Nous sommes actuellement le 18 Avr 2024 11:26

Le fuseau horaire est UTC+1 heure




Publier un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 24 message(s) ]  Aller vers la page 1, 2  Suivant
Auteur Message
 Sujet du message : Paris, capitale de la Ligue
Message Publié : 23 Mai 2009 16:19 
Hors-ligne
Eginhard
Eginhard

Inscription : 25 Mai 2004 21:35
Message(s) : 806
Localisation : Paris
Bonjour,
Paris n'est pas restée dans l'histoire pour être une ville très catholique, à la différence de Lyon par exemple. Pendant la Révolution et après, elle sera même à la pointe de la déchristianisation.
Le XVIe siècle n'est pas le XVIIIe certes, mais comment expliquer que dans les années 1580-1590, Paris ait été la capitale de la Ligue? La Ligue a touché d'autres villes du nord de la France, mais c'est bien à Paris que le mouvement fut le plus spectaculairement violent, avec la journée des barricades et l'instauration d'une commune insurrectionnelle quasi dictatoriale.
La Ligue a-t-elle concerné véritablement l'essentiel des classes moyennes et populaires parisiennes? A lire le récit des événements de 1588, on en a l'impression. Si oui, pourquoi? Pourquoi l'anti-protestantisme, la haine du roi, le refus de tout compromis (type parti des politiques) se sont-ils cristallisés à ce point dans la population parisienne?
Que certaines provinces aient pu incarner le catholicisme intransigeant, de même que le midi pouvait être fortement protestant, je le comprends sans problème. Mais on pourrait s'attendre que Paris, centre intellectuel du royaume, ait été plus partagé et tiraillé.
Voilà donc mon interrogation : qu'est-ce qui fait que Paris fut une ville ultracatholique à la fin du XVIe siècle?
Merci de vos réponses


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Paris, capitale de la Ligue
Message Publié : 23 Mai 2009 23:29 
Hors-ligne
Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 19 Mars 2005 18:17
Message(s) : 2159
Localisation : Paris
La psychose parisienne tire son dynamisme de la peur de l'enfer. Nous sommes dans un époque qui considère que la fin du monde est proche. Or Paris (que les habitants considèrent comme une ville sainte qu'il faut protéger) est assaillie depuis des années par le diable protestant. Le roi qui a reçu l'onction pour protéger la chrétienté a finalement succombé aux charmes de Satan. Il a trahi se sujets et a entraîné avec lui du côté obscur bon nombre de bougres politiques. On est dans une poussée de psychose eschatologique.

On verra la même montée en psychose pendant la Révolution mais avec un ennemi et une cause tout à fait différents.

Le fait s'explique aussi que les Parisiens considèrent que Paris est la capitale de la France mais aussi la capitale de l'Europe et donc celle du monde et qu'en conséquence si Paris tombe aux mains du diable, c'est que c'est le commencement de la fin et que chacun doit désormais se préparer à sacrifier sa vie pour défendre Dieu.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Paris, capitale de la Ligue
Message Publié : 18 Mars 2010 20:24 
Hors-ligne
Thucydide
Thucydide
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 04 Juil 2006 12:37
Message(s) : 35
Localisation : Haut-Rhin
Il faut aussi ajouter que la protectrice de la ville est Sainte-Geneviève, et qu'elle est, en quelque sorte, ce qui unit tout les parisiens, fait leur identité. Accepter des protestants, ce serait briser cette union.
Pour ce qui est du refus de compromis, la ville est très vite aux mains des Seize (sorte de Conseil Ligueur), et toute personne
considérée comme trop royaliste ou trop "molle" envers les relapses sont arrêtés et exécutés. Quant à la haine du roi, Henri III,
c'est qu'il n'a pas respecté son serment lors du sacre d'extirper l'hérésie du royaume : il a donc failli à ses devoirs; et cette haine est entretenue par les Jésuites, qui seront longtemps vus comme d'éternels partisans du régicide.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Paris, capitale de la Ligue
Message Publié : 18 Mars 2010 22:37 
Hors-ligne
Jean Froissart
Jean Froissart
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 28 Avr 2006 23:02
Message(s) : 1397
Localisation : Orne
Citer :
toute personne considérée comme trop royaliste ou trop "molle" envers les relapses sont arrêtés et exécutés

Je ne sais pas quelles sont vos sources. Il me semble que l'on n'a pas énormément de témoignages en dehors du journal de Pierre de l'Estoile. Or, dans ce journal, il parle des exécutions, mais elle ne sont pas très nombreuses. Celle qui a été la plus frappante fut certainement celle du président Barnadé Brisson. Mais les coupables furent trouvés, jugés et exécutés, ce qui prouve que ce n'était pas l'anarchie.

