bourgogne et époux de l'héritière de Flandre et de Franche-Comté, et d'autre part le parti "orléaniste" [Après 1410, on le nomme plutôt parti armagnac, en raison de l'influence grandissante du comte Bernard d'Armagnac, beau-père de Charles d'Orléans.] , autour du duc Louis d'Orléans, frère de Charles VI.

1. L'influence grandissante du duc d'Orléans en Lorraine

Louis d'Orléans, soucieux de contrarier les ambitions territoriales de son oncle aux Pays-Bas [Au tournant du siècle, Philippe le Hardi négociait notamment pour son fils Antoine la succession de la duchesse Jeanne de Brabant.] , parvint, en août 1402, au terme de négociations entamées en 1398, à se faire confier l'administration du duché de Luxembourg par Josse de Moravie, qui le tenait en gage de son cousin Wenceslas IV de Luxembourg, roi des Romains, et qui, dans un premier temps, l'avait cédé à Philippe le Hardi. Le duc d'Orléans ne tarda pas à envoyer des troupes à Thionville, Ivois, Montmédy, Damvillers. Il obtint à la même époque du roi de France la garde de l'évêché de Toul (en 1400) puis celle de l'évêché de Verdun (en 1401) à la tête duquel il fit élire Jean de Sarrebruck.
En 1398, le duc Charles II de Lorraine accepta de prêter hommage au duc d'Orléans contre une rente annuelle de 2000 livres tournois, s'engageant à «le servir contre tous, exceptés le roi de France et le roi des Romains» . Orléans s'attacha également par des fiefs-rentes toute une série de grands seigneurs lorrains établis le long de la Sarre : Gérard, seigneur de Boulay, Hanman, comte de Deux-Ponts et seigneur de Bitche, Jean IV le Jeune, comte de Salm, Jean, comte de Linange, Ferry III de Mörs, comte de Sarrewerden entrèrent dans sa vassalité en 1402. La famille de Bar fut à son tour attirée dans l'orbite du duc d'Orléans : Edouard de Bar, marquis du Pont, lui prêta hommage en août 1403, suivi en mars 1406 par son père Robert Ier, duc de Bar, qui apporta son aide au duc d'Orléans lors d'une tentative contre Metz. En cette même occasion, le camp orléaniste fut rejoint par Philippe de Nassau, comte de Sarrebruck, et Amé de Sarrebruck, damoiseau de Commercy.
La clientèle bourguignonne se trouvait fortement réduite par cette politique. Bien que les routes qui reliaient entre elles les possessions de Philippe le Hardi passassent alors plutôt par la Champagne que par la Lorraine , les progrès de Louis d'Orléans risquaient de compromettre irrémédiablement la cohérence de l'ensemble territorial bourguignon, coupé par une région sous influence orléaniste.

