Nous sommes actuellement le 16 Avr 2024 9:31

Le fuseau horaire est UTC+1 heure




Publier un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 11 message(s) ] 
Auteur Message
 Sujet du message : La peinture de genre
Message Publié : 11 Jan 2011 22:40 
Hors-ligne
Polybe
Polybe
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 04 Mars 2008 15:11
Message(s) : 106
Localisation : chroniqueur du temps qui passe à Nancy
bonsoir, mon sujet a peut être sa place dans la Renaissance.
Je me pose une question d'histoire de l'art.
J'ai lu je crois chez Arasse -ouh l'argument d'autorité !
que les scènes de genre s'étaient développées dans le nord de l'europe en raison de la tradition des enluminures sur les manuscrits qui étaient répandues en Angleterre. Ainsi, habitués à voir représenté les scènes de guerre, les artistes hollandais se seraient précipités sur ce créneau. Je pense à Caravage, à Rembrandt.
Cela alors que la perspective et les proportions inspirées de rome et de la grèce se développait en Italie et dans le sud.
Ma question est la suivante :
quand Vermeer, Rembrandt, peignaient des scènes de genre ou des peintures intimiste, travaillait-il en atelier ? c'est à dire reproduisait il en atelier des scènes quotidiennes qui avaient retenu son attention, ou bien peignait-il sur le vif ? Par exemple le géomètre ou la laitière...
S'agit-il de scènes qui sont recomposées en atelier ou peintes à domicile ? mais dans ce cas comment la peinture se conservait-elle ? Car il devait y avoir de nombreux problèmes matériels pour conserver les pots de peintures en dehors des ateliers ?
Pouvez-vous m'éclairer ?

_________________
to be is to do: socrate
to do is to be: platon
do be do be do: sinatra


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 11 Jan 2011 23:20 
Hors-ligne
Modérateur
Modérateur
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 23 Jan 2009 15:49
Message(s) : 1443
J'ai un peu de mal à vous suivre... Je reprends votre message à la lettre, non pas pour le plaisir de le contester, mais parce que je ne comprends pas trop votre raisonnement.

Citer :
J'ai lu je crois chez Arasse -ouh l'argument d'autorité !
que les scènes de genre s'étaient développées dans le nord de l'europe

Là, pas de problème, même si on connaît des scènes de genre en Italie aussi (Caravage notamment). Le genre se développe surtout dans les écoles du nord, et surtout plus tôt qu'en Italie
Citer :
en raison de la tradition des enluminures sur les manuscrits qui étaient répandues en Angleterre.

Là, je vous perds.
- quel lien faites-vous entre l'enluminure et la scène de genre ?
- les Anglais ne sont pas généralement considérés comme peintres du nord : ce terme désigne plutôt les peintres hollandais et flamand. Les Anglais ont souvent un style particulier, et ne sont pas franchement des champions de la scène de genre il me semble (mais j'avoue n'avoir jamais étudié la chose).
- les enluminures ne sont pas plus répandues en Angleterre que dans le reste de l'Europe, notamment en France.
Citer :
Ainsi, habitués à voir représenté les scènes de guerre, les artistes hollandais se seraient précipités sur ce créneau. Je pense à Caravage, à Rembrandt.

- scène de guerre et scène de genre, quel rapport ? Juste une faute de frappe ?
- idem pour le rapport scène de guerre - enluminure ?
- Caravage n'est pas un artiste hollandais du tout du tout
- Rembrandt est bien un hollandais, mais la naissance des scènes de genre est bien plus ancienne, et il n'a sans doute jamais vu un livre enluminé.
Citer :
Cela alors que la perspective et les proportions inspirées de rome et de la grèce se développait en Italie et dans le sud.