Par contre, les opposants se sont plaint des réquisitions, qui, elles, ont été nombreuses. Mais on peut comprendre ces confiscations de vivres faite de manière autoritaire, étant donné la faim dont souffrait beaucoup des parisiens assiégés.

Citer :
la haine du roi, Henri III,
Là aussi, je ne sais pas quelle est votre source. Les parisiens ont chassé le roi quand il a voulu faire entrer des troupes dans Paris, ce qui est compréhensible, et ce qui n'implique pas une haine généralisée. Puis il y a eu l'assassinat du duc de Guise, qui était un geste de haine du roi Henri III envers les ligueurs et non le contraire. Ce n'est pas le duc de Guise qui a tué Henri III.

Citer :
les Jésuites, qui seront longtemps vus comme d'éternels partisans du régicide.
Vous parlez de quel régicide et de quel période ? L'assassin de Henri III est connu. C'était Jacques Clément, qui n'était pas jésuite mais dominicain. Pour Henri IV, il y a eu une tentative d'assassinat, par Jean Chatel, qui n'était pas jésuite, mais qui avait été élève des jésuites, et cela s'est passé plusieurs mois après l'entrée de Henri IV dans Paris, qui est la date limite de fin pour ce sujet. Je crois que l'on n'accusait pas les jésuites d'être régicides avant cette tentative, mais qu'on les accusait de vouloir favoriser les espagnols, et c'était une accusation totalement fondée.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Paris, capitale de la Ligue
Message Publié : 12 Avr 2010 2:19 
Hors-ligne
Salluste
Salluste
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 03 Juil 2007 3:41
Message(s) : 249
Oliviert a écrit :
Citer :
l'on n'a pas énormément de témoignages en dehors du journal de Pierre de l'Estoile

Bien que pas experte en matière de la ligue..
Il me semble que l' histoire de de Thou vous donerrait des renseignements, tome 9. Il ne me fie pas beaucoup à lui pour l'histoire de la Saint-Barthélémy, il était trop jeune - c'etait plutot l'affaire de son père - mais la Ligue c'est chose bien différente.
http://books.google.com/books?id=VpEPAA ... &q&f=false
tome 10 1587-9


Il y a aussi le journal de Nicolas Brulart, récemmant réédité par Xavier le Person

Et sûrment il y a des miettes dans les Mémoires de la Ligue de Goulart
http://books.google.com/books?id=PI1NAA ... &q&f=false

Et un journal de 1590
http://books.google.com/books?id=9JJ5c8 ... &q&f=false

Et le journal de la Fosse
http://books.google.com/books?id=98FCAA ... &q&f=false


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Paris, capitale de la Ligue
Message Publié : 27 Mai 2010 13:49 
Hors-ligne
Polybe
Polybe

Inscription : 25 Mai 2010 11:35
Message(s) : 87
Helios a écrit :
...Paris n'est pas restée dans l'histoire pour être une ville très catholique...Le XVIe siècle n'est pas le XVIIIe certes, mais comment expliquer que dans les années 1580-1590, Paris ait été la capitale de la Ligue? La Ligue a-t-elle concerné véritablement l'essentiel des classes moyennes et populaires parisiennes? A lire le récit des événements de 1588, on en a l'impression. Si oui, pourquoi? Pourquoi l'anti-protestantisme, la haine du roi, le refus de tout compromis (type parti des politiques) se sont-ils cristallisés à ce point dans la population parisienne?


De 1357 à 1968, Paris a été la scène de beaucoup de révoltes sociales. On peut se figurer que l'alliance de Paris avec la ligue était plutôt une genre de combat social contre la noblesse calviniste qu'un combat religieux pur-sang.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Paris, capitale de la Ligue
Message Publié : 27 Mai 2010 18:39 
Hors-ligne
Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 19 Mars 2005 18:17
Message(s) : 2159
Localisation : Paris
Il s'agissait surtout d'une révolte contre le roi Henri III et sa manière de gouverner. Mais les facteurs religieux ne sont pas mineurs, loin de là. La société était en pleine angoisse escathologique. Pour elle, la fin du monde avait commencé.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Paris, capitale de la Ligue
Message Publié : 27 Mai 2010 20:21 
Châtillon a écrit :
Pour elle, la fin du monde avait commencé.