2. Le ressaisissement du camp bourguignon

Philippe le Hardi gardait en Lorraine un fidèle partisan en la personne du propre frère du duc Charles II, le comte de Vaudémont Ferry de Lorraine, depuis qu'en 1400 ce dernier était entré en conflit avec le duc d'Orléans à propos de la ville de Toul. Ferry vint même en armes à Paris en 1401 pour appuyer le duc de Bourgogne.
Mais ce fut bientôt le duc de Lorraine lui-même qui rejoignit le camp bourguignon. Charles II était en effet marié depuis 1394 à Marguerite, la fille de Robert de Bavière, électeur palatin et compétiteur de l'empereur Wenceslas, déchu en septembre 1400. Aussi, quand Robert de Bavière fut élu, en 1400, roi des Romains et bientôt couronné à Aix (le 6 janvier 1401), Charles de Lorraine, dans le camp de son beau-père qu'il accompagna bientôt en Italie pour une campagne militaire, se trouva de facto en opposition avec le duc d'Orléans, allié de Wenceslas de Luxembourg. En 1406, Jean sans Peur, qui avait succédé à son père Philippe le Hardi comme duc de Bourgogne en 1404, profita de la situation et s'attacha Charles II par une pension de 2000 francs.
Il devint bientôt difficile en Lorraine de ne pas prendre parti, pour Luxembourg-Orléans ou pour Bavière-Bourgogne. Metz fut déchirée entre les deux camps, et les Orléanistes envisagèrent de s'emparer militairement de la ville. Le rapport de forces dans la région semblait en effet pencher nettement en faveur du duc d'Orléans, qui pouvait notamment compter sur l'appui du duc de Bar, du damoiseau de Commercy, des comtes de Sarrebruck, de Salm, de Sarrewerden, ou encore du seigneur de Boulay.
Toutefois, Charles II de Lorraine infligea, fin juillet 1407, une sérieuse défaite à ses adversaires à Champigneulles, au nord de Nancy. Les Orléanistes durent renoncer à Metz, et ils furent encore déstabilisés par l'assassinat du duc d'Orléans, sur ordre du duc de Bourgogne, le 23 novembre 1407. Comme il le fit au même moment dans le royaume de France, Jean sans Peur put avancer ses pions en Lorraine. En avril 1408, il confirma la pension versée à Charles II «pour considérations des grands et notables services» que le duc de Lorraine avait rendus au duc de Bourgogne. En retour, Charles II s'engageait à servir le duc de Bourgogne contre tous, exceptés l'empereur ou le roi des Romains, en particulier Robert de Bavière, le roi de France et ses alliés, ainsi que l'évêque et la cité de Metz. D'anciens orléanistes rallièrent le camp bourguignon, notamment Robert, duc de Bar et son fils Edouard, marquis du Pont, qui soutinrent Jean sans Peur contre les Armagnacs entre 1410 et 1412. Mais ce ralliement était avant tout dicté par les circonstances : Edouard, duc de Bar après la mort de son père en 1411, fut emprisonné en 1413 par les Cabochiens, alliés de Jean sans Peur, puis rejoignit le parti armagnac, constitué de princes comme Louis II d'Anjou, Charles d'Orléans, Bernard d'Armagnac, Jean V de Bretagne, Jean de Berry, Jean de Bourbon ou Jean d'Alençon, qui refusaient la domination bourguignonne.
Malgré ces oppositions, Jean sans Peur parvint à s'imposer, notamment sur la scène internationale. Un accord fut trouvé avec la maison de Luxembourg : le frère de Jean sans Peur, Antoine de Brabant, épousa le 16 juillet 1409 Elisabeth de Görlitz, nièce du roi des Romains Wenceslas. En dépit de l'hostilité du frère cadet de Wenceslas, Sigismond, Antoine reçut par ce mariage la garde du duché de Luxembourg, transmis à Elisabeth par son oncle à titre viager. Le duc de Bourgogne nouait également des alliances dont l'intérêt à court terme était moins évident : ainsi, en juillet 1411, une première ambassade bourguignonne rencontra le roi d'Angleterre Henry IV et son fils le prince de Galles, futur Henry V .
Cette dernière alliance, renforcée au printemps et à l'été 1414, allait emmener Jean sans Peur sur un terrain risqué.

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Message Publié : 13 Avr 2007 2:18 
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Localisation : Lorraine
Suite de la discussion restituée (février 2007)
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Alfred Teckel
Oh! Je ne connaissais pas ce sujet! Merci cher Fabien de Stenay! J'aime beaucoup votre introduction (le reste aussi! mais elle recoupe certains de mes thèmes de recherche)

Nanar67
Merci de compléter la partie suivante de votre excellent travail :
II. DES LIGNAGES LORRAINS DE PLUS EN PLUS LIES A LA BOURGOGNE 34
1. La famille de Beaufremont 34
2. Le cas des Haraucourt 36
3. La Lorraine thioise dans la mouvance luxembourgeoise 37

Avez-vous s.v.p. des tableaux généalogiques qui corroborent ces 3 points ?