L'idée d'une perspective géométrique (par des lignes de fuite et la taille des personnages) n'est pas présente que dans l'Italie, mais aussi dans les écoles du nord (regardez, par exemple, la Vierge au chancelier Rolin de Van Eyck). Elle n'est nullement inspirée de l'art romain, encore moins de l'art grec (qui n'est pas connu, à cette époque) mais de recherches humanistes et scientifiques des XVe-XVIe s. Certes, la perspective mathématique (très rigoureuse) se développe d'abord en Italie (Masaccio) mais elle gagne rapidement le nord.
Citer :
Ma question est la suivante :
quand Vermeer, Rembrandt, peignaient des scènes de genre ou des peintures intimiste, travaillait-il en atelier ? c'est à dire reproduisait il en atelier des scènes quotidiennes qui avaient retenu son attention, ou bien peignait-il sur le vif ? Par exemple le géomètre ou la laitière...
S'agit-il de scènes qui sont recomposées en atelier ou peintes à domicile ? mais dans ce cas comment la peinture se conservait-elle ? Car il devait y avoir de nombreux problèmes matériels pour conserver les pots de peintures en dehors des ateliers ?
Pouvez-vous m'éclairer ?

J'ai un peu de mal à voir comment vous passez des premières considérations à la question de l'atelier... ni pourquoi cette question vous embête autant dans le cas d'une scène de genre. Toute d'abord, le peintre au XVIIe s. (jusqu'au XIXe, en fait, moment de l'invention de la peinture en tube et de la toile préparée), ne travaille jamais qu'en atelier, car il lui faut préparer les pigments.
Mais autant je comprends qu'on puisse se poser la question de la précision pour les paysages, autant, pour une scène de genre, c'est beaucoup moins problématique, surtout pour celles que vous citez, qui monopolisent peu de personnages dans un espace indistinct. On peut sans problème faire poser un modèle dans l'atelier, il n'y a pas besoin de "recomposition". Mais je n'ai sans doute pas saisi le sens de votre question ?
Pour vous donner une idée de la manière dont peut travailler un peintre, vous pouvez peut-être regarder le film la jeune fille à la perle, dont le réalisateur s'est attaché très précisément à faire revivre le travail d'un peintre du XVIIe (Vermeer en l'occurrence). Il est très instructif en ce sens.

J'espère ne pas avoir paru désobligeante :oops: , mais peut-être qu'une reformulation de votre message me permettrait d'y voir plus clair.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 12 Jan 2011 23:20 
Hors-ligne
Polybe
Polybe
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 04 Mars 2008 15:11
Message(s) : 106
Localisation : chroniqueur du temps qui passe à Nancy
merci pour votre réponse et sa rapidité.

Pour répondre à votre demande, je peux préciser :

la peinture de genre naît en hollande
question d'histoire : pourquoi ?

hypothèse 1 : influence des enluminures notamment en Angleterre et dont le développement aurait habitué les peintres à ce type de représentation.

hypothèse 2 : en raison de la pluie au nord de l'europe (lol) les peintres restent à la maison et peignent les modèles qu'ils ont dans la cuisine, ou dans la chambre.

voici les deux hypothèses que j'ai collectionnées pour expliquer la naissance dans le nord de l'europe des scènes de genre et des scènes intimistes. Je cherche d'autres hypothèses..

merci beaucoup dans tous les cas : je vais regarder la jeune fille à la perle... Et après je demanderai si la reconstitution historique est fiable...

_________________
to be is to do: socrate
to do is to be: platon
do be do be do: sinatra


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 12 Jan 2011 23:47 
Hors-ligne
Salluste
Salluste
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 11 Nov 2010 13:22
Message(s) : 289
Localisation : lorraine
Citer :
la théorie la plus répandue est que le développement du protestantisme a brutalement stoppé la commande de tableaux d'autels. Les peintres ont dû se recycler vers le portrait de bourgeois. Les scènes de genre, les natures mortes et les marines étaient leur "produit d'appel".


la motivation est plus économique que climatologique :wink:

_________________
Omnia disce, videbis postea nihil esse superfluum


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: La peinture de genre
Message Publié : 13 Jan 2011 9:28 
Hors-ligne
Modérateur
Modérateur
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 23 Jan 2009 15:49
Message(s) : 1443
Bonjour,