Tout à fait, c'était véritablement dans "l'air du temps". L'Apocalypse narré par Saint Jean est sûrement dans de nombreuses têtes. Nombreux sont les ligueurs et même les gens du peuple qui pensent que le protestantisme est l'Antéchrist. C'est le mal, qui annonce nécessairement la fin du monde. C'est une des raisons pour lesquelles il faut l'éradiquer.


Haut
  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Paris, capitale de la Ligue
Message Publié : 28 Mai 2010 15:29 
Hors-ligne
Polybe
Polybe

Inscription : 25 Mai 2010 11:35
Message(s) : 87
Châtillon a écrit :
Il s'agissait surtout d'une révolte contre le roi Henri III et sa manière de gouverner.

je vous remercie pour votre réponse


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Paris, capitale de la Ligue
Message Publié : 11 Jan 2012 17:33 
Hors-ligne
Philippe de Commines
Philippe de Commines
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 05 Juil 2011 14:39
Message(s) : 1623
Localisation : Armorique
Il est tout de même à noter que Paris sera toujours un brûlot.
Après la Ligue on passera à autre chose, puis la Fronde et puis et puis... Les Révolutions...La Commune etc.
Il est à noter qu'avant la Ligue, sous Charles V, Paris se fera fort -en pleine guerre de cent ans- de mettre le pouvoir encore plus à mal avec ses révoltes...
On a un peu l'impression et toujours de nos jours qu'hors Paris, point de salut, nulle intelligence. Et pourtant certaines villes comme Lyon, Marseille, Limoges, Bordeaux, Vichy eurent elles aussi leurs moments d'Histoire.
Paris sera toujours amoureux de ses barricades et le peuple parisien toujours prompt à se rebeller quitte à tourner panache.
Henri IV dans sa phrase (vraie ou non) : "Paris vaut bien une messe" a fait le tour de ce que vaut cette ville. Même si la phrase doit être prise à plusieurs degrés.
La province se verra souvent obligée de subir Paris, ses convulsions et ses soubresauts.

_________________
"... Et si je te semble avoir agi follement, peut-être suis-je accusée de folie par un insensé." (Sophocle)


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Paris, capitale de la Ligue
Message Publié : 25 Août 2012 10:01 
Hors-ligne
Polybe
Polybe
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 26 Avr 2012 17:36
Message(s) : 84
Si Henri III déclenche une révolte c'est surtout par l'impact sociologique-économique de sa politique. On est en période de crise économique et l'État n'arrive plus à subvenir à ses besoins, alors que depuis la mort de Louis XII ( avec un règne exemplaire quant à la gestion des finances du royaume puisqu'il laisse un excédent dans les caisses ) le royaume a glisser sur la planche des dettes. Henri III ne peut réduire les dépenses puisqu'il est obligé de lever des armées contre les huguenots et les " Politiques " et il veut faire briller la puissance de l'autorité royal par des rituels et spectacles couteux ( mais ce n'est pas grand chose fasse aux dépenses de guerre ). Henri III ne cesse d'augmenter les impôts et il en crée de nouveaux: alors que la population peine déjà cette politique est très impopulaire. Aussi il crée un impôt pour accéder aux offices la Marc d'or: ce qui serait considérer actuellement " de classe moyenne ", c'est á dire la bourgeoisie composée des petits et moyens commerçants sans écarter; les offices étaient un puissant outil d'ascension sociale, mais voilà que les offices deviennent l'apanage des plus riches. Révolte parisienne fut donc favorisée par l'agitation sociale. Le vecteur religieux joue aussi: Henri III est incompris, car il essaie de développer une piétée méditerranéenne dans une ville plus sensible envers la piété Rhénan-flamand. Cette pratique exubérante de Henri III, fait peur aux parisiens qui doutent sur leur Salut: si le roi est d'une religiosité douteuse, voire hérétique, le royaume de France et les Français sont voués à l'Enfer. Hors Henri III ne rassure pas, et manque à son devoir pour les parisiens: puisqu'il n'accompli pas ceci, il n'est plus légitime et dans cette logique, Paris considère Henri III comme un tyran usurpant le trône de Saint Louis. Pour expliquer la révolte il faut donc voir qu'il y a convergence de plusieurs facteurs: crise socio-économique et crainte de la Parousie avec un jugement défavorable puisque le roi " n'est pas un bon chrétien " selon la population. Cependant ce n'est pas la première fois que Paris éclate pendant les troubles religieux: le 24 août 1572, jour de l'attentat contre Coligny, qui a lieu après le mariage de Marguerite de Valois et Henri Bourbon, roi de Navarre depuis environ un mois, Paris est en pleine effervescence et Charles IX craint que la foule puisse attenter à sa vie. Lorsque le massacre devient le plus exécrable le roi est obligé de reconnaître sa responsabilité de l'ordre de tuer les huguenots, au parlement de Paris, pour calmer la ville qui a déjà la réputation d'être une ville rebelle envers ses rois. Aussi, la révolte de Paris, c'est la révolte de la Commune de Paris, institution vassale du roi mais qui d'administrer elle-même contre le pouvoir centralisateur et de plus en plus absolu du roi de France. On sait comment ça se termine: Henri IV crée une monarchie qui réduit les villes à de simples subordonnés obéissants, alors que l'Union Catholique a essayé de mettre en place une fédération de Républiques Urbaines.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Paris, capitale de la Ligue
Message Publié : 25 Août 2012 10:46 
Hors-ligne
Administrateur
Administrateur
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 27 Avr 2004 17:38
Message(s) : 10644
Localisation : Région Parisienne
J'aimerais bien connaître la différence entre une piété méditerranéenne et une piété rhéno-flamande, parce que je ne vois pas de quoi il s'agit.