Fabien de Stenay
1. La famille de Beaufremont

La famille qui tenait le château de Beaufremont [Beaufremont, Vosges, arr. et cant. Neufchâteau. L'éloignement de la famille de sa terre d'origine conduira à la déformation progressive de son nom en "Bauffremont"] , situé entre Neufchâteau et Bulgnéville et relevant du duché de Bar, était liée depuis fort longtemps déjà à la Bourgogne. La légende faisait d'ailleurs remonter la lignée à un légendaire chef burgonde, nommé Vauvremont ou Beaufremontius, qui aurait été baptisé vers 427. Cette origine mythique conduisit les membres de la lignée à se qualifier de "premiers barons chrétiens de Bourgogne".
Mais les liens avec la Bourgogne pouvaient également prendre une tournure plus concrète, en particulier sous la forme de mariages. Ainsi, au début du XIIIe siècle, Pierre de Beaufremont épousa Agnès, fille du sénéchal de Bourgogne Guillaume de Vergy et nièce de la duchesse de Bourgogne Alix de Vergy. A la fin du siècle, Liébaut (ou Thiébaut) III de Beaufremont, fils issu de ce mariage, possèdait de nombreuses terres en Bourgogne : Senoncourt, Tartecourt, Magny, Cernois. En 1289, Liébaut III fut arbitre, avec le comte Othon de Bourgogne et Jean de Montbéliard, seigneur de Montfaucon, pour des difficultés qui existait entre Hugues de Bourgogne et Jean de Vergy. Cette implication croissante de la famille de Beaufremont dans la politique bourguignonne ne l'éloignait pas pour autant de la Lorraine où elle gardait ses attaches : ainsi, cette même année 1289, Liébaut III figurait parmi les garants d'une trêve entre Ferry III de Lorraine et l'évêque de Metz. Il est vrai toutefois qu'il était le premier Beaufremont qui ait paru à la cour de Bourgogne, et que cette habitude allait se renforcer chez ses successeurs : le fils de Liébaut III, Gauthier, conserva des relations très distinguées avec le duc Hugues V.
La branche aînée s'éteignit vers 1416, à la mort de Philibert de Beaufremont. La branche cadette qui lui succéda, la tige des barons de Scey-sur-Saône, issue de Gauthier, était plus fortement encore enracinée en Bourgogne et en Franche-Comté. Henri de Beaufremont, seigneur de Scey-sur-Saône, Bourbonne, Mirebeau et Charny reçut en 1408 une gratification du duc de Bourgogne en récompense de services rendus lors de son expédition à Liège. Henri est qualifié dans cet acte de conseiller et chambellan du duc. La génération suivante fut contemporaine de la guerre de succession de Lorraine. Le fils d'Henri, Pierre l'Aîné, seigneur de Beaufremont et de Ruppes, avait peut-être suivi René d'Anjou dans sa campagne de 1429. Présent lors de la confirmation des privilèges de la chevalerie le 31 janvier 1431, il est qualifié dans des actes de "conseiller" de René. Participa-t-il à la bataille de Bulgnéville ? Il semble en fait avoir peu pratiqué le métier des armes, et s'abstint sans doute à cette occasion. Quant à ses frères Jean, seigneur de Mirebeau, et Pierre "le Jeune", seigneur de Charny, ils participèrent vraisemblablement à la bataille, mais, attachés au duc de Bourgogne, ils rejoignirent l'armée d'Antoine de Vaudémont.
