Voici quelques compléments sur ce personnage, tirés de la thèse (1998) de Nicolas Le Roux: Courtisans et favoris: l'entourage du prince et les mécanismes du pouvoir dans la France des Guerres de religion (1547-1594), parue chez Champvallon en 2000 sous le titre La faveur du roi, Mignons et courtisans au temps des derniers Valois (vers 1547-vers 1589), énorme pavé très dense de 806 pages qui devrait ravir les nombreux passionnés de cette époque et de ce thème sur ce forum...
Nommé sénéchal de Béarn , il est utilisé après son père comme le représentant du pouvoir royal à l’intérieur des terres du roi de Navarre. En 1575, il entre dans la maison du roi comme l’un de ses Autres Gentilshommes*, alors qu’il est désigné comme « Grammont le Jeune ». A l’automne 1576, le roi fait savoir à son père qu’il apprécie le jeune homme, en l’assurant que « voz enfans seront vraiz imitateurs de voz vestiges ». L’intégration du jeune Gramont à la cour vise donc à récompenser la fidélité de son père et à rajeunir les relais du pouvoir dans sa province.
Il reçoit ainsi la charge de maire de Bayonne à la mort de son père en décembre 1576, avant de devenir capitaine de gendarmes, chevalier de l’ordre et Gentilhomme ordinaire de la chambre.
*Autres gentilshommes : N. Le Roux explique ailleurs que cette dénomination officielle s’applique depuis 1559 : à cette date, le nombre des Gentilshommes de la chambre a été ramené de 111 à 37, pour réaliser des économies (la charge valait 1200 l. de gages) et sous l’influence des Guise : ne sont restés en fonction que des gens qui leur étaient dévoués. Les autres étaient versés dans la catégorie des « Autres Gentilshommes à réduire vacation advenant », une sorte de réserve où l’on puisait les remplaçants de ceux qui décédaient en charge. La Guiche ne fait donc pas partie à cette époque du premier cercle entourant le roi.
Il habitait rue St-Honoré en 1580, dans la maison du « Chapeau Rouge », après avoir logé auparavant devant le Louvre dans la maison du Croissant, rue du Coq, une voie perpendiculaire à la rue St-Honoré ; l’auteur y voit « une stratégie de progressif rapprochement du palais ». Il avait une maisonnée relativement fournie, on a retenu le nom d’un secrétaire, Savarin Benois.
C’était un gros joueur de paume, et un gros parieur puisque des documents attestent de dettes importantes contractées à cette occasion : 18000 l. au duc de Mercoeur à mi-mai 1578, qu’il promet de rembourser pour une moitié à Noël, et l’autre le 1er juin 1579 ; mais il perd encore en juillet 1578 4000 l. au même jeu (dette envers le marchand drapier Joseph Caillou). Il éprouve de grosses difficultés financières, puisqu’il emprunte début 1579 3000 l. au gouverneur de Calais Giraud de Mauléon.
En ce qui concerne sa carrière, il est le seul homme de confiance du roi à posséder des responsabilités militaires et provinciales mais sans exercer de charge à la cour : capitaine de compagnie d’ordonnance, , puis il succède à La Valette comme maître de camp de la cavalerie légère (novembre 1575) sous les ordres de Guise, qui en est colonel général (selon N. Le Roux, pour contrebalancer l’autorité de Guise justement). Il cède la charge à Paul de Saint-Mégrin le 6 juillet 1578 pour celle de Grand maître de l’artillerie que lui a résignée le maréchal de Biron. C’est avec ces responsabilités qu’il participe au siège de la Fère en Picardie en juillet 1580. Il est tué dans les circonstances indiquées ci-dessus le 11 août (mais Lafouine77 donne le 6 ?).
On trouve la relation de l’épisode dans le Journal de Pierre de L’Estoile (Ed. Tallandier, 1982, tome 1, page 367) :
« Grandmont tué devant la Fère. Au commencement du mois d’aoust, le seingneur de Grammont, gentilhomme gascon, jeune seingneur de grande espérance et valeur, eust le bras emporté d’une mousquetade devant la Fère, dont le roi fust fort desplaisant. On disait à la cour que c’estoit une mauvaise beste que ceste Fère-là, de dévorer ainsi tant de mignons. »
L’ambassadeur anglais ajoute que Gramont est mort victime de son obéissance au roi, car il s’est rendu au siège à sa demande expresse.
N. Le Roux évoque encore l’affaire qui l’a opposé à Bussy en janvier 1578, dans le contexte plus général de la tension entre le roi et Monsieur, le duc d’Anjou ; chacun fait donner ses fidèles, la troupe des mignons pour le roi, les gentilshommes de Bussy pour Monsieur. A la suite d’une querelle lors du bal quotidien au Louvre, Bussy et 300 gentilshommes se rendent à la porte Saint-Antoine pour y affronter la troupe de Gramont ; la bataille rangée est évitée de justesse, mais Gramont et ses hommes tentent dans l’après-midi de forcer la porte de Bussy, rue des Prouvaires. Bussy et Gramont sont alors enfermés au Louvre. Les maréchaux de Montmorency et de Cossé sont chargés par le roi de réconcilier les deux hommes, tandis que le roi annonce une ordonnance condamnant de telles conduites.
_________________ Tous les désespoirs sont permis
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