_________________
Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer (Guillaume le Taciturne)


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Paris, capitale de la Ligue
Message Publié : 25 Août 2012 12:37 
Hors-ligne
Polybe
Polybe
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 26 Avr 2012 17:36
Message(s) : 84
La piété méditerranéenne est une pratique que l'on pourrait qualifier d'ostentatoire: avec de très nombreuses processions. Dans le Sud de la France se développent les pénitents, qui organisent beaucoup de manifestations sur la voie publique.

Dans le nord, c'est une piété plus personnelle, plus "sobre" ("sobre" dans le sens catholique, je ne parle donc pas d'un rituel dépouiller de toute pompe). Aussi, avec l'influence de la devotio moderna, c'est une pratique qui acquiert une forme d'individualité, alors que la procession induit une pratique plus collective. Dans le nord les processions se limitent au minimum (reliques, Saint-Sacrement, ou pénitence publique), alors que la pratique éxubérante méditerranéenne du XVIe siècle préfigure le culte baroque de la Contre-Réforme.

Pour résumé en grossissant les traits, le nord s'appuie sur les pratiques traditionnelles, alors que dans le sud on développe un rituel ostentatoire pour développer un culte "moderne" ayant pour objectif d'effacer le culte Réformé, en tout cas en réduisant la Réforme en frappant les esprits.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Paris, capitale de la Ligue
Message Publié : 25 Août 2012 13:01 
Hors-ligne
Philippe de Commines
Philippe de Commines
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 05 Juil 2011 14:39
Message(s) : 1623
Localisation : Armorique
Jérémy76 a écrit :
les offices étaient un puissant outil d'ascension sociale, mais voilà que les offices deviennent l'apanage des plus riches. Révolte parisienne fut donc favorisée par l'agitation sociale. Le vecteur religieux joue aussi: Henri III est incompris, car il essaie de développer une piétée méditerranéenne dans une ville plus sensible envers la piété Rhénan-flamand... On sait comment ça se termine: Henri IV crée une monarchie qui réduit les villes à de simples subordonnés obéissants, alors que l'Union Catholique a essayé de mettre en place une fédération de Républiques Urbaines.