Pierre l'Aîné figure parmi les signataires du traité de landfried de 1441, où vingt-neuf seigneurs, à l'initiative de l'évêque Louis de Haraucourt, jurèrent de respecter la souveraineté du duc. Peu après, il fut pourtant accusé de faux-monnayage. Avant même qu'une condamnation formelle fût prononcée, René confisqua ses terres de Beaufremont, Ruppes, Messein, Maron, et les confia au bailli des Vosges, Philippe de Lenoncourt. En 1444, Pierre déposa un recours auprès du roi de France. Le Parlement de Paris, en 1448, lui donna raison et ordonna la restitution des ses terres, ce qui fut fait. Ce procès coûta cher à Pierre l'Aîné ; en 1449, pour se libérer d'une de ses dettes, il souscrivit une obligation au profit de Jean de "Beffroymont", écuyer, sire de Soye (issu de la branche cadette des barons de Senecey). Le procès n'empêcha pas la terre de Beaufremont de quitter le patrimoine familial : à la mort de Pierre, en 1468, ses biens furent donnés par René à son gendre Ferry de Lorraine.
Le frère de Pierre l'Aîné, Pierre le Jeune, fut pour sa part très engagé du côté de la cour bourguignonne. Il fut premier chambellan de Philippe le Bon, et l'un des vingt-quatre premiers chevaliers de la Toison d'Or. Jouteur réputé, l'un des meilleurs chevaliers de son temps avec Simon de Lalaing, il sut aussi utiliser ses talents guerriers en dirigeant, à plusieurs reprises, des armées pour le duc de Bourgogne. En 1447, Pierre le Jeune, veuf à deux reprises, reçut de ce dernier la main de Marie, sa fille naturelle légitimée. En 1456, son beau-père éleva sa seigneurie de Charny au rang de comté, et lui donna les terres d'Arnay-le-Duc, Pouilly, Mont-Saint-Jean, Montfort et Villaines-les-Prévôtés, en Bourgogne.
Après la mort de Philippe le Bon, Pierre de Beaufremont resta fidèle à son fils, qui le nomma lieutenant général de ses pays de Bourgogne et sénéchal du duché. En juin 1468, il accompagna Charles le Téméraire à l'Ecluse pour accueillir Marguerite d'York. Il mourut avant 1473 : selon Commynes, le duc fit dire des messes pour lui cette année-là. Pierre le Jeune laissait trois filles de son mariage avec Marie de Bourgogne.
Le quatrième fils d'Henri de Beaufremont, Guillaume, seigneur de Scey-sur-Saône, se fixa lui aussi en Bourgogne.
Quant aux droits sur la seigneurie de Beaufremont, usurpée dans les faits par Ferry de Vaudémont, ils avaient été transmis à la maison d'Arsberg : Jeanne, fille de Philibert de Beaufremont avait épousé Guillaume, comte d'Arsberg. Leur fils, Jean III d'Arsberg, pensait pouvoir hériter de la baronnie de Pierre l'Aîné, seigneur de Beaufremont et de Ruppes. Il renonça à ses droits en 1449. Son parcours postérieur suivit la politique de son suzerain Rodolphe de Hochberg, comte de Neuchâtel [Il s'agit bien là du comté de Neuchâtel, accosté au lac du même nom, et non de la seigneurie de Neuchâtel-Bourgogne, appartenant à la famille dont il a été question plus haut], à la fois allié de la cité de Berne et vassal des ducs de Bourgogne pour des terres comtoises.