Je ne vois vraiment pas d'où peut venir cette hypothèse de l'influence des miniatures anglaises sur le développement de la peinture de genre dans les écoles du nord. En tout cas, pas de chez Arasse, il me semble, à moins que j'aie manqué un gros chapitre.
D'ailleurs, précisons tout de suite qu'il serait erroné de réduire les écoles du nord aux scènes de genre : on y fait de tout, depuis de grandes scènes religieuses ou allégoriques, jusqu'aux paysages et natures mortes. Notons aussi que toute scène de genre n'est pas forcément intérieure, comme en témoignent, par exemple, les tableaux de Brueghel l'Ancien.

Je ne suis pas spécialiste de la question, mais je vous livre ce que j'ai appris quant à l'éclosion de la peinture de genre.On peut la rattacher à plusieurs éléments :
*Tout d'abord, la découverte, à la Renaissance de mentions de peintres antiques de "sujets humbles", comme Piraïkos et Antiphilos a pu favoriser le genre. Les découvertes se font généralement en Italie, mais les échanges avec le Nord sont fréquents et nombreux.
*La Flandre s'est aussi fait, depuis le XIVe siècle, une spécialité de la représentation des intérieurs précis, en arrière-plan de portraits ou de scènes religieuses. C'est à mettre en relation avec le développement de la peinture à l'huile à partir de l'activité des Van Eyck (technique qui permet des effets de matière et de lumière) et avec le courant religieux de la devotio moderna (le sacré devient accessible en étant placé dans un cadre familier). On a dès le XIVe s. développement d'un "réalisme flamand", sensible chez le maître de Flémalle, chez Van der Weyden, chez Petrus Christus ; cette tradition picturale, qui met l'accent sur le détail, la finesse de la touche, le rendu des matières, n'est pas pour rien dans le développement ultérieur des scènes de genre.
*Comme l'a signalé YetAnotherYves, la raison principale est sans doute économique et plus généralement sociale. Les Pays-Bas, comme les Provinces-Unies, sont des régions très marchandes et bourgeoises, où la peinture n'a pas le même statut qu'en Italie, par exemple : elle est plus répandue dans la société, on la trouve dans toutes les boutiques, dans tous les intérieurs urbains. C'est une peinture qui est moins de commande que de marché, c'est à dire qu'elle est produite dans des ateliers souvent marqués par une hyper-spécialisation (le maître donne la composition et fait les visages et les mains, un peintre fait les fleurs, un peintre les vêtements, un peintre les paysages...), et vendue dans ces mêmes ateliers ou dans des boutiques. Les scènes de genres, plus basses dans la hiérarchie des genres, sont plus petites et sans doute moins chères, donc plus accessibles. Elles flattent aussi la clientèle en représentant sa vie quotidienne.
*Enfin, il y a peut-être une influence de la Réforme, mais je reste dubitative. L'absence de demande n'est pas prouvée : les peintres du nord ont produit beaucoup de peinture religieuse, et la peinture de genre n'est pas du tout absente des zones catholiques (bambochades). Particulièrement en Italie, la peinture de genre, par exemple, a été fondamentale pour le Caravage, qui est l'un des premiers peintres à mettre en pratique les prescriptions du concile de Trente.

Je ne doute pas que de plus savants que moi viendront corriger les généralisations et imprécisions.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: La peinture de genre
Message Publié : 13 Jan 2011 22:21 
Hors-ligne
Fustel de Coulanges
Fustel de Coulanges
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 15 Nov 2006 17:43
Message(s) : 3549
Localisation : Lorrain en exil à Paris
calame a écrit :
*Enfin, il y a peut-être une influence de la Réforme, mais je reste dubitative. L'absence de demande n'est pas prouvée : les peintres du nord ont produit beaucoup de peinture religieuse, et la peinture de genre n'est pas du tout absente des zones catholiques (bambochades). Particulièrement en Italie, la peinture de genre, par exemple, a été fondamentale pour le Caravage, qui est l'un des premiers peintres à mettre en pratique les prescriptions du concile de Trente.