Concernant l'état des finances françaises à ce moment il est vrai que les nouveaux impôts furent "mal perçus". Cependant il ne faut pas minimiser l'action de l'Espagne qui envoie des subsides à la Ligue. D'ailleurs après l'assassinat de Guise, on retrouvera en son hôtel quelques écrits échangés où il s'impatientait de ne pas voir plus d'argent affluer.
Nous sommes aussi à une période où l'Autriche doit se montrer plus catholique que la moyenne, le fils de l'Empereur du Saint-Empire étant très ouvert à la réforme et le pape dut rappeler au père de mettre un peu d'ordre dans la maison, aussi face à un Philippe II toujours prêt à en découdre (il se verrait bien dans la peau du futur empereur romain...), il vaut mieux s'aligner sur ce style de politique et montrer le voisin du doigt. C'est de bonne guerre.
J'imagine que vous entendez par "piété méditerranéenne" une piété qui confine plus à la superstition donc aux démonstrations ostensibles. Je ne le sens pas ainsi. Je ne pense pas non plus que la piété d'Henri III pose un doute, bien au contraire. Il faut voir le nombre de pèlerinages qu'il fera en compagnie de son épouse pour avoir un enfant, dont -dans la démonstration- avancer en compagnie de la reine à genoux, il existe beaucoup d'exemples et je ne mets pas sa foi en doute. Maintenant la politique est toute autre et les Guise se chargent d'orienter le peuple. La crainte de la damnation éternelle fait faire n'importe quoi... Pourri d'ambition, Guise a dû bien se charger de faire courir les rumeurs -son frère étant justement dans la place- et "calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose...".
Je pense que le vecteur principal était tout de même la religion revue et corrigée par les Guise et il est vrai que lorsque le mécontentement est à l'aulne de l'éternité, devoir payer un impôt supplémentaire plombe un peu le moral.
L'agitation sociale existe mais ce n'est pas la tranche touchée qui généralement monte les barricades, pour ceci il faut un énervement qui bien souvent est décuplé par la multitude, ce sont donc les couches sociales les plus basses qui n'ont rien à perdre. Vous m'objecterez qu'il faut des meneurs, Guise rémunère bien les hommes voire les familles qui se montrent compréhensives. A ce moment, à Paris, Guise est le roi et chose incroyable il faudra que le roi en place se batte afin de reconquérir sa capitale : il n'y a qu'en France que l'on voit ce genre de chose... La main de Clément empêchera Henri III d'aller au bout. Mais ceci n'est pas hors commun : sous Charles V on a vu aussi la capitale s'échauffer devant deux ou trois tribuns et l'Histoire est truffée de moments où soudain tout bascule. La province est parfois même peu touchée ou dans l'incompréhension.
Une révolte est toujours le fruit d'un état de facteurs considérés comme négatifs mais il faut un détonateur et Guise sera l'homme par qui le "ras le bol" s'exprime sous des dehors religieux, les autres facteurs étant peut être moins avouables. Vous évoquez la "parousie" mais pensez donc que les couches sociales défavorisées ont dépassé le point P et puis personne ne connaît la date donc il y a beaucoup de chances d'être passé ad patres avant la fameuse parousie. Les prêtres ne devaient pas beaucoup évoquer le retour du Christ et le jugement dernier, il y avait suffisamment à faire au jour le jour.
Concernant l'attentat de Coligny, je pense que vous interprétez la chose. Il existe déjà un fond de violence dans Paris. Coligny a soudain l'oreille de Charles IX au moment où la capitale pullule de Huguenots venus pour les épousailles. Pour eux, dans Paris c'est l'espoir si Coligny reste en place, cet espoir peut être que le prochain roi sera autre que Henri d'Anjou. L'attentat raté, il est vrai que les Huguenots donnent de la voix en constatant que leur position et leurs espoirs n'ont pas place en la capitale où tout se joue et se fait. Le pouvoir leur échappe si Coligny disparait, c'est la Ligue qui aura l'oreille du nouveau roi, du moins le croient-ils : Charles IX se montrant incapable de protéger son ministre. De plus la cohérence familiale est rompue depuis longtemps chez les Valois : pour être roi, il faut que le frère trépasse et Henri d'Anjou n'est pas chaud pour la Pologne quant à Alençon il n'est que la marionnette des Guise en la maison. Alors oui, il y eut certainement des échauffourées mais plus dues à la promiscuité dans Paris entre catholiques et huguenots. Charles IX est déjà malade et la famille avance ses pions. Madame Catherine ne jure que par Anjou et voit la Ligue d'un mauvais oeil, Guise n'aura certes pas le trône de son cadet. Il faut aussi compter avec Alençon à qui la Ligue aurait promis la couronne... Rien n'est simple et le statut de Guise en fait le personnage du royaume le plus important après le roi, il aime à rappeler que son père était lieutenant général du royaume sous Henri II. C'est donc l'homme fort du moment : les dés sont jetés, Anjou est bon pour la Pologne, Charles IX agonise et Alençon est inexistant. De plus la France aime les souverains un peu belliqueux et j'imagine que la propagande du moment doit montrer un roi plus enclin à choisir ses fraises qu'à jouer du fleuret.
Qu'Henri IV ait été un souverain "absolu" ayant son royaume entier à reconquérir est un fait mais je ne partage pas votre analyse sur les villes qui auraient pu être des "Républiques urbaines". François Ier et Henri II avaient déjà montré que la royauté peut avoir un goût d'absolu sans attendre Louis XIV.

