Ce n'est pas aussi tranché que cela, car il ne s'agit pas de prédestination à proprement parler, mais pour Calvin et les autres Réformés, les oeuvres accomplies dans la vie ne servent à rien pour le salut, car ce salut _ la Grâce_ est accordée aux hommes par Dieu à titre purement gratuit, et cela depuis qu'il a envoyé son fils Jésus Christ, à condition toutefois de croire à cette Grâce (c'est le salut par la "foi seule" _ "sola fide").
En d'autres termes, on n'achète pas la Grâce divine, qui serait une manière d'acheter Dieu, chose sacrilège pour les Réformés.
Je pense que cette gratuité du don de Dieu est une manière de montrer davantage sa transcendance absolue, puisqu'il échappe aux rapports sociaux établi par le système du don et du contre-don qui a cours dans la civilisation occidentale. Et puis c'est aussi l'argument contre les Indulgences accordées par Rome, qui apparait pour Calvin comme un véritable scandale, et doublement :
-1) le pape s'arroge ainsi un pouvoir qui n'appartient qu'à Dieu
-2) Il y a tromperie sur la marchandise, et mensonge avéré, puisque seul Dieu accorde le Salut _ gratuitement de surcroît !
(A ce propos, je conseille l'Essai sur le Don de Natalie Zemon-Davis, qui traite précisément du don et contre-don dans la France du XVIe siècle)
Calvin s'appuie sur la lecture de la Bible et celle des Pères de l'Eglise (en particulier Augustin, qui lui aussi conditionne le Salut à la Grâce divine seule, accordée à titre gratuit), mais ne connaissant pas directement les oeuvres de Calvin, je ne peux pas citer précisément ce à quoi il se réfère.
En poussant le raisonnement plus loin, à partir de la gratuité du Salut, Dieu étant tout-puissant et éternel (donc sachant par avance qui est sauvé et qui ne l'est pas), on arrive à ce qu'on appelle la "prédestination", qui dans un sens va à l'encontre du libre-arbitre de l'homme, accordé par Dieu.
La contradiction apparente a été exploitée par la Contre-Réforme et surtout les Jésuites.
Une difficile Fidèlité. Catholiques en France malgré le concile, XVIe-XVIIe s de Thierry Wanegffelen, montre très bien comment l'antagonisme entre Réformés et Tridentins ont durcit les positions doctrinaires dans chacun des camps, en les poussant chaque fois plus loin, au risque de perdre la polysémie des Ecritures, et d'en arriver à des contradictions difficiles voire impossibles à résoudre pour des esprits non exercés aux constructions de raisonnements théologiques, et d'établir un fossé infranchissable entre chrétiens !
_________________ Ne parlez jamais sèchement à un Numide.
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