2. Le cas des Haraucourt
Cette vaste famille , alliée à divers degrés aux plus grands lignages lorrains, avait fourni, depuis le début du XVe siècle, de fidèles serviteurs aux ducs angevins, qui leur confièrent les plus hautes responsabilités du duché : Jean III fut bailli de Saint-Mihiel, et périt à Bulgnéville ; son frère l'évêque Louis, conseiller de René, fut gouverneur général de Lorraine en 1434 pendant le voyage du duc à Naples, et lui servira d'ambassadeur auprès du pape Eugène IV ; leur frère Charles, seigneur de Germiny, fut bailli d'Allemagne à partir de 1428 et seconda efficacement la duchesse Isabelle dans une période critique.
Les fils de Jean III, Gérard III et Jacques, suivirent l'exemple de leurs père et oncles. Le 9 juillet 1438, Gérard, qui avait succédé à son père dans le bailliage de Saint-Mihiel, reçut de René d'Anjou la charge de sénéchal des duchés à titre héréditaire. Le 19 septembre 1449, René le fit entrer dans l'Ordre du Croissant. Il conserva ses fonctions jusqu'à sa mort, le 1er janvier 1472. Son frère Jacques fit également une belle carrière. Il entra, jeune encore, au conseil du duc. Il figure dans les traités de landfried de 1435 et 1441. Il épousa en 1443 Catherine de Deuilly, fille et unique héritière du maréchal Carlot de Deuilly († 1419), et veuve d'Antoine de Ville. Il mena diverses missions diplomatiques pour le roi René, qui le gratifiait d'une pension confortable. En 1446, il devint bailli de Nancy, accroissant encore son rôle au sein du Conseil ducal. En 1472, sa fonction de bailli passa brièvement à son cousin Gérard "le Jeune", seigneur d'Ormes, avant de lui revenir, jusqu'à sa mort le 4 août 1476.
Cependant, la génération suivante se montra moins attachée aux ducs angevins. Ce fut le cas en particulier d'André de Haraucourt, fils aîné de Gérard III. Le 23 septembre 1462, René d'Anjou décida de le créer Chevalier de l'Ordre du Croissant. André prêta serment à cette fin le 1er décembre suivant. Pourtant, il affirma plus tard n'être pas chevalier, sans que l'on connaisse la date de sa renonciation, antérieure toutefois à 1475. Bien plus que la Lorraine, le Luxembourg était l'horizon d'André : son mariage avec Marguerite de Fénétrange, fille de Simon, seigneur de Fénétrange et d'Anne de Brandebourg, l'y avait attiré. Le 22 septembre 1461, il prêtait hommage à Guillaume de Saint-Soigne, gouverneur et capitaine général du duché de Luxembourg, au nom de sa femme, pour la forteresse et seigneurie de Brandebourg. Dès 1468, il siégeait à la cour des nobles du duché de Luxembourg.
Quant à ses cousins Perrin, Evrard et Henri le Jeune, fils du bailli Jacques de Haraucourt et seigneurs de Bayon, ils n'étaient pas comme André vassaux luxembourgeois. Toutefois, appartenant à la même génération, une génération qui, contrairement à celle de leurs pères, n'avait pas connu les temps difficiles qui avaient conduit la noblesse lorraine à prendre en main le gouvernement du duché, ils ne se sentaient sans doute pas plus que lui obligés envers la dynastie ducale. A leurs yeux, ce qui, dans les années 1430, avait été un devoir était sans doute déjà devenu une prérogative de l'aristocratie.