_________________
"... Et si je te semble avoir agi follement, peut-être suis-je accusée de folie par un insensé." (Sophocle)


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Paris, capitale de la Ligue
Message Publié : 25 Août 2012 15:15 
Hors-ligne
Polybe
Polybe
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 26 Avr 2012 17:36
Message(s) : 84
gaete59 a écrit :
Jérémy76 a écrit :
les offices étaient un puissant outil d'ascension sociale, mais voilà que les offices deviennent l'apanage des plus riches. Révolte parisienne fut donc favorisée par l'agitation sociale. Le vecteur religieux joue aussi: Henri III est incompris, car il essaie de développer une piétée méditerranéenne dans une ville plus sensible envers la piété Rhénan-flamand... On sait comment ça se termine: Henri IV crée une monarchie qui réduit les villes à de simples subordonnés obéissants, alors que l'Union Catholique a essayé de mettre en place une fédération de Républiques Urbaines.

Concernant l'état des finances françaises à ce moment il est vrai que les nouveaux impôts furent "mal perçus". Cependant il ne faut pas minimiser l'action de l'Espagne qui envoie des subsides à la Ligue. D'ailleurs après l'assassinat de Guise, on retrouvera en son hôtel quelques écrits échangés où il s'impatientait de ne pas voir plus d'argent affluer.
Nous sommes aussi à une période où l'Autriche doit se montrer plus catholique que la moyenne, le fils de l'Empereur du Saint-Empire étant très ouvert à la réforme et le pape dut rappeler au père de mettre un peu d'ordre dans la maison, aussi face à un Philippe II toujours prêt à en découdre (il se verrait bien dans la peau du futur empereur romain...), il vaut mieux s'aligner sur ce style de politique et montrer le voisin du doigt. C'est de bonne guerre.
J'imagine que vous entendez par "piété méditerranéenne" une piété qui confine plus à la superstition donc aux démonstrations ostensibles. Je ne le sens pas ainsi. Je ne pense pas non plus que la piété d'Henri III pose un doute, bien au contraire. Il faut voir le nombre de pèlerinages qu'il fera en compagnie de son épouse pour avoir un enfant, dont -dans la démonstration- avancer en compagnie de la reine à genoux, il existe beaucoup d'exemples et je ne mets pas sa foi en doute. Maintenant la politique est toute autre et les Guise se chargent d'orienter le peuple. La crainte de la damnation éternelle fait faire n'importe quoi... Pourri d'ambition, Guise a dû bien se charger de faire courir les rumeurs -son frère étant justement dans la place- et "calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose...".
Je pense que le vecteur principal était tout de même la religion revue et corrigée par les Guise et il est vrai que lorsque le mécontentement est à l'aulne de l'éternité, devoir payer un impôt supplémentaire plombe un peu le moral.
L'agitation sociale existe mais ce n'est pas la tranche touchée qui généralement monte les barricades, pour ceci il faut un énervement qui bien souvent est décuplé par la multitude, ce sont donc les couches sociales les plus basses qui n'ont rien à perdre. Vous m'objecterez qu'il faut des meneurs, Guise rémunère bien les hommes voire les familles qui se montrent compréhensives. A ce moment, à Paris, Guise est le roi et chose incroyable il faudra que le roi en place se batte afin de reconquérir sa capitale : il n'y a qu'en France que l'on voit ce genre de chose... La main de Clément empêchera Henri III d'aller au bout. Mais ceci n'est pas hors commun : sous Charles V on a vu aussi la capitale s'échauffer devant deux ou trois tribuns et l'Histoire est truffée de moments où soudain tout bascule. La province est parfois même peu touchée ou dans l'incompréhension.
Une révolte est toujours le fruit d'un état de facteurs considérés comme négatifs mais il faut un détonateur et Guise sera l'homme par qui le "ras le bol" s'exprime sous des dehors religieux, les autres facteurs étant peut être moins avouables. Vous évoquez la "parousie" mais pensez donc que les couches sociales défavorisées ont dépassé le point P et puis personne ne connaît la date donc il y a beaucoup de chances d'être passé ad patres avant la fameuse parousie. Les prêtres ne devaient pas beaucoup évoquer le retour du Christ et le jugement dernier, il y avait suffisamment à faire au jour le jour.
Concernant l'attentat de Coligny, je pense que vous interprétez la chose. Il existe déjà un fond de violence dans Paris. Coligny a soudain l'oreille de Charles IX au moment où la capitale pullule de Huguenots venus pour les épousailles. Pour eux, dans Paris c'est l'espoir si Coligny reste en place, cet espoir peut être que le prochain roi sera autre que Henri d'Anjou. L'attentat raté, il est vrai que les Huguenots donnent de la voix en constatant que leur position et leurs espoirs n'ont pas place en la capitale où tout se joue et se fait. Le pouvoir leur échappe si Coligny disparait, c'est la Ligue qui aura l'oreille du nouveau roi, du moins le croient-ils : Charles IX se montrant incapable de protéger son ministre. De plus la cohérence familiale est rompue depuis longtemps chez les Valois : pour être roi, il faut que le frère trépasse et Henri d'Anjou n'est pas chaud pour la Pologne quant à Alençon il n'est que la marionnette des Guise en la maison. Alors oui, il y eut certainement des échauffourées mais plus dues à la promiscuité dans Paris entre catholiques et huguenots. Charles IX est déjà malade et la famille avance ses pions. Madame Catherine ne jure que par Anjou et voit la Ligue d'un mauvais oeil, Guise n'aura certes pas le trône de son cadet. Il faut aussi compter avec Alençon à qui la Ligue aurait promis la couronne... Rien n'est simple et le statut de Guise en fait le personnage du royaume le plus important après le roi, il aime à rappeler que son père était lieutenant général du royaume sous Henri II. C'est donc l'homme fort du moment : les dés sont jetés, Anjou est bon pour la Pologne, Charles IX agonise et Alençon est inexistant. De plus la France aime les souverains un peu belliqueux et j'imagine que la propagande du moment doit montrer un roi plus enclin à choisir ses fraises qu'à jouer du fleuret.
Qu'Henri IV ait été un souverain "absolu" ayant son royaume entier à reconquérir est un fait mais je ne partage pas votre analyse sur les villes qui auraient pu être des "Républiques urbaines". François Ier et Henri II avaient déjà montré que la royauté peut avoir un goût d'absolu sans attendre Louis XIV.


Je ne met pas en doute la foi de Henri III, qui était, on le sait un catholique convaincu (mais pas convaincu qu'il faille reconvertir le royaume par l'épée, contrairement aux Guise); par contre les parisiens ont trouvé étrange les piétés ostentatoires qu'Henri III apportait dans le nord du Royaume.

Concernant l'entourage familiale, il est vrai qu'il y a tout un jeu politique, mais je pense que si les frères de Charles IX ont l'air effacé vers la fin du règne, ce n'est pas lié à la politique des Guise (qui profitent de toute façon de l'éloignement des Messieurs), mais à celle de Charles IX. À cette époque (été 1572), Charles IX veut montrer qu'il est le roi, et que personne ne peut outrepasser ses volontés. À la surprise de tous il introduit Coligny au Conseil, c'est un moyen de contrebalancer les Guise mais aussi sa mère Catherine, qui, après les échecs de Michel de l'Hospistal à la fin de la décénie 60, se rapproche des catholiques récalcitrants et des Guise. Charles IX fait tout pour éloigner Henri d'Anjou (futur Henri III) c'est le frère le plus génant: le fils préféré de Catherine, il est le victorieux Valois qui vainquit le prince de Condé à Jarnac (ce dernier est tué par un garde du duc d'Anjou); il appuie la candidature de son frère pour son élection au trône de Pologne, vacant depuis la mort de Sigismond II Augyste ( ou Zygmunt en polonais). Aussi, Henri semble proche des Espagnols... Alors que Charles IX ne veut pas du tout entendre parler de Philippe II, ce roi ambitieux contrôle le comté de Flandres, et il est très proche de Paris: il ne faut pas le fâcher, mais s'allier à lui pourrait attiser les ambitions territoriales de ce roi vers Calais (il voudrait bien avoir un port dirigé vers l'Angleterre élisathéenne...). Pendant la Saint Barthélémy, on sait pas quel est le véritable rôle de Henri, mais on soupçonne d'y être pour quelque chose (a-t-il appuyé Henri de Guise pour l'assassinat de Coligny? Est-il à l'origine de l'ordre du roi pour un massacre "contrôlé" et très ciblé?). François d'Alençon, en été 1572, est politiquement inexistant, il faut attendre le départ de Henri d'Anjou pour la Pologne pour qu'il joue le rôle du frère intrigant).

Quant aux villes, je suis d'accord, François Ier et Henri II, et bien avant avec Louis XI, le roi à un pouvoir de plus en plus absolutiste. Mais le XVIe siècle voit encore des seigneurs tenter à restaurer l'âge d'or des seigneurs, la période féodale. Les villes possèdent au XVIè siècle encore beaucoup de pouvoirs: je ne parle pas des bourgs (sous contrôle d'un seigneur), mais des "bonnes villes". Ces villes sont libérés, au Moyen Âge, des pouvoirs seigneuriaux et sont placés sous juridiction royale. En échange de leur fidélité les rois leurs donnent une autonomie: elles s'administrent elles-mêmes, se défendent elles-mêmes (elles financent leurs milices, dites bourgeoises, et leurs défenses), se financent elles-mêmes, et le roi accorde des privilèges aux habitants ayant un statut de bourgeois (ce statut est soit vendu, ou soit il faut être propriétaire d'une maison dans la ville, l'accès à ce statut dépend de la ville). Les bourgeois assurent la défense (milice) et participent au pouvoir municipal. À l'époque de Henri III c'est le même système. Sauf que les rois tolèrent de moins en moins les pouvoirs. La crise financière de l’État oblige Henri III de se servir en empruntant dans les caisses de la ville de Paris, ce que les autorités municipales apprécient de moins en moins au fil du temps, puisque les emprunts sont tellement nombreux que la municipalité est de plus en plus gravement affecté. Le roi se justifie: dans le pensée médiévale, la bonne ville est le vassale du roi; Henri III ne fait qu'appliquer son droit de suzerain en réclamant une aide financière à la ville vassale. Mais avec le temps, les communautés bourgeoises ne comprennent plus ceci, et avec l'évolution du droit (redécouverte du roit romain à la fin du Moyen-âge): maintenant les emprunts du roi sont considérés, en quelque sorte comme une aliénation d'une partie de la res publica. C'est un vrai débat de société sur le régime qui finit par expliquer le fil rouge du conflit politique des guerres de Religion: à part la religion, il y a peu de différence d'arguments politiques entre les protestants des "Provinces Unies du Midi" et des catholiques de l'Union. Ils veulent une monarchie contrôlée, et décentralisée.

Mais Henri III ne l'entend pas ainsi. J'ai vu dans un livre qu'il aurait put accepter une monarchie tempérée comme Élisabeth en Angleterre, mais il tenait à garder sa "Majesté" et il ne voulait pas partager la souveraineté, alors que les huguenots et les ligueurs veulent que les États-Généraux et les Princes du royaume puissent aussi avoir une part de souveraineté dans le gouvernement du royaume. La guerre se termine par la victoire de la vision des Valois reprise par les Bourbon, seul le roi est souverain, car il détient son pouvoir de Dieu (sacre) et de ses ancêtres (transmission de la Couronne selon les Lois Fondamentales) c'est-à-dire Saint Louis, et les Valois se considéraient aussi descendants de Charlemagne. Joël Cornette, dans Chronique de la France Moderne, Paris, SEDES (coll. Regards sur l'histoire), tome I: Le XVIe siècle, p.318, cite Robert Descimon, Qui étaient les Seize? Mythes et réalités de la Ligue parisienne (1585-1594), Paris, 1983, où il explique que la guerre de la Ligue est un conflit de même nature que les révolutions anglaises du siècle suivant et de même nature que les révoltes néerlandaises face au pouvoir absolutiste du roi d'Espagne.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Afficher les messages publiés depuis :  Trier par  
Publier un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 24 message(s) ]  Aller vers la page 1, 2  Suivant

Le fuseau horaire est UTC+1 heure


Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 8 invité(s)


Vous ne pouvez pas publier de nouveaux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas éditer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas insérer de pièces jointes dans ce forum

Recherche de :
Aller vers :  





Propulsé par phpBB® Forum Software © phpBB Group
Traduction et support en françaisHébergement phpBB