J'en doute aussi. La peinture de genre arrive bien avant la Réforme et plutôt en Flandre, qui restera une zone catholique par la suite. On est dans une inspiration clairement cantonnée aux régions des grands fleuves du Nord de l'Europe occidentale: Meuse, Moselle, Rhin, Escaut. Même au coeur du Moyen Age et de la peinture religieuse, il me semble que les régions allemandes et flamandes privilègient souvent le goût du pittoresque, du détail - voire du grotesque et de l'étrange. Bien plus que l'Italie qui semble chercher plus la majesté et la réminiscence plus ou moins nette de l'art byzantin.

Enfin, je ne sais pas ce qu'en pense les vrais historiens d'art...

_________________
"[Il] conpissa tous mes louviaus"

"Les bijoux du tanuki se balancent
Pourtant il n'y a pas le moindre vent."


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: La peinture de genre
Message Publié : 14 Jan 2011 21:46 
Hors-ligne
Salluste
Salluste
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 11 Nov 2010 13:22
Message(s) : 289
Localisation : lorraine
Alfred Teckel a écrit :
calame a écrit :
*Enfin, il y a peut-être une influence de la Réforme, mais je reste dubitative. L'absence de demande n'est pas prouvée : les peintres du nord ont produit beaucoup de peinture religieuse, et la peinture de genre n'est pas du tout absente des zones catholiques (bambochades). Particulièrement en Italie, la peinture de genre, par exemple, a été fondamentale pour le Caravage, qui est l'un des premiers peintres à mettre en pratique les prescriptions du concile de Trente.



J'en doute aussi. La peinture de genre arrive bien avant la Réforme et plutôt en Flandre, qui restera une zone catholique par la suite. On est dans une inspiration clairement cantonnée aux régions des grands fleuves du Nord de l'Europe occidentale: Meuse, Moselle, Rhin, Escaut. Même au coeur du Moyen Age et de la peinture religieuse, il me semble que les régions allemandes et flamandes privilègient souvent le goût du pittoresque, du détail - voire du grotesque et de l'étrange. Bien plus que l'Italie qui semble chercher plus la majesté et la réminiscence plus ou moins nette de l'art byzantin.

Enfin, je ne sais pas ce qu'en pense les vrais historiens d'art...


Rassurez-vous je n'en suis pas.

Ma référence est Histoire de L'Art de Gombrich dont je recommande chaudement la lecture parce que c'est extrêmement bien écrit et très agréable à lire. Naturellement essayer de couvrir l'histoire de l'art des origines aux années 60 implique des raccourcis.
Sinon l'hypothèse est couramment admise. On la retrouve dans wikipedia :wink:
Ce qui est plus discutable est la définition de la peinture de genre : les tableaux ni religieux, ni les portraits ?
C'est plus simple pour les marines. La religion chrétienne ne permet pas beaucoup de créativité sur ce thème.

L'hypothèse de Gombrich est que l'influence de la Réforme est indirecte et économique. L'absence de commandes religieuses pousse les peintres à trouver ou développer de nouveaux thèmes qui seront appréciés dans le monde occidental. De la même façon que un siècle plus tôt l'invention de la peinture à l'huile bouleverse le traitement de la lumière.

Pour la chronologie : le protestantisme s'implante au Pays Bas à partir de 1550 http://www.museeprotestant.org/Pages/Notices.php?scatid=159&noticeid=852&lev=1&Lget=FR
Le Caravage né en 1571, Carrache en 1560. Bruegel l'Ancien meurt en 1569 et commence sans doute ses oeuvres vers 1551.
Je trouve cette hypothèse élégante et suffisamment solide (un tantinet marxiste :mrgreen: ).

Je ne sais pas si l'histoire de l'art moderne propose de nouvelles hypothèses.

_________________
Omnia disce, videbis postea nihil esse superfluum


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: La peinture de genre
Message Publié : 14 Jan 2011 23:32 
Hors-ligne
Modérateur
Modérateur
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 23 Jan 2009 15:49
Message(s) : 1443
Gombrich est intéressant, mais il est souvent dépassé. J'ai parfois un peu de mal avec cet ouvrage. Ceci dit, je n'ai pas de référence à citer particulièrement sur ce point. Dommage que Mécène ait quitté le forum, je sais qu'il avait un peu travaillé sur ce sujet.

Juste pour rappel, Carrache n'a peint que peu de peintures de genre, surtout dans ses débuts (Ah, le Mangeur de pois !) ; Caravage, un peu plus, mais également au début de sa vie. Les deux sont italiens et catholiques (ils mettent notamment en œuvre les principes du Concile de Trente). A leur époque, la peinture de genre existe déjà depuis un siècle à peu près dans le Nord, et se diffuse en Italie par le biais d'un peintre du nord, surnommé le Bamboche.

Définir la scène de genre ne paraît a priori pas difficile, car cela a été fait dès le XVIIe, avec les académies et la hiérarchie des genres : c'est une peinture mettant en scène des personnages, mais qui ne s'appuie pas sur un texte littéraire (à la différence de la peinture d'histoire, qui comprend à la fois la peinture religieuse, historique et mythologique) et ne représente pas un personnage réel (à la différence d'un portrait). Ceci dit, les subtilités interviennent rapidement dans les ambiguïtés liées à l'interprétation, ambiguïtés souvent cultivées par les artistes, qui cherchent à sa hausser dans la hiérarchie des genres, sans perdre leur clientèle.
Par exemple, une grande part des oeuvres de Brueghel peuvent être lues comme des scènes de genre ou comme des scènes religieuses. Je pense notamment aux Aveugles du musée Capodimonte de Naples, qui peuvent être lus comme une illustration de la parabole des Aveugles (http://www.wga.hu/preview/b/bruegel/pie ... parabl.jpg), ou au massacre des Innocents du KHM de Vienne, qui, par sa transposition dans un paysage hivernal des Flandres, est aussi une scène de guerre "normale" (http://www.wga.hu/preview/b/bruegel/pie ... innoce.jpg). Il faudrait aussi évoquer les nombreuses hypothèses qui ont été lancées autour du repas de paysans (KHM également), mais j'avoue n'être pas assez calée sur le sujet (http://www.wga.hu/preview/b/bruegel/pie ... weddin.jpg).
Bref, on saisit bien, autour des oeuvres de ce peintre, mais aussi autour d'oeuvres italiennes ou françaises, toute la subtilité de ces catégories : quand passe-t-on réellement de la scène religieuse à la scène de genre ? Comment les contemporains lisaient-ils ces oeuvres, et n'en avaient-ils, d'ailleurs, qu'une seule lecture ? La distinction est rendue encore plus difficile par la tendance des peintres du nord à situer leurs scènes religieuses dans des intérieurs précis, ainsi que par la vocation morale de nombreuses scènes de genre (Le changeur d'or et sa femme de Quentin Metsys du Louvre, par exemple, qui a donné lieu à une abondante littérature, chaque détail pouvant être interprété de manière symbolique).
Il y a parfois une ambiguïté semblable entre portraits et genre, avec les "portraits de genre", dont Frans Hals se fait une spécialité. Le sujet est représenté cadré très près, comme un portrait, mais le peintre cherche d'abord à rendre une condition sociale, et non pas à faire preuve de réalisme (cf. la Bohémienne du Louvre). Certains vont même jusqu'à qualifier les époux Arnolfini de scène de genre, ce qui me semble un peu exagéré.
On retrouve la même chose pour le paysage : les peintres cherchent à se hisser dans la hiérarchie en incluant des scènes religieuses/antiques et des allégories à l'intérieur.