[Sur cette famille de Haraucourt, je me suis notamment appuyé sur le mémoire de maîtrise de Gabrielle Velot : Les Haraucourt, une famille lorraine au Moyen Age Université de Nancy II, 1994. ]
J'ai produit dans mon mémoire un utile tableau généalogique des Haraucourt (beaucoup d'auteurs, y compris le doyen Schneider, confondent des homonymes), mais il ne m'est pas possible de le copier/coller.

3. La Lorraine thioise dans la mouvance luxembourgeoise
A l'instar d'André de Haraucourt, de nombreuses familles des bailliages ducal et évêchois d'Allemagne avaient un pied au Luxembourg. La plupart de ces familles avaient une branche dans ce duché, quand elles ne s'y étaient pas elles-mêmes transplantées, tout en gardant leurs possessions lorraines. Les familles établies dans les vallées de la Nied et de la Basse-Moselle avaient été attirées dans l'orbite luxembourgeois dès les débuts du XIVe siècle ; tel était le cas des Boulay et des Raville. Au milieu du XVe siècle, l'arrivée des puissants ducs de Bourgogne à la tête du Luxembourg accentua ce fait. On voit ainsi, lors d'un procès en 1461, le justicier des nobles du pays de Luxembourg entouré, entre autres, par Philippe de Sierck, prévôt de la cathédrale de Trèves et seigneur de Moncler, Simon, seigneur de Fénétrange et de Bettange, Jean, seigneur de Créhange et de Pittange, Jean de Boulay, seigneur de Soleuvre, Jean de Raville, seigneur de Septfontaines.
L'influence luxembourgeoise et donc bourguignonne ne se limitait pas aux seigneurs de la Lorraine allemande. Le "Roman Pays" était également touché : c'est ainsi qu'André de Haraucourt devint seigneur de Brandebourg, ou que la fille de Robert de Baudricourt, Bonne, épousa un seigneur luxembourgeois.
La famille de Neufchâtel elle-même participait à cette imbrication : un fils du maréchal Thiébaut IX, Claude, seigneur du Fay, épousa Bonne de Boulay, héritière avec sa sœur de cette maison possessionnée à la fois en Lorraine et au Luxembourg, et devint lieutenant du duché de Luxembourg. Son cousin Ferdinand, seigneur de Montagu et de Marnay, épousa en 1468 Madeleine de Fénétrange, qui lui apporta une part de la baronnie de Fénétrange.
"Dans la principauté épiscopale de Metz, dont les terres s'enchevêtraient avec celles du duché de Lorraine, le Bourguignon pouvait disposer d'appuis plus solides encore". Les Bayer de Boppard, solidement établis dans la région grâce aux faveurs de deux évêques de Metz issus de leur sein, Thierry puis Conrad Bayer, figuraient ainsi parmi les fidèles du duc de Bourgogne : Rodolphe Bayer, neveu et exécuteur testamentaire de l'évêque Conrad, fut présent à la Conférence de Trèves, en 1473, comme conseiller et chambellan de Charles le Téméraire. Deux de ses neveux, Simon et Jean, se mirent également au service de ce dernier.
"Avec les Varsberg, les Créhange, les Sierck, également liés à des familles du Luxembourg, c'était pratiquement toute la noblesse importante de la Lorraine thioise qui se trouvait dans la clientèle bourguignonne. A défaut de considérations d'intérêts ou de parenté, l'admiration que la noblesse portait au duc de Bourgogne suffirait à expliquer la sympathie que témoignèrent à sa cause les familles d'ancienne chevalerie, et ce jusqu'en Alsace." [SCHNEIDER (Jean), «La guerre bourguignonne entre Sarre et Moselle (1475-1477)», Annuaire de la Société d'Histoire et d'Archéologie de la Lorraine, tome LXXVII, 91e année (1977), pp. 95-121.]

Ce dernier point mérite d'être souligné. En ce dernier siècle du Moyen Age, on cultivait encore, à la cour de Bourgogne et pratiquement nulle part ailleurs, une certaine forme d'idéal chevaleresque. L'ordre de la Toison d'Or, bien sûr, les projets de croisade, le mécénat de Philippe le Bon poursuivi sous des formes différentes par son fils, le caractère de ce dernier, forgé par toute une littérature héroïque à la mode antique ou courtoise, tout cela créait un cadre où la chevalerie, si malmenée ailleurs, se retrouvait volontiers. "Le duc de Bourgogne a été le sourire et la lueur de la féodalité mourante", comme l'a écrit joliment Ernest Lavisse. Cet aspect du prince ne pouvait pas être indifférent à la chevalerie lorraine, si jalouse de ses libertés et de ses valeurs.


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Message Publié : 13 Avr 2007 18:20 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Inscription : 30 Juil 2003 21:44
Message(s) : 1677
Localisation : Lorraine
Merci d'avoir restauré cet article.
Et merci, surtout, à Fabien d'avoir bien voulu le publier ici.
:bravo:

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 Sujet du message : landfried du 19 septembre 1435
Message Publié : 20 Jan 2008 11:53 
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Hérodote
Hérodote

Inscription : 20 Jan 2008 11:49
Message(s) : 2
bonjour à tous,
je suis à la recherche de la liste des nobles lorrains ayant signé le landfried de 1435 visant au maintien du repos public au sujet de la guerre de succession des Etats de Lorraine (querelle entre René d'Anjou et Antoine de Vaudémont)
cordialement
malbrancq françois


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Message Publié : 25 Jan 2017 17:56 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours
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Inscription : 17 Juin 2003 9:31
Message(s) : 472
Localisation : Versant lorrain des Vosges
A tous ceux qui s'étaient intéressés à ce travail, sachez qu'il a été revu, actualisé, complété... et publié !
http://www.editions-lepolemarque.com/pr ... -lorraine/
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