A ce propos, j'ai une réserve par rapport à ce que vous dites, Alfred, quant au goût du pittoresque : il est certes présent, mais ne définit pas, pour moi en tout cas, la scène de genre. Auriez-vous des exemples en tête pour des périodes plus anciennes que la fin XVe ?

3 éléments me rendent dubitative quant à la liaison scènes de genre/réforme.
*La peinture de genre, ainsi que le souligne Alfred Teckel, existe avant la diffusion de la réforme dans les Flandres, et est le fait d'artistes qui ne semblent pas forcément protestants. J'ai déjà cité Quentin Metsys, mais Marinus van Reymerswaele en est un autre exemple : il a peint de nombreux saint Jérôme, ce qui semble indiquer qu'il n'est pas très marqué par la réforme (on ne connaît pas grand chose de sa vie, à ma connaissance), ce qui ne l'empêche pas de peindre dès la première moitié du XVIe des changeurs d'or et des collecteurs de taxes.
*Les peintres de genre du nord, même après l'implantation de la réforme, ne s'arrêtent pas de peindre des scènes religieuses. C'est le cas de Pieter Brueghel l'Ancien, c'est le cas de Aertsen, c'est encore le cas, plus tard, de Rembrandt, qui peint et grave absolument de tout (ses scènes de genre sont peut être un peu moins connues, mais on peut citer par exemple le cavalier polonais de la Frick Collection ou le moment de musique d'Amsterdam).
*Les peintres catholiques hors du nord peignent aussi des scènes de genre comme des scènes religieuses ; l'adoption de la scène de genre en Italie ou en Espagne s'est faite, à ma connaissance, dès le début du XVIIe. Velasquez en a usé ; il a même, dans le Christ chez Marthe et Marie (NG de Londres), transformé une peinture religieuse une scène de genre, en rejetant le sujet à l'arrière plan (un peu dans le même genre que la Flagellation de Piero della Francesca, mais là, il serait exagéré de parler de scène de genre, on est vraiment trop tôt et les motivations du peintre sont très différentes... pour autant qu'on les connaisse).

Ceci dit, je ne suis pas spécialiste de la chose du tout, encore une fois, et pas très au fait des diverses théories. C'est plutôt une réflexion personnelle - et pas tout à fait aboutie, il faut bien le dire :oops: .


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: La peinture de genre
Message Publié : 14 Jan 2011 23:33 
Hors-ligne
Fustel de Coulanges
Fustel de Coulanges
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 15 Nov 2006 17:43
Message(s) : 3549
Localisation : Lorrain en exil à Paris
YetAnotherYves a écrit :

Ma référence est Histoire de L'Art de Gombrich dont je recommande chaudement la lecture parce que c'est extrêmement bien écrit et très agréable à lire. Naturellement essayer de couvrir l'histoire de l'art des origines aux années 60 implique des raccourcis.
Sinon l'hypothèse est couramment admise. On la retrouve dans wikipedia :wink:
Ce qui est plus discutable est la définition de la peinture de genre : les tableaux ni religieux, ni les portraits ?
C'est plus simple pour les marines. La religion chrétienne ne permet pas beaucoup de créativité sur ce thème.

L'hypothèse de Gombrich est que l'influence de la Réforme est indirecte et économique. L'absence de commandes religieuses pousse les peintres à trouver ou développer de nouveaux thèmes qui seront appréciés dans le monde occidental. De la même façon que un siècle plus tôt l'invention de la peinture à l'huile bouleverse le traitement de la lumière.

Pour la chronologie : le protestantisme s'implante au Pays Bas à partir de 1550 http://www.museeprotestant.org/Pages/Notices.php?scatid=159&noticeid=852&lev=1&Lget=FR
Le Caravage né en 1571, Carrache en 1560. Bruegel l'Ancien meurt en 1569 et commence sans doute ses oeuvres vers 1551.
Je trouve cette hypothèse élégante et suffisamment solide (un tantinet marxiste :mrgreen: ).

Je ne sais pas si l'histoire de l'art moderne propose de nouvelles hypothèses.



Il va falloir s'entendre sur les termes. Ce que j'appelle Pays-Bas, ce sont les "Anciens" Pays-Bas (bourguignons, puis espagnols et autrichiens), soit en gros la Belgique actuelle. LEs Pays-Bas actuels, pour la période considérée, méritent plutôt le nom de Hollande ou de Provinces-Unies. Et puis la peinture de genre débute bien avant le XVIe selon moi! ;-) La thèse de Gombrich est intéressante mais j'ai du mal à l'accepter pleinement; on a beaucoup remis en cause dans nombre de domaines l'apport prétendument majeur du protestantisme, qui aurait permis de développement le capitalisme, la liberté individuelle et ici -je le découvre - la peinture de genre. Tout cela est très sérieusement revu et nuancé depuis pas mal d'années. Je serais curieux de voir ce qu'en dit l'historiographie artistique actuelle.

_________________
"[Il] conpissa tous mes louviaus"

"Les bijoux du tanuki se balancent
Pourtant il n'y a pas le moindre vent."


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: La peinture de genre
Message Publié : 14 Jan 2011 23:52 
Hors-ligne
Fustel de Coulanges
Fustel de Coulanges
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 15 Nov 2006 17:43
Message(s) : 3549
Localisation : Lorrain en exil à Paris
calame a écrit :


A ce propos, j'ai une réserve par rapport à ce que vous dites, Alfred, quant au goût du pittoresque : il est certes présent, mais ne définit pas, pour moi en tout cas, la scène de genre. Auriez-vous des exemples en tête pour des périodes plus anciennes que la fin XVe ?


Oui, j'ai été un peu rapide en parlant de "coeur" du Moyen Age. Parlons en effet d'à partir du milieu XVe s. Et je ne pense pas que ce pittoresque définisse la scène de genre, car je n'ai pas d'exemple de vraie scène de genre à cette époque (toutes celles qui pourraient le préfigurer sont clairement religieuses: http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/8/8d/Dieric_Bouts_009.jpg) (mais je ne suis pas spécialiste), mais je crois que ce goût est annonciateur de la scène de genre. Le fait de pouvoir se passer de justification religieuse, fût-elle lointaine, pour peindre un tableau, me semble tout autant un apport de l'humanisme que de la Réforme.

_________________
"[Il] conpissa tous mes louviaus"

"Les bijoux du tanuki se balancent
Pourtant il n'y a pas le moindre vent."


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: La peinture de genre
Message Publié : 14 Jan 2011 23:55 
Hors-ligne
Modérateur
Modérateur
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 23 Jan 2009 15:49
Message(s) : 1443
Alfred Teckel a écrit :
Oui, j'ai été un peu rapide en parlant de "coeur" du Moyen Age. Parlons en effet d'à partir du milieu XVe s. Et je ne pense pas que ce pittoresque définisse la scène de genre, car je n'ai pas d'exemple de vraie scène de genre à cette époque (toutes celles qui pourraient le préfigurer sont clairement religieuses: http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/8/8d/Dieric_Bouts_009.jpg) (mais je ne suis pas spécialiste), mais je crois que ce goût est annonciateur de la scène de genre. Le fait de pouvoir se passer de justification religieuse, fût-elle lointaine, pour peindre un tableau, me semble tout autant un apport de l'humanisme que de la Réforme.

Là dessus, je suis tout à fait d'accord avec vous.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Afficher les messages publiés depuis :  Trier par  
Publier un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 11 message(s) ] 

Le fuseau horaire est UTC+1 heure


Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Google [Bot] et 4 invité(s)


Vous ne pouvez pas publier de nouveaux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas éditer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas insérer de pièces jointes dans ce forum

Recherche de :
Aller vers :  





Propulsé par phpBB® Forum Software © phpBB Group
Traduction et support en françaisHébergement